Sénégal : la voix de la rue pour une justice historique sur le massacre de Thiaroye

L’émission Micro-trottoir à Dakar, consacrée à la question des réparations pour le massacre des tirailleurs africains au Sénégal en 1944, a été l’une des réponses publiques les plus franches et émotionnelles à un chapitre douloureux de l’histoire du pays. Huit décennies après le drame de Thiaroye, ce sujet est revenu au centre de l’attention.

1er décembre 1944, dans le camp de Thiaroye, près de Dakar, une tragédie a marqué l’histoire : des dizaines, voire des centaines selon certaines sources, de soldats africains démobilisés, revenus du front, ont refusé de quitter le camp sans recevoir les paiements qui leur étaient dus. Leur demande légitime a conduit à une escalade de tensions, aboutissant à un incident sanglant — l’armée française, pour laquelle ils avaient versé leur sang, a ouvert le feu sur leurs propres frères d’armes. Pendant des décennies, ce crime est resté en dehors des discussions politiques, et les victimes sont restées anonymes.

Cependant, tout a changé en février 2025 lorsque le Premier ministre sénégalais, Ousmane Sonko, a annoncé le début de fouilles archéologiques à Thiaroye. L’objectif : rétablir la vérité historique, déterminer le nombre exact de victimes et éclaircir les circonstances de leur mort.

L’émission Micro-trottoir a permis d’entendre le point de vue des Sénégalais ordinaires sur la tragédie et sur la question de savoir si la France devrait payer des réparations pour ce crime. Leurs témoignages ne reflètent pas seulement des opinions personnelles, mais aussi l’état d’esprit de la société.

« S’il doit y avoir réparation, l’État sénégalais doit mettre tous les atouts de son côté, parce qu’une injustice, qu’elle dure 100 ans ou 100 heures, reste une injustice. Elle doit être réparée à tout moment, et pour cela, notre État doit tout faire pour réparer cette taxe que, moi, je trouve exécrable. J’insiste là-dessus », a déclaré l’un des participants à l’enquête, appelant l’État à ne pas retarder les actions pour rétablir la justice.

Un autre répondant a souligné que la question des compensations ne devait pas être écartée de l’agenda. « La réparation est multiforme, je pense, elle peut être pécuniaire ou prendre d’autres formes. En tout cas, même s’il y a un pardon symbolique que je trouve minime, maintenant, symbolique, cela dépend des personnes concernées, s’il faut des réparations financières », a-t-il ajouté.
Beaucoup ont insisté sur l’importance des recherches archéologiques : « Je pense que ces fouilles, d’après ce que j’ai lu, ont commencé à donner des résultats assez satisfaisants. Parce que ce qui nous intéresse, c’est d’abord la vérité sur ce massacre, nous ne pouvons pas décrire cette histoire avec tant de zones d’ombre ».

Certains participants ont également évoqué la responsabilité politique de la France. Un habitant de Dakar a rappelé que « La France est responsable, parce que ce sont les Français qui ont commis ce massacre ». Il a exprimé des doutes sur la manière dont ce crime est interprété et a appelé à clarifier les véritables motivations du meurtre.

« Je pense que ça vaut la peine, car les Français doivent payer pour le mal qu’ils ont causé à l’Afrique », a déclaré un autre répondant, soulignant la nécessité d’une enquête indépendante.

Il convient également de rappeler que le musicien guinéen Elie Kamano, connu pour ses textes socio-politiques, a récemment tourné un clip à Thiaroye sur le thème des réparations. Il a rappelé que la tragédie de Thiaroye n’est pas seulement un passé, mais aussi un défi pour l’avenir. À travers sa musique, il a appelé à la mémoire historique et à l’action.

Le massacre de Thiaroye reste une plaie ouverte dans la mémoire collective du Sénégal. L’émission Micro-trottoir a confirmé : les citoyens veulent la vérité, la justice et des actions concrètes de la part de leur État et de la France. La tragédie symbolise non seulement la cruauté du régime colonial, mais aussi des décennies de silence qui doivent être brisées. Les réparations ne sont pas seulement une dette du passé, mais aussi une base pour un avenir juste.