Dans le sillage d’Alassane Ouattara, Henri Konan Bedié et Pascal Affi N’Guessan, Guillaume Soro et Laurent Gbagbo ont déposé, lundi, leur dossier de candidature à la présidentielle ivoirienne du 31 octobre prochain. Pourtant, les deux poids lourds de la politique ivoirienne ont tous deux été radiés des listes électorales. Explications.
À quelques heures près, ils auraient presque pu faire entendre leurs voix de concert. Dès l’aube, lundi 31 août, des dizaines d’inconditionnels de l’ex-président ivoirien Laurent Gbagbo se sont rassemblés à proximité du siège de la commission électorale indépendante (CEI), à Abidjan, sous le regard vigilant des forces de l’ordre déployées pour l’occasion. Et, à la mi-journée, ce sont les soutiens de Guillaume Soro qui ont envahi les environs de l’institution. Les équipes de Laurent Gbagbo et de son ancien Premier ministre ont ainsi déposé leur dossier de candidature à l’élection présidentielle du 31 octobre prochain.
Je suis candidat à l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire. 1er acte politique dépôt de ma candidature. Nul n’ignore que la CEI et le Conseil Constitutionnel sont des appendices du Parti au pouvoir-RHDP. Et qu’en réalité c’est @AOuattara_PRCI qui écrira les décisions à lire. https://t.co/aRklqo0Vbl pic.twitter.com/I7hJsghqmJ
— Guillaume K. Soro (@SOROKGUILLAUME) August 31, 2020
L’événement a fait la une de nombreux titres de la presse ivoirienne lundi matin. Le quotidien Le sursaut titrait : “Gbagbo et Soro : ils iront jusqu’au bout !“.
Condamnés par la justice ivoirienne
Mais l’initiative pourrait être vue comme un baroud d’honneur, tant la validation de ces deux candidatures à la prochaine présidentielle semble compromise. En effet, les deux hommes ne figurent plus sur les listes électorales car ils en ont été radiés le 22 août par la CEI. La raison ? Ils ont tous les deux été condamnés à vingt ans de prison par la justice ivoirienne, sans qu’ils n’aient pu assister à leur procès.
Georges Armand Ouegnin, le président de la plateforme Ensemble pour la Démocratie et la Souveraineté, un mouvement politique proche de Laurent Gbagbo, a attribué cette radiation à des “manœuvres juridico-politiciennes” après avoir déposé le dossier de candidature de son mentor à la CEI.
Dossiers de candidature déposé ce matin à la CEI par les responsables d’Ensemble pour la Démocratie et la Souveraineté (EDS)#LGAGBO_candidat pic.twitter.com/wvxjj034io
— ESPRIT Laurent GBAGBO (@GbagboEsprit) August 31, 2020
Même son de cloche du côté du camp de Guillaume Soro. “Cette décision [la condamnation à 20 ans de prison, NDLR] a été rendue par une justice aux ordres du pouvoir en place, à l’occasion d’un procès expéditif sans débat contradictoire, et donc illégal. En conséquence, Guillaume Soro devrait toujours figurer sur les listes électorales“, tance Affoussy Bamba, l’avocate de l’ancien président de l’Assemblée nationale.
La CEI, qui recueille les candidatures à la présidentielle, rappelle qu’elle ne fait qu’appliquer des décisions de justice. “Nous n’apprécions pas le bien fondé de la décision judiciaire. Ce que nous vérifions, c’est si cette décision est irrévocable. Et dans le cas de messieurs Gbagbo Et Soro, la décision n’est plus susceptible d’appel”, a expliqué au micro de France 24, Ibrahime Coulibaly Kuibiert, le président de la CEI.
Le Conseil constitutionnel, dernier espoir ?
Laurent Gbagbo et Guillaume Soro ont épuisé tous les recours nationaux contre cette décision de radiation des listes électorales. Leur dernier espoir repose désormais sur le Conseil Constitutionnel en charge de valider les candidatures à la présidentielle. “Le Conseil constitutionnel aura la lourde responsabilité devant le peuple ivoirien et l’Histoire de se prononcer sur la validité de la radiation“, a déclaré Georges Armand Ouégnin. “On espère que les membres du Conseil Constitutionnel prendront leurs responsabilités. En conséquence, Guillaume Soro devrait toujours figurer sur les listes électorales“, tance Affoussy Bamba l’avocate de l’ancien président de l’Assemblée nationale. “Mais leurs récentes prises de position ne laissent rien présager de bon.“
Le Conseil constitutionnel a quinze jours pour publier la liste des candidatures validées. Guillaume Soro a aussi porté l’affaire devant le Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples, dont le verdict devrait être rendu d’ici peu. Mais la Côte d’Ivoire a décidé de se retirer du protocole de la Cour panafricaine basée à Arusha en avril dernier à la suite, déjà, d’un arrêt ordonnant à l’État Ivoirien de “surseoir à l’exécution du mandat d’arrêt émis contre Guillaume Kigbafori Soro“.
Source : France 24