Le chef des militaires au pouvoir depuis trois jours au Burkina Faso, a demandé jeudi soir l’aide de ses partenaires internationaux à la veille d’un sommet des Etats ouest-africains qui pourrait déboucher sur des sanctions.
Dans sa première allocution depuis sa prise de pouvoir lundi, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, a estimé que le Burkina avait “plus que jamais besoin de ses partenaires”.
Habillé en treillis et béret rouge, le nouvel homme fort du Burkina s’est exprimé debout devant un pupitre dans une allocution d’une quinzaine de minutes.
“Je sais comprendre les doutes légitimes suscités par cette rupture dans la marche normale de l’Etat. Mais je voudrais rassurer l’ensemble des amis du Burkina Faso que le pays continuera à respecter les engagements internationaux, notamment en ce qui concerne le respect les droits de l’Homme”, a indiqué M. Damiba, précisant que l’indépendance de la justice serait “assurée”.
Un sommet virtuel des pays membres de la Communauté des Etats ouest-africains (Cédéao) qui a fermement condamné ce nouveau coup d’Etat dans la région, doit se tenir vendredi.
Comme elle l’a fait auparavant pour deux autres pays où des militaires ont pris le pouvoir, le Mali et la Guinée, la Cédéao devrait suspendre le Burkina Faso de ses instances et pourrait imposer des sanctions aux putschistes.
– Une “priorité”, la sécurité –
Le lieutenant-colonel Damiba s’est engagé “au retour à une vie constitutionnelle normale”, “lorsque les conditions seront réunies”, sans préciser d’agenda.
Faisant de la sécurité sa “priorité”, il a longuement rendu hommage aux soldats et aux supplétifs civils qui affrontent les groupes jihadistes qui endeuillent régulièrement le Burkina Faso dans des attaques meurtrières.
Jeudi, M. Damiba a poursuivi les consultations avec les diverses organisations de la société burkinabè en recevant au Palais présidentiel une vingtaine de syndicalistes.
“Il nous a donné l’assurance que nous serons consultés et impliqués dans ce qui sera mis en place”, a déclaré Marcel Zanté, président de l’Unité d’action syndicale qui regroupe 130 organisations.
Mercredi, le nouvel homme fort du Burkina Faso qui a renversé le président élu Roch Marc Christian Kaboré, accusé d’impuissance face à la violence jihadiste qui ravage ce pays depuis 2015 et qui a été placé en résidence surveillée, avait rencontré les ministres du gouvernement dissous.
Il leur a demandé de ne pas quitter le Burkina sauf autorisation et avait indiqué à cette occasion qu’il souhaitait impliquer toutes les composantes nationales dans la gestion de la transition, selon des sources politiques.
Sans surprise, le coup d’Etat a été condamné par le MPP qui a réclamé la “libération immédiate” du président renversé et de son Premier ministre Lassina Zerbo.
Condamnation et libération également exigées par la communauté internationale.
– La société civile “prend acte” –
Plusieurs organisations de la société civile, parmi lesquelles la Balai citoyen qui avait joué un rôle crucial dans la chute de l’ex-président Blaise Compaoré en 2014 après 27 ans au pouvoir, ont en revanche été plus mesurées.
“Nos organisations attachées à l’Etat de droit et aux valeurs démocratiques, réprouvent les coups d’Etat militaires ou constitutionnels (modifications d’articles pour se maintenir au pouvoir)”, écrivent-elles dans un communiqué, ajoutant aussitôt: “Néanmoins, elles prennent acte de la situation”.
Position similaire de plusieurs partis d’opposition à M. Kaboré, dont le plus important, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) proche de Blaise Compaoré, qui “marquent leur disponibilité à apprécier la vision qui leur sera soumise” par la junte.
Les organisations de la société civile exigent “la poursuite normale” du procès des assassins présumés en 1987 de Thomas Sankara, leader progressiste et icône panafricaine, tué par un coup d’Etat fomenté par des proches, dont Blaise Compaoré qui avait pris le pouvoir.
Dans son allocution, le chef de la junte a promis que que l’indépendance de la justice serait “assurée”.
Commencé en octobre 2021, le procès a été interrompu par le putsch, mais reprendra rependra lundi devant le tribunal militaire de Ouagadougou, a indiqué un communiqué du parquet du procureur militaire.
Le parquet dément en outre des informations faisant état de la libération du principal accusé présent à ce procès, le général Gilbert Diendéré, un proche de Blaise Compaoré, autre accusé majeur jugé en absence, puisqu’il vit en Côte d’Ivoire.
Le général Diendéré purge déjà une peine de 20 ans de prison pour une tentative de coup d’Etat commise en 2015.
C’est depuis 2015 que, dans le sillage du Mali et du Niger, le Burkina Faso est pris dans une spirale de violences attribuées à des groupes armés jihadistes, affiliés à Al-Qaïda et au groupe Etat islamique qui ont fait plus de 2.000 morts et contraint 1,5 million de personnes à fuir leurs foyers.
Source : AfricaNews