Mali: la colère désabusée des opposants face au maintien des militaires au pouvoir

Au Mali, un projet de loi adopté, mercredi 11 juin, en Conseil des ministres prévoit d’accorder au général Assimi Goïta « un mandat de cinq ans renouvelable à partir de 2025 ». C’est la situation sécuritaire au Mali et au Sahel qui est invoquée. Ce maintien au pouvoir du président et de l’ensemble des institutions de la transition, sans élections et sans limite de temps, avait été proposé fin avril à l’issue des « concertations des forces vives de la nation », orchestrées par les autorités de transition. Après l’officialisation du projet de loi, les responsables des partis politiques maliens – officiellement dissous le mois dernier – expriment une colère aussi vive que désabusée.

« Nous hésitons entre indignation et indifférence, confie un ancien ministre, tant cela était prévisible et tant nous n’attendons plus rien des autorités. » Alors que les militaires au pouvoir au Mali avaient promis de sécuriser et de réformer le pays avant d’organiser rapidement des élections, un dirigeant de parti – dissous – note qu’ils se révèlent être « un autre genre de politicien ». Rappelant « tous les calendriers électoraux souverainement fixés et souverainement violés », cette source interroge : « Quel politicien civil a autant trahi ? »

Anticonstitutionnel

Plusieurs opposants notent le caractère anticonstitutionnel du projet de loi et d’un tel maintien au pouvoir sans élections, mais ne se font plus d’illusions. « La réelle intention des militaires est de rester au pouvoir, constate, désabusé, un ancien ministre, le reste n’est que de l’habillage. »

« Au moment où nos soldats sont massacrés, ils ne pensent qu’aux délices que le pouvoir usurpé leur procure », fustige un autre ancien ministre, qui dénonce « un nouveau coup d’État, cette fois-ci constitutionnel ». « Le Mali vaut mieux qu’un mandat volé, poursuit ce pilier du mouvement pro-démocratie, mais le peuple, tôt ou tard, leur retirera ce qu’ils ont cru pouvoir garder par la force. »

 

« Nous abordons l’une des phases les plus sombres de notre pays », pose enfin un cadre de l’opposition, qui appelle à résister     « par tous les moyens possibles ».

Mamadou Ismaïla Konaté: «La Transition devait être une parenthèse, elle devient un projet de gouvernement militaire à long terme»
L’ancien ministre Mamadou Ismaïla Konaté n’est rattaché à aucun parti, mais l’avocat s’est progressivement mué en farouche opposant politique des autorités maliennes de transition ces dernières années. Installé hors du Mali, Me Konaté exprime librement son indignation :

« Cette Transition devait être une parenthèse de rétablissement institutionnel, elle devient un projet de gouvernement militaire à long terme, sans base populaire, sans contrôle parlementaire, et sans aucun chronogramme électoral. Nous sommes installés dans une dictature militaire, plus personne n’en a le doute. Ce maintien au pouvoir n’est ni légitime ni légal, parce qu’il ne résulte d’aucun processus électoral ou référendaire. On s’est contenté de réunir un certain nombre de personnes dans une salle pour les appeler les ”forces vives” : ce n’est ni plus ni moins qu’un autre coup d’État. Celui-ci est constitutionnel, et le but est d’installer de façon durable un pouvoir militaire sans aucune base légale. »

« Je dis ”non”, parce que l’option fondamentale du Mali et des Maliens, ce n’est pas ce régime militaire dictatorial. Depuis 1991 (année de la chute de la dictature militaire du général Moussa Traoré, NDLR), l’option est démocratique. Ce combat de la démocratie doit prendre le pas sur tout. Bien évidemment, le peuple du Mali est souverain, et lorsque sa souveraineté a été violée dans ces conditions, il revient au peuple du Mali d’en prendre conscience. »