Washington a suspendu une aide de 700 millions de dollars, après l’arrestation par l’armée de nombreux dirigeants civils, dont le premier ministre. La Russie a imputé, elle, cette situation à l’échec des autorités de transition.
Le coup d’Etat en cours au Soudan suscite une vive inquiétude dans le monde. De nombreuses voix internationales ont condamné, lundi 25 octobre, l’arrestation par l’armée des dirigeants civils.
Le secrétaire général des Nations unies (ONU) Antonio Guterres a dénoncé « le coup d’Etat militaire en cours » et réclamé la libération « immédiate » du premier ministre Abdallah Hamdok. « Il faut assurer le plein respect de la charte constitutionnelle pour protéger la transition politique obtenue de haute lutte », a-t-il encore souligné sur Twitter.
Le Conseil de sécurité de l’ONU devrait tenir, mardi après-midi, une réunion d’urgence à huis clos, ont fait savoir des diplomates à l’Agence France-Presse (AFP). Cette session a été réclamée par six pays occidentaux, le Royaume-Uni, l’Irlande, la Norvège, les Etats-Unis, l’Estonie et la France, ont précisé ces sources.
Des membres du Conseil envisagent de demander à leurs partenaires d’adopter une déclaration commune. Celle-ci n’irait cependant pas jusqu’à condamner le coup d’Etat, comme l’a fait de manière ferme Antonio Guterres, mais se bornerait à évoquer l’inquiétude du Conseil de sécurité. L’objectif est d’avoir l’adhésion de tous les membres du Conseil, a précisé à l’AFP un diplomate, mais il n’est pas sûr que la Russie et la Chine l’approuvent.
Arrestation « inacceptable »
Les Etats-Unis, dont l’émissaire pour la Corne de l’Afrique était la veille encore dans le bureau du premier ministre soudanais, se sont dits « profondément inquiets », prévenant que « tout changement du gouvernement de transition mettait en danger l’aide américaine ».
« Nous rejetons totalement la dissolution du gouvernement civil de transition et de ses institutions et appelons à leur rétablissement immédiat », a affirmé le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken, dans un communiqué, lundi soir. « L’arrestation du premier ministre Hamdok et d’autres dirigeants civils est inacceptable. Les forces militaires doivent garantir leur sécurité et les libérer immédiatement », a-t-il ajouté.
« A la lumière de ces développements, les Etats-Unis suspendent » une aide de 700 millions de dollars (603 millions d’euros) consacrée à la transition démocratique, a aussi indiqué M. Blinken.
La Commission européenne a de son côté appelé à la « libération rapide » des dirigeants civils soudanais et à « ce que les moyens de communication ne soient pas entravés pour permettre de joindre ceux qui en ont besoin », le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, demandant à la communauté internationale de « remettre la transition soudanaise sur les rails ». Réaffirmant le « fort soutien [de l’Union européenne] au processus de transition », le président du Conseil européen Charles Michel, a exhorté « toutes les parties à garantir l’intégrité du premier ministre et des responsables civils » soudanais.
L’Allemagne a de même exhorté à la poursuite d’une « transition politique pacifique vers la démocratie », selon un communiqué du ministre des affaires étrangères Heiko Maas, qui a réclamé un « dialogue » entre les responsables politiques.
« J’exprime notre soutien au gouvernement de transition soudanais et appelle à la libération immédiate et au respect de l’intégrité du premier ministre et des dirigeants civils », a tweeté le président français Emmanuel Macron.
Le président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki, « a appris avec une profonde consternation la grave évolution de la situation au Soudan », selon un communiqué de l’organisation panafricaine. Il appelle à « la reprise immédiate des consultations entre civils et militaires ».
« Politique ratée »
Rejetant elle aussi « toute tentative de changement inconstitutionnel de gouvernement », l’Afrique du Sud, par la voix de son ministère des affaires étrangères, a appelé à « la libération immédiate et sans conditions » des responsables politiques arrêtés par les forces de sécurité.
La Ligue arabe a pour sa part exhorté au dialogue, faisant part de sa « profonde préoccupation » et appelant « toutes les parties à respecter » l’accord de partage du pouvoir de transition établi en 2019 après le renversement de l’autocrate Omar Al-Bachir, dans un communiqué citant son secrétaire général Ahmed Aboul Gheit.
Pour la Russie, en revanche, ce putsch est « le résultat logique d’une politique ratée qui a été menée ces deux dernières années ». « Les autorités de transition et leurs parrains étrangers se moquaient dans la pratique du désespoir et de la situation pitoyable de la majeure partie de la population », a ajouté le ministère russe des affaires étrangères dans un communiqué.
« Une ingérence étrangère d’ampleur dans les affaires intérieures de la république a abouti à la perte de confiance des citoyens du Soudan envers les autorités de transition (…), provoquant une instabilité générale dans le pays », a-t-il encore écrit.
Source: Le Monde