Les affrontements s’intensifient, au quatrième jour d’un coup d’Etat militaire refusé également par la communauté internationale, qui réclame le retour des civils au pouvoir.
Quatre jours après le coup d’Etat militaire au Soudan, la répression se poursuit. Les affrontements entre manifestants et forces de sécurité ont fait un nouveau mort, jeudi 28 octobre, à Khartoum, au quatrième jour d’un coup d’Etat militaire refusé par la rue et par la communauté internationale qui veulent le retour des civils au pouvoir au Soudan.
Lundi, le général Abdel Fattah Al-Bourhane, désormais seul aux commandes de ce pays pauvre d’Afrique de l’Est, a dissous le gouvernement censé assurer la transition vers la démocratie. Il a également arrêté ministres et hauts responsables civils de ce pays plongé dans le marasme politique et miné par les conflits.
Après des jours de tractation, notamment du fait de la réticence russe à condamner le putsch, le Conseil de sécurité de l’ONU a réclamé, jeudi, « le rétablissement d’un gouvernement de transition dirigé par des civils ». « Notre message aux autorités militaires du Soudan est clair : le peuple soudanais doit être autorisé à manifester pacifiquement et le gouvernement de transition dirigé par des civils doit être restauré », a réagi, de son côté, le président américain, Joe Biden, promettant que son pays continuerait de « se tenir aux côtés du peuple soudanais ».
Entre manifestants décidés à rester dans la rue jusqu’au retour d’un cabinet civil et forces de sécurité armées de fusils, de grenades lacrymogènes et de balles en caoutchouc, au moins huit manifestants ont été tués et 170 blessés, selon les responsables de la santé.
Avec des barricades de branchages, de pneus brûlés et de pierres, les manifestants ne cessent de réinstaller des barricades en travers des avenues de la capitale pour paralyser le pays avec une campagne de « désobéissance civile ». De fait, seules quelques boulangeries sont ouvertes, où se pressent des familles. Comme les quatre derniers jours, les rideaux de fer des magasins, banques et restaurants sont restés baissés.
Les forces de sécurité qui quadrillent la ville tentent régulièrement de lever ces barrages de fortune, allant à l’affrontement. Dans le centre de Khartoum, rares étaient ceux qui s’aventuraient dans les rues de crainte de se faire arrêter par les forces de sécurité.
Jeudi en début de soirée, en plus d’un manifestant tué, six autres ont été blessés, plusieurs par balles à Khartoum-Nord, ville séparée de la capitale soudanaise par le Nil, ont rapporté des médecins à l’Agence France-Presse. « Il pourrait y avoir d’autres morts, mais il est difficile d’établir des contacts avec Khartoum-Nord pour avoir confirmation », ajoute le Comité des médecins, un syndicat prodémocratie. Dans cette banlieue séparée de la capitale soudanaise par le Nil, les forces de sécurité tiraient, utilisaient des balles en caoutchouc et des grenades lacrymogènes sur les manifestants, de même que dans le très turbulent quartier de Bourri, dans l’est de la capitale.
Sur les réseaux sociaux, accessibles en de rares endroits dans un pays où les autorités ont coupé l’accès à Internet, des militants ont partagé des images de manifestations nocturnes réclamant un « pouvoir civil ». La plupart des organisations de la société civile, les syndicats et associations dissoutes par le général Burhane, ont appelé à une mobilisation massive, samedi, contre le coup d’Etat.
Ils veulent « un million de manifestants » pour réclamer que le général Burhane, commandant militaire durant les trois décennies de pouvoir sans partage du général Omar El-Béchir, rejoigne ce dernier à la prison de haute sécurité de Kober à Khartoum.
Six ambassadeurs limogés
En 1989, M. Béchir avait pris le pouvoir par un coup d’Etat contre le premier ministre élu démocratiquement Sadeq Al-Mahdi. Avant d’être mis à l’écart par l’armée en avril 2019 sous la pression d’une révolte populaire. Lundi, c’est Abdallah Hamdok, le chef du gouvernement de transition mis en place en août 2019, qui a été renversé par le général Burhane. Il est chez lui à Khartoum mais n’est « pas libre de ses mouvements », selon l’ONU.
Sa ministre des affaires étrangères Mariam Al-Sadek Al-Mahdi est la propre fille du premier ministre renversé par M. Béchir et l’une des rares responsables civils qui n’est pas en détention. Elle a salué les 33 diplomates qui ont signé un communiqué commun condamnant le putsch, publié sur les réseaux sociaux. « Chaque ambassadeur libre qui a refusé le coup d’Etat représente une victoire pour la révolution », a tweeté, jeudi, Mme Mahdi, devenue le porte-voix de la dissidence.
Le général Burhane a, quant à lui, limogé six ambassadeurs protestataires, dont celui de Chine, de l’Union européenne, de France et des Etats-Unis. Mercredi, l’émissaire de l’ONU Volker Perthes a redit devant M. Hamdok et M. Burhane la nécessité d’un « retour au processus de transition » et d’une « libération immédiate de tous ceux arrêtés arbitrairement ». Car les forces de sécurité ont détenu aussi militants et manifestants opposés au coup d’Etat, dont le numéro deux du parti, Oumma de Mme Mahdi. Jeudi soir, la télévision d’Etat a annoncé le limogeage de son directeur, Loqman Ahmed, défenseur de longue date d’un pouvoir civil.
Faisant monter la pression sur l’armée, l’Union africaine a suspendu le Soudan et la Banque mondiale a cessé son aide. Les Etats-Unis ont eux aussi suspendu une partie de leur aide et l’UE a menacé de suivre. Pour tenter d’expliquer son coup de force, le général Burhane a invoqué, mardi, le risque de « guerre civile » après plusieurs manifestations contre l’armée.
Mais les Occidentaux et plusieurs organisations internationales ont réclamé le retour du pouvoir civil. « Nous ne voulons pas que le Soudan retourne aux heures sombres de son histoire », a tweeté le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell.
Source: le monde