La Libye entame samedi une nouvelle phase de transition après l’élection d’un exécutif uni et intérimaire qui devra mettre en place un gouvernement, préparer le scrutin national prévu en décembre et mettre fin à une décennie de chaos.
Quatre nouveaux dirigeants issus des trois régions de la Libye devront tenter de réunifier les institutions d’un pays miné par les divisions, avec deux autorités rivales positionnées respectivement à l’Ouest et à l’Est qui se disputent le pouvoir.
Cette élection a été saluée dans le monde entier.
Le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres y voit « une très bonne nouvelle dans notre quête de paix ». L’Allemagne, l’Italie, la France, les États-Unis et le Royaume-Uni ont toutefois souligné qu’un « long chemin » restait à parcourir.
Nouveau Premier ministre
L’ingénieur Abdel Hamid Dbeibah, 61 ans, a été désigné vendredi Premier ministre par intérim par les 75 participants au Forum de dialogue politique près de Genève, dans le cadre du processus lancé par l’ONU en novembre à Tunis.
Originaire de Misrata (ouest), près de la capitale Tripoli, le riche homme d’affaires dispose de 21 jours maximum pour former son cabinet. Il bénéficiera de 21 jours supplémentaires pour obtenir le vote de confiance au Parlement, soit au plus tard le 19 mars.
Mais il n’a jamais pu obtenir la confiance du Parlement, basé dans l’Est, ni imposer son autorité auprès des forces politiques et militaires du pays.
Controversé
Un Conseil présidentiel intérimaire, composé de trois membres, a aussi été désigné vendredi.
Le colistier de Abdel Hamid Dbeibah, Mohammed Younes el-Menfi, un diplomate né en 1976 originaire de Tobrouk (est), a été élu président du Conseil. Il doit être épaulé par deux vice-présidents : Moussa al-Koni, un Touareg originaire du Sud, et Abdallah Hussein al-Lafi, un député de Zaouia (ouest).
Le nouveau Premier ministre est loin de faire l’unanimité, notamment parce qu’il a occupé des fonctions importantes sous le régime de Mouammar Kadhafi tombé en 2011 après 42 ans au pouvoir. Il appartenait au premier cercle des hommes de confiance de l’ex-dictateur.
Dix ans après la révolution, la Libye reste engluée dans une crise politique majeure.
Défi de taille
Pour le nouvel exécutif, le défi est de taille après plus de quarante ans d’un pouvoir sans partage ayant laissé place aux violences, aux luttes de pouvoir et aux ingérences étrangères.
Après l’échec d’une offensive lancée en avril 2019 par le maréchal Khalifa Haftar – homme fort de l’Est – pour conquérir Tripoli, des progrès politiques ont toutefois été accomplis avec un cessez-le-feu signé à l’automne et un rebond de la production pétrolière, secteur clef de l’économie.
Elle « aura très peu de pouvoir sur le terrain. Ils auront beaucoup de mal à exercer une quelconque influence dans l’est de la Libye et, même dans l’ouest de la Libye, ils feront face à une forte opposition. Ce n’est pas un exécutif qui peut unir la Libye », estime Wolfram Lacher, chercheur à l’Institut allemand des affaires internationales et de sécurité.
Scepticisme des Libyens
La liste d’Abdel Hamid Dbeibah faisait figure d’outsider face à celle de l’influent président du Parlement Aguila Saleh et du puissant ministre de l’Intérieur Fathi Bachagha.
« La façon dont cet exécutif a été formé signifie que les quatre personnes élues (vendredi) n’ont pas vraiment d’intérêt commun, un intérêt politique commun autre qu’accéder au pouvoir et se maintenir au pouvoir », relève Wolfram Lacher.
Pour Tarek Megerisi, analyste politique au Conseil européen des relations internationales, « le processus des Nations Unies a produit une nouvelle autorité à laquelle, franchement, personne ne se serait attendu ».
Pour lui, « ce vote peut être lu comme un vote contre les favoris ».
Les Libyens ne cessent de dénoncer le non-renouvellement des élites politiques du pays, la corruption et un quotidien rythmé par des pénuries de liquidités et d’essence, les coupures d’électricité et l’inflation.
Sur les réseaux sociaux, de nombreux Libyens ont affiché leur scepticisme quant à la réussite du nouveau processus, car plusieurs accords conclus ces dernières années sont restés lettre morte.
Source: jeune Afrique