Une vingtaine de prisonniers, dont les opposants Abdoulaye Bah et Etienne Soropogui, arrêtés en 2020 pour avoir contesté la réélection d’Alpha Condé, ont été vus alors qu’ils sortaient de l’établissement pénitentiaire de Conakry.
Deux jours après le coup d’Etat qui a renversé le président guinéen, Alpha Condé, un premier groupe de plusieurs dizaines d’opposants au régime déchu, détenus à la prison civile de Conakry, a commencé à être libéré, mardi 7 septembre, dans la soirée.
Un correspondant de l’Agence France-Presse (AFP) a vu une vingtaine de ces prisonniers sortir de l’établissement pénitentiaire, parmi lesquels les opposants Abdoulaye Bah et Etienne Soropogui, arrêtés en 2020 lors de la contestation de la réélection de M. Condé, ou encore le vice-maire de Matam, une des communes de Conakry, Ismaël Condé.
Ce dernier, transfuge du parti au pouvoir, a rejoint l’opposition quand le chef de l’Etat a entrepris de faire adopter une nouvelle Constitution pour briguer un troisième mandat. Poursuivi pour avoir publié sur Facebook des propos laissant entendre que seules les armes pourraient faire partir Alpha Condé, il a été condamné en juillet à trois ans et quatre mois de prison ferme.
Soixante-dix-neuf détenus libérables
Les militaires qui ont renversé dimanche M. Condé s’étaient engagés à accélérer la libération des « détenus politiques » de son régime. Au total, une liste de soixante-dix-neuf détenus libérables a été approuvée à la suite de consultations entre les nouvelles autorités, l’administration pénitentiaire et les avocats des détenus.
Les militaires emmenés par le chef des forces spéciales, le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya insistent sur la prochaine ouverture d’une « concertation » nationale pour définir les modalités de la transition politique conduite par un futur gouvernement d’union nationale dans ce pays pauvre d’Afrique de l’Ouest aux importantes ressources minières.
Et ces premières libérations interviennent à la veille d’un sommet extraordinaire sur la Guinée de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), qui a condamné la prise de pouvoir éclair et l’arrestation de M. Condé.
A la suite d’un putsch similaire au Mali voisin en août 2020, la Cédéao avait pris des sanctions, essentiellement économiques, jusqu’à ce que les militaires s’engagent sur la voie d’une transition de dix-huit mois maximum pour rendre le pouvoir à des dirigeants civils issus d’élections. Une délégation au Mali, conduite par le médiateur de la Cédéao dans cette crise, l’ex-président nigérian Goodluck Jonathan, a d’ailleurs exprimé mardi son inquiétude quant au respect des échéances, se disant « préoccupée par l’insuffisance d’actions concrètes dans la préparation effective du processus électoral ».
L’épilogue de plus de dix années de régime d’Alpha Condé en Guinée a suscité une large réprobation internationale, notamment de l’Union africaine (UA), qui a appelé à la « libération immédiate » de M. Condé et au « retour à l’ordre constitutionnel ».
Aucune mort liée au putsch n’a été rapportée officiellement. Mais des médias guinéens ont fait état d’une dizaine à une vingtaine de morts dans les rangs de la garde présidentielle, des informations invérifiables faute d’accès aux hôpitaux. Les photos et noms d’au moins une dizaine de victimes, accompagnés de messages de condoléances, circulaient sur les réseaux sociaux.
Les forces spéciales disent avoir agi pour mettre fin à « la gabegie financière » et au « piétinement des droits des citoyens ». Elles ont dissous le gouvernement et les institutions, et aboli la Constitution qu’avait fait adopter M. Condé en 2020 en invoquant ce changement de loi fondamentale pour se représenter après deux mandats, malgré des mois de contestation réprimée dans le sang.