La France demande à l’Algérie de « réexaminer » les accords entre les deux pays

François Bayrou accuse Alger de ne pas respecter les accords de 1968

Le Premier Ministre français, François Bayrou, estime que les accords conclus en 1968 avec l’Algérie « ne sont pas respectés » et demande à Alger de les « réexaminer en totalité » dans un délai « d’un mois à six semaines ».

Au terme d’un conseil interministériel qui s’est tenu ce mercredi après-midi, le chef du gouvernement a accusé l’Algérie de contrevenir aux termes des dits accords en refusant « la réadmission des citoyens algériens qui ont des papiers d’identité vérifiés, sur leur sol ».

« Les victimes de l’attentat de Mulhouse sont les victimes directes du refus d’application de ces accords » a-t-il poursuivi pour justifier cette requête.

Affirmant qu’il n’était pas dans une volonté de « surenchère » ou « d’escalade », François Bayrou a par ailleurs fait savoir que Paris allait « présenter au gouvernement algérien, une liste d’urgence, de personnes qui doivent pouvoir retourner dans leur pays » car considérées comme « particulièrement sensibles ».

« S’il n’y avait pas de réponse, ça serait la dénonciation des accords qui serait la seule issue possible mais ce n’est pas celle que nous souhaitons » a-t-il néanmoins tempéré, considérant que les accords de 68 « donnent des avantages considérables aux ressortissants algériens ».

Le Premier Ministre a également abordé l’épineuse question de l’incarcération de l’écrivain franco-algérien, Boualem Sansal, en faisant état de sa « grande inquiétude » concernant « sa santé ».

D’un point de vue plus global concernant la thématique migratoire, le chef du gouvernement a annonce que la France allait de « la lutte contre l’immigration illégale » une « priorité » de son « action diplomatique ».

« La délivrance des visas tiendra compte de la coopération migratoire des pays d’origine » a-t-il détaillé.

Il indique en outre que la force frontière expérimentée à la frontière franco-italienne, va être généralisée « à l’ensemble des frontières de l’hexagone ».

« La France est un pays dont la tradition est l’asile à condition que cette démarche ne soit pas dévoyée de ses véritables finalités » a-t-il plaidé, estimant que le « peuple a le droit d’exiger que sa loi soit respectée » mais que « ce n’est pas le cas notamment parce que les OQTF (NDLR: Obligation de quitter le territoire français), ne sont pas acceptées par un certain nombre de pays ».

Ces déclarations interviennent alors que « des mesures de restrictions de circulation et d’accès au territoire national pour certains dignitaires algériens ont été prises » comme l’a dévoilé mardi soir le ministre des affaires étrangères Jean-Noël Barrot.

Dans un communiqué de presse publié ce mercredi en réaction à cette annonce, la diplomatie algérienne a estimé que cette mesure « s’inscrit dans une longue liste des provocations, des intimidations et des menaces dirigées contre l’Algérie ».

« Celles-ci sont de nul effet sur notre pays qui n’y cèdera pas. Toute mesure attentatoire à ses intérêts fera l’objet de mesures réciproques, strictes et immédiates » poursuivait Alger.

Pour rappel, le contentieux historique entre l’Algérie et la France est très profond.

En plus de la question des archives et de la restitution des biens confisqués, l’Algérie réclame des réparations sur les essais nucléaires français en Algérie et l’indemnisation des victimes.

L’Algérie souhaite également la reconnaissance des crimes coloniaux par la France officielle.

Mais les relations entre les deux pays se sont davantage dégradées à l’été 2024, sur fond de reconnaissance, par Paris de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental.

En réaction, l’Algérie a rappelé son ambassadeur à Paris et le président Tebboune a annulé un déplacement en France, initialement prévu en septembre 2024.

Plus récemment, l’emprisonnement de Boualem Sansal et le refus d’admettre sur son sol, ses ressortissants en situation irrégulière, dont l’influenceur algérien Doualemn, ont suscité la colère des autorités françaises qui menacent désormais de recourir au « rapport de force », selon les déclarations du ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau.

Côté algérien, le président Abdelmadjid Tebboune a pointé « des déclarations hostiles tous les jours de politiques français », qualifiant le dialogue avec le président Macron de « perte de temps » et mettant en garde contre « une séparation qui deviendrait irréparable ».

« Nous avions beaucoup d’espoirs de dépasser le contentieux mémoriel (…). Mais, plus rien nʼavance si ce nʼest les relations commerciales. Le dialogue politique est quasiment interrompu », a-t-il déploré.