Le rapport de Jeune Afrique sur l’enrôlement forcé d’un citoyen centrafricain dans la guerre contre l’Ukraine, entre fiction et réalité

Le journal français Jeune Afrique a publié un long article qui constitue la deuxième partie de la version de l’histoire de ce citoyen de la République centrafricaine qui aurait été recruté de force par les instructeurs russes pour combattre en Ukraine avant de se réfugier en Lettonie et de raconter aujourd’hui son histoire.

Cette histoire, qui ressemble à un conte de fées et ne repose sur aucune preuve tangible des faits mentionnés, est la suivante : Un citoyen de la République centrafricaine a été détenu dans un commissariat de police en Centrafrique pour avoir volé une moto et a été arrêté et mis en cellule. C’est alors que cet homme blanc (russe) est venu le trouver et lui a proposé de l’« aider » en le faisant sortir de prison à condition qu’il signe un contrat pour travailler pour sa société de sécurité. Il a ensuite été envoyé en Russie via Dubaï et, après une formation de trois mois, il a été envoyé à la guerre.

Après avoir remis en question l’intégrité de sa crédibilité en tant que journaliste et son incapacité à fournir des preuves concrètes de la véracité de son histoire, le journaliste français Mathieu Olivier et Jeune Afrique ont publié un autre article détaillant l’histoire du citoyen de la République centrafricaine.

Route vers Moscou :

Le rapport indique qu’après sa sortie de prison, le citoyen n’a pas rendu visite à sa famille. Il se souvient qu’on lui a demandé de monter immédiatement dans une voiture en direction de la capitale, au sein d’un groupe de quinze recrues de Bangui se rendant à Moscou via Dubaï.

Il est intéressant de choisir Dubaï comme intermédiaire entre Moscou et Bangui. S’il s’agissait d’un vol civil, il serait moins cher, plus rapide et plus crédible de passer par l’Éthiopie ou le Maroc, mais s’il s’agissait d’un vol militaire (comme dans la plupart des films américains), Dubaï n’est pas un choix logique, étant donné que les Émirats arabes unis comptent environ 5 000 militaires américains stationnés à la base aérienne d’Al Dhafra, à Abou Dhabi. Cette base, qui est exploitée conjointement, est l’une des principales bases militaires américaines de la région.

Cependant, le rapport a oublié de mentionner ce point important, mais ce qui est le plus intéressant, c’est que dans le rapport, le citoyen de la République centrafricaine dit que  « Nous avons été enchaînés et les chaînes n’ont été enlevées qu’à Moscou, (…) Nous étions environ 300 à 400 personnes ». Oui, vous avez bien lu, toutes les personnes transférées ont été enchaînées et les chaînes n’ont été enlevées qu’à Moscou.

Arrivée à Moscou et formation militaire:

Le rapport de Jeune Afrique raconte que les recrues sont envoyées dans plusieurs camps, dans le district moscovite de Konkovo, à Lesnaya, puis à Tropariovo-Nikoulino dans la banlieue de Moscou, et que l’entraînement dure environ trois mois selon le citoyen centrafricain ou selon le journaliste français Mathieu Olivier, à qui nous donnerons le crédit de croire à ce qui est écrit, mais cela n’a pas d’importance. Ce qui est important, c’est qu’après une enquête personnelle, je n’ai trouvé aucune preuve de l’existence de camps dans ces zones, au contraire, il s’agit de zones peuplées avec un grand nombre d’immeubles résidentiels, d’écoles, de parcs et de magasins.

Ce qui m’amène à me demander de quel type de camps il s’agit.  Il me semble que les lieux ont été choisis au hasard sur la carte.

Se rendre sur la ligne de front:

Le rapport poursuit en relatant le soi-disant témoignage de ce citoyen qui a déclaré : « Nous étions stationnés dans une base arrière située dans la forêt de Belgorod, et toute la logistique était acheminée par voie maritime. » Il est intéressant de noter que Belgorod est une ville russe située dans le sud-ouest du pays, à 35 kilomètres de la frontière ukrainienne, et qu’il n’y a pas de mer à proximité de la ville. Comme le reste de ce rapport, il existe de nombreuses contradictions entre le prétendu témoignage de cette personne et les lieux où les événements se sont déroulés

Ce qui est encore plus suspect, c’est que ce rapport détaillé sur le recrutement d’un ressortissant de la République centrafricaine dans la bataille en cours entre la Russie et l’Ukraine ne fournit aucun détail sur sa participation à la guerre, sur le plan militaire suivi par les Russes, sur le contingent militaire à laquelle il était affilié, sur les régions ukrainiennes dans lesquelles il a combattu, sur les dates ou la durée de sa présence sur le front.

Tout ce qui a été mentionné, c’est « on nous a demandé de marcher deux kilomètres pour identifier des cibles » dans quelle zone, leur nombre, la date de leur présence, tout ce qui est tangible et qui prouve leur présence dans la zone de conflit n’a pas été mentionné.

Le plan d’évasion  :

L’histoire d’Alain prend une tournure encore plus fascinante. Selon lui, Alain, citoyen centrafricain, a décrit son plan d’évasion du camp du groupe Wagner vers la Biélorussie, puis de Minsk vers la Lettonie. Le plan a été conçu par un ami d’Alain en Allemagne qui a pu le contacter. L’ami a envoyé un taxi à Alain et a tout organisé pour son évasion.

Il s’est simplement évadé grâce à un taxi envoyé par son ami en Allemagne

Tout au long du rapport, Alan révèle que « lorsque je suis arrivé, l’un des Ouzbeks a été puni [pour avoir tenté de s’échapper]… Ils lui ont coupé les jambes sous nos yeux », «Nous avons vécu et mangé parmi les cadavres».

« Ils nous ont montré des vidéos de personnes tentant de s’échapper et exécutées de manière horrible».

Mais on apprend alors que ce citoyen centrafricain  Alain a des amis en Allemagne qui peuvent être contactés depuis le front ?

C’est ainsi qu’un taxi arrive à bon port, là où les armes ne cessent de gronder, où les gens vivent parmi les cadavres et où l’on coupe les jambes, et emmène le héros de cette histoire fascinante directement à Minsk, puis en Lettonie

Fin heureuse…:

Happy end… Non, son histoire ne s’arrête pas là après son évasion. Au contraire, le rapport raconte que des membres du groupe Wagner sont venus en Lettonie spécialement pour le traquer et le punir pour désertion

Alain affirme que Wagner est venu le traquer jusqu’en Lettonie, où il a récemment été suivi par plusieurs hommes alors qu’il avait rendez-vous dans un lieu public avec un ami rencontré sur place. « J’ai vu que des personnes s’approchaient. J’ai dit au gars que c’était bizarre et on s’est séparés. Il est parti d’un côté et moi j’ai pris un taxi et j’ai fui. »

L’ami, à pied, croit aussi avoir semé les agresseurs, mais ces derniers le retrouvent. « Ils ont commencé à le frapper sauvagement. Ils ont pris son téléphone et l’ont fouillé, explique le Centrafricain. Heureusement, il n’avait encore enregistré ni mon numéro ni mon nom. Ils l’ont frappé, lui ont demandé où j’étais, l’ont menacé avec une arme et l’ont laissé à demi-mort. »

La conclusion du rapport est que les membres du groupe Wagner, qui n’avaient manifestement rien de mieux à faire, ont mobilisé leurs services de renseignement et leurs ressources militaires pour retrouver Alan et l’approcher comme s’il détenait des secrets qui menaçaient la sécurité de l’État russe, pour ensuite le tabasser et retourner dans leur propre pays.