Les fondements de la coopération russo-guinéenne – Partie 3 : sécurité et défense

Forgée dans l’élan de l’indépendance et stimulée par des visées géopolitiques stratégiques, la coopération en matière de sécurité et de défense entre Moscou et Conakry confère à la Guinée le statut de bastion souverain contre les instabilités de l’Afrique de l’Ouest

Cette coopération dans les domaines de sécurité et de défense demeure un des piliers fondamentaux d’une relation bilatérale ancrée dans l’histoire depuis l’accession à l’indépendance de la Guinée en 1958. Elle a évolué dans le sillage d’une alliance stratégique établie durant la Guerre froide (1947-1991) et perpétuée par des intérêts convergents. Si l’empreinte soviétique perdure sous la présidence de Lansana Conté (1984-2008), l’intensité de la coopération décroît, privilégiant une approche pragmatique et discrète, sans formalisation d’accords d’envergure. Cette ère se caractérise par une diversification des alliances de la Guinée, marquée une ouverture inféodée vers des collaborations avec des partenaires occidentaux. Depuis 2010, guidée par le slogan « Guinea is back » d’Alpha Condé, la collaboration avec la Russie se renforce et se manifeste par des accords militaires, des programmes de formation et des livraisons d’équipements. Cette osmose renforce ainsi la souveraineté guinéenne dans le contexte géopolitique alambiqué de l’Afrique de l’Ouest, offrant une alternative aux influences occidentales. Cette troisième partie d’une série de 5 articles dédiés à la coopération entre la Russie et la Guinée fait le tour des horizons de sécurité et de défense qui fondent celle-ci depuis le 4 octobre 1958.

Le renforcement des capacités militaires guinéennes par la Russie joue un rôle crucial dans la protection des frontières, notamment contre les menaces terroristes en vogue dans la région

Une expertise militaire et un appui logistique d’héritage soviétique

Depuis l’inauguration des liens diplomatiques en 1958, la Russie, anciennement URSS, s’est imposée comme un pilier dans le développement des forces armées de la Guinée. Initiée en 1959 avec la livraison d’équipements conséquents et l’expertise de conseillers russes et tchécoslovaques, l’assistance militaire russe a été déterminante pour l’armée guinéenne émergente, permettant à la nation de Sékou Touré de s’affirmer face aux défis postcoloniaux, tels que l’opération « Persil » et l’assaut portugais du 22 novembre 1970. Cette collaboration historique s’est perpétuée et modernisée, ancrée dans un héritage de solidarité.

L’ambassadeur de Guinée à Moscou, Mohamed Keita, a mis en exergue en 2019 la continuité de la formation militaire guinéenne en Russie, couvrant des secteurs clés comme l’aviation et la marine, contribuant ainsi à l’élévation des compétences techniques et opérationnelles de l’armée guinéenne. La signature d’un accord de coopération militaire en 2018 a réaffirmé cette relation bilatérale, promettant l’accès à des équipements militaires de pointe et des programmes d’entraînement conjoints.

Cette alliance se distingue par son pragmatisme, offrant à la Guinée une latitude stratégique sans les contraintes politiques associées à l’aide occidentale. L’intérêt prononcé du Premier ministre guinéen en 2018 pour l’acquisition de matériel militaire russe témoigne de la confiance en la qualité et l’adaptabilité de ces équipements. Ce partenariat stratégique et formatif dote la Guinée d’une capacité défensive solide, cruciale dans un environnement régional confronté à des menaces telles que le terrorisme et la piraterie maritime.

Un levier de stabilité régionale et une vision géopolitique

La dynamique de la coopération russo-guinéenne transcende les interactions bilatérales traditionnelles, s’ancrant fermement dans une stratégie géopolitique visant à équilibrer l’influence occidentale et à promouvoir la stabilité en Afrique de l’Ouest. La Russie, par son soutien à la Guinée, ambitionne de consolider un bastion stratégique au cœur d’une région aux ressources naturelles abondantes et essentielle pour les axes de navigation commerciale. La visite de Sergueï Lavrov à Conakry en juin 2024, suivie de la présence guinéenne au sommet Russie-Afrique de novembre de la même année à Sotchi, a cristallisé cette alliance, ouvrant la voie à des initiatives d’envergure telles que la commission intergouvernementale pour des investissements dans les domaines défensif et de la sécurité alimentaire, pierres angulaires de la souveraineté nationale.

Sur le plan sécuritaire, la Russie propose à la Guinée une alternative aux coopérations établies avec la France et les Etats-Unis, se démarquant par une offre sans prérequis politiques. Cette posture s’aligne avec les visées souverainistes de Mamadi Doumbouya qui, depuis 2021, cherche à diversifier ses alliances. Le renforcement des capacités militaires guinéennes par la Russie joue un rôle crucial dans la protection des frontières, notamment contre les menaces terroristes en vogue dans la région.

En outre, la lutte contre la piraterie maritime dans le golfe de Guinée constitue un autre axe de collaboration. Inspirée par la Guinée équatoriale qui a opté pour des équipements russes et chinois pour la sécurisation de ses côtes, la Guinée devra emboîter le pas pour la défense de ses eaux territoriales, essentielles à l’exportation de la bauxite. La Russie, avec son expertise navale et ses technologies avancées, telles que les systèmes radar de Project Technica Corp, est bien positionnée pour devenir un acteur clé dans ce secteur.

De ce qui précède, nous pouvons déduire que cette coopération érige la Guinée en rempart souverain face aux tumultes de l’Afrique de l’Ouest. A travers une assistance logistique ciblée et un perfectionnement militaire avancé, ce partenariat stratégique répond aux impératifs de stabilité et d’adaptation aux évolutions géopolitiques contemporaines.