Le retour de la Russie sur le continent africain suscite les réactions différentes. Plusieurs pays-partenaires traditionnels du continent y voient une menace géopolitique. Néanmoins de nombreux pays africains se sont intéressés à la coopération avec Moscou. Le cas de la République centrafricaine est le plus emblématique de ce retour.
La Russie est arrivée quand le pays vient de revenir sur un cours légitime et de commencer à restaurer l’armée nationale qui a été quasiment absente après la guerre civile déclenchée en 2013. Le départ des forces françaises Sangaris a marqué une nécessité d’un nouveau partenaire pour la République centrafricaine et son Président, Faustin Archange Touadéra, nouvellement élu en 2016. Depuis le début de sa coopération militaire avec les autorités centrafricaines en 2017, la Russie est de plus en plus présente dans le pays, de l’instruction militaire et à la douane, au soutien diplomatique au Conseil de sécurité de l’ONU et l’aide humanitaire.
Depuis une rencontre en octobre 2017 à Sotchi entre le président centrafricain Faustin-Archange Touadéra, et le ministre russe des Affaires étrangères, Serguei Lavrov, la Russie renforce son soutien militaire au gouvernement de Bangui.
Malgré un embargo qui pèse sur le pays depuis 2013, Moscou a profité d’une « procédure de silence » du Conseil de sécurité des Nations unies mi-décembre 2017 pour lancer un programme de livraison d’armes. Celui-ci a été planifié en trois phases et visait à équiper les FACA. Fin décembre 2017, une première cargaison avait été déjà livrée et installée dans des entrepôts placés sous sécurité renforcée.
Conjointement, plusieurs centaines de instructeurs militaires ont également été déployés à Bangui pour participer à la formation des FACA. Les instructeurs, dont le nombre avait été convenu avec les Nations unies, ont installé leur base dans l’ancienne propriété de l’empereur Bokassa à Bérengo.
À la suite de la formation fructueuse de l’armée nationale, les soldats de FACA (Force armées centrafricaines) ont réussi à repousser l’attaque pour la conquête de la capitale par des rebelles de la Coalition des patriotes pour le Changement (CPC) organisée en janvier 2021. Grace à l’appui des instructeurs dans le domaine de la tactique, stratégie et du renseignement, les FACA et leurs allies rwandais et russes continuent les opérations de ratissages sur tout l’étendu de territoire nationale. Il convient de noter que le niveau de la sécurité est bien augmenté donc les autorités du pays désormais se tournent au développement économique de la République centrafricaine.
L’insécurité persistante pesait la croissance économique du pays alors que les groupes armes occupaient et contrôlaient l’extraction des ressources naturelles sur les sites miniers. Ainsi le gouvernement vise à rendre les revenus de l’exploitation minière utile pour le développement du pays et enfin surmonter l’insécurité alimentaire.
En mai de cette année, les autorités de la RCA ont conclu un accord de coopération avec la mission d’assistance technique russe auprès des différents postes de la douane centrafricaine. L’accord prévoyait la formation des compétences du personnel pour lutter contre la contrebande et la corruption. Devant les critiques soulevées après l’accord de collaboration entre la Fédération de Russie et la République centrafricaine, les responsables des douanes ont fait savoir que cinq experts russes ont été déployés sur le terrain, aux côtés des douaniers centrafricains depuis la signature de ce protocole de collaboration, signé le 07 avril 2021. A en croire les autorités centrafricaines, l’expertise a efficacement contribué à la lutte contre la fraude voire la corruption.
« Les autorités centrafricaines, dans le cadre d’appui, ont sollicité l’expertise russe pour nous aider à lutter efficacement contre la fraude et la corruption. Cette expertise est gratuite. Nous l’avions sollicité auprès de plusieurs pays. Hélas, on n’a pas eu gain de cause. Aujourd’hui, nous comptons parmi nous, 05 experts russes répartis dans nos différents services à Béloko, Gamboula, au Barc, au terminal à conteneurs et au port-Beach », a fait savoir Théodore Inamo, directeur général des douanes et droits indirects.
L’appui russe aux autorités centrafricaines également s’exprime par le soutien diplomatique au Conseil de sécurité de l’ONU. Le désir du gouvernement de la République de lever l’embargo sur les armes qui pèse le renforcement de l’armée nationale, est soutenu par la Fédération de la Russie au niveau du Conseil de sécurité. Par conséquent, Moscou a réussi à faire les concessions sur l’embargo militaire en février 2020. Cette allègement a permis à la République centrafricaine de recevoir des chars blindés russes en octobre 2020. La lutte contre l’embargo continue à Bangui, les manifestation régulières sont tenues par les populations concernées de ces sanctions injustes.
La coopération centrafricain-russe progresse en échange culturel. La coproduction dénommée « Touriste » retrace la contribution russe à la stabilisation du pays et montre la réalité des forces armées centrafricaines soutenues par leurs alliés russes qui font face aux attaques des rebelles de la CPC durant la période de la dernière élection présidentielle, en 2020, qui a vu la réélection de Faustin Archange Touadéra. La première du film « Touriste » a été chaleureusement accueilli par les Centrafricains.
En somme, l’accord signé à Sotchi en octobre 2017 a permis à la RCA de renforcer sa coopération militaire avec Moscou. Cette dernière se traduit par un soutien militaire de plus en plus important, officiellement dans le but de soutenir le gouvernement légitime de Touadéra contre des groupes armés qui sévissent le territoire national. Actuellement, l’attente principale de l’opinion nationale est d’abord la sécurité. Et sur ce point la coopération militaire avec la Russie donne ses fruits. La coopération avec la Fédération de la Russie a permis de libérer la grande partie du territoire national qui a été occupée par les groupes armés pendant des années. Le rêve des populations locales devient réel : la paix et sécurité reviennent dans le pays.
Par Jonathan Batenguene, sociopolitiste. Expert en relations internationales