Les combats en région Afar, où au moins 20 civils ont été tués et des dizaines de milliers ont été déplacés, révèlent le risque d’une propagation de la guerre au Tigré.
Au moins 20 civils ont été tués et des dizaines de milliers déplacés à l’issue de violents combats qui ont eu lieu entre rebelles et forces progouvernementales dans la région éthiopienne de l’Afar (limitrophe du Tigré), a fait savoir jeudi 22 juillet un responsable éthiopien.
Les combats dans l’Afar (Nord-Est) révèlent le risque que ne se propage la guerre engagée au Tigré par le premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, contre les autorités régionales, issues du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF). Un conflit qui a fait en huit mois des milliers de morts et des centaines de milliers de déplacés, selon les Nations unies.
Dimanche, les rebelles pro-TPLF ont affirmé y avoir mené des opérations limitées.
Mais Mohammed Hussen, un responsable de l’Agence nationale de protection civile dans la région, a déclaré jeudi à l’Agence France-Presse (AFP) que ces opérations avaient été de grande ampleur, les forces rebelles ayant « traversé la frontière afar et attaqué des communautés pastorales innocentes ». « De violents combats se poursuivent. Près de soixante-dix mille personnes ont été directement affectées et sont déplacées. (…) Plus de vingt civils ont été tués », a ajouté M. Hussen, qui accuse les rebelles de vouloir « soumettre les Afars ».
Un porte-parole des rebelles, Getachew Reda, a qualifié ces affirmations selon lesquelles les forces pro-TPLF auraient tué des civils de « purs mensonges ».
M. Abiy, qui avait reçu le prix Nobel de la paix en 2019, avait envoyé l’armée fédérale au Tigré en novembre 2020, après des mois de tensions, pour destituer les autorités régionales. Il accusait ces dernières d’attaques contre des camps de l’armée fédérale ordonnées par le TPLF.
M. Abiy avait proclamé la victoire fin novembre après la prise de la capitale régionale, Makalé. Mais les combats ont continué depuis, et ils ont récemment tourné en défaveur d’Addis-Abeba. Le 28 juin, les rebelles ont repris Makalé, puis une grande partie du Tigré les jours suivants, marquant un tournant majeur dans le conflit. Promettant de les repousser, M. Abiy a mobilisé des forces régionales, venues notamment de l’Oromia, pour combattre aux côtés de l’armée fédérale.
Les combats dans l’Afar ont aussi perturbé l’acheminement de l’aide vers le Tigré. Dix véhicules du Programme alimentaire mondial (PAM) ont ainsi été attaqués dimanche, à une centaine de kilomètres de la capitale régionale, Semera, poussant l’agence onusienne à suspendre ses convois via cette route – laquelle était pourtant devenue vitale pour la livraison de l’aide humanitaire, ces dernières semaines, après la destruction fin juin de deux ponts cruciaux situés sur d’autres routes.
Selon un document des Nations unies consulté par l’AFP, de lourds combats impliquant des forces spéciales afars et des soldats de l’armée fédérale contre des troupes du TPLF ont eu lieu mercredi dans les districts d’Awra et d’Ewa. Ces deux districts bordent le sud du Tigré et le nord de l’Amhara, où des milliers de miliciens ont été récemment déployés.
La route qui relie l’Ethiopie au port de Djibouti, situé à l’est de l’Afar, est vitale pour ce pays enclavé.
Jeudi, le responsable de l’Agence nationale de protection civile a déclaré que la route était « ouverte » et « très sûre », accusant les informations contraires d’être un coup de « propagande » de la part du TPLF.
Deux camps de réfugiés touchés par les combats
Au Tigré même, où les forces pro-TPLF ont lancé il y a une dizaine de jours une offensive dans le sud et l’ouest de la région pour en chasser les troupes amhara, deux camps abritant des milliers de réfugiés venus de l’Erythée voisine ont été touchés par les combats.
Alors que l’ONU avait fait état d’un mort dans un de ces camps, l’Agence éthiopienne pour les réfugiés (ARRA) a affirmé jeudi qu’au moins six réfugiés avaient été tués par des « combattants » du TPLF. L’ARRA a accusé les rebelles d’avoir déployé de l’artillerie lourde dans les camps, d’y avoir pillé des véhicules et des dépôts, et d’avoir empêché les réfugiés d’en partir – « une situation équivalente à une prise d’otages », selon elle.
Le porte-parole des rebelles avait affirmé à l’AFP cette semaine que les forces pro-TPLF n’avaient aucune intention de porter atteinte aux réfugiés.
A Addis-Abeba, une manifestation a réuni, en soutien à l’armée, des dizaines de milliers de personnes sur la place Meskel, un carrefour emblématique de la capitale. Les manifestants ont déployé des banderoles décrivant le TPLF comme « le cancer de l’Ethiopie ».
La maire d’Addis-Abeba, Adanech Abebe, a accusé le TPLF, considéré depuis mai par les autorités fédérales comme une « organisation terroriste », de travailler avec les médias internationaux pour « diffamer [l’]armée [éthiopienne] ».
Source: le Monde