Lundi 8 mars, le lieu a été le théâtre d’une importante manifestation de soutien à l’opposant Ousmane Sonko, inculpé pour viol. Depuis 2011, c’est au pied de l’obélisque que se mènent les batailles politiques.
Point de ralliement
Drapeau national à bout de bras, des milliers de Sénégalais ont convergé vers la place de la Nation à Dakar, lundi 8 mars. Un point de ralliement habituel pour les manifestants qui sont venus soutenir l’opposant politique Ousmane Sonko, inculpé pour viol et menaces de mort et placé sous contrôle judiciaire. Arrêté le 3 mars, le président du parti Les Patriotes du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef), arrivé troisième à la présidentielle de 2019, avait passé quatre jours en garde à vue. Une arrestation qui a déclenché des manifestations violentes sans précédent dans le pays. Au pied de l’Obélisque, Aminata, casquette au logo coloré « Sénégal » vissée sur la tête, était venue donner de la voix avec ses sœurs. « Nous demandons la liberté pour tous les prisonniers politiques, la levée des charges contre Ousmane Sonko et que Macky Sall annonce qu’il ne se présentera pas à un troisième mandat en 2024. » La foule a ensuite été dispersée par des gaz lacrymogènes lancés par les forces de l’ordre.
Legs de l’indépendance
La place de la Nation, communément appelée la place de l’Obélisque, a été construite aux lendemains de l’indépendance, durant le mandat du premier président du Sénégal, Léopold Sédar Senghor. A l’écart du centre-ville historique de Dakar et collée au quartier populaire de la Médina, la place triangulaire aux dalles blanches et son jardin se trouvent au bout de l’avenue du centenaire. Au milieu trône un obélisque blanc où s’imposent d’immenses chiffres romains, MCMLX, qui signifient 1960, date de l’indépendance du Sénégal. Sur ses trois faces est inscrite la devise du Sénégal, « Un peuple, un but, une foi » et un lion – l’emblème du pays – est dessiné sur le socle.
Quartier sensible
Avant 2011, les manifestations étaient souvent organisées place de l’Indépendance, au cœur du quartier du Plateau qui concentre les lieux stratégiques du pouvoir comme le palais présidentiel. Le 23 juin 2011, des milliers de manifestants s’étaient réunis place Soweto, devant l’Assemblée nationale, pour contester le vote d’une réforme constitutionnelle proposée par l’ancien président Abdoulaye Wade, faisant plus de 100 blessés. Le lendemain, l’arrêté Ousmane Ngom – du nom du ministre de l’intérieur de l’époque – a interdit tout rassemblement à caractère politique dans ce secteur de Dakar pour protéger les institutions de la République. Un arrêté toujours en vigueur contesté par Amnesty International, qui le considère liberticide. « Nous préparons une procédure devant la cour de justice de la Cédéao [Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest] », assure Seydi Gassama, directeur exécutif d’Amnesty International Sénégal.
Point de repli
Face à cette interdiction, les manifestants se sont depuis repliés depuis sur la place de la Nation, qui a une symbolique politique forte. Chaque année y est célébrée la fête nationale d’indépendance. Des manifestations importantes ont marqué cet espace public et politique, comme celles de 2011 et de 2012 en opposition au troisième mandat d’Abdoulaye Wade. Des centaines de femmes avaient aussi manifesté sur cette place en 2019 contre la banalisation des viols et des agressions sexuelles, leur mobilisation débouchant sur la promulgation, en janvier 2020, d’une loi criminalisant le viol et la pédophilie.
Source: Le Monde