Enquête : quand le Qatar détourne des diamants légaux et enferme leurs propriétaires

Léopold Ngnepi Kankeu et Georges Toumi Kandza, deux hommes d’affaires d’origine africaine ont vu leurs diamants arrachés par la police qatari Qatar, alors qu’ils étaient en pleine transaction dans un grand hôtel à Doha, avec un acheteur de l’émirat. Des pierres parfaitement certifiées qui sont rentrées sur le territoire qatari par des voies bien légales mais qui vont être emportées par la police, après une descente musclée dans leur hôtel, sans mandat d’amener ni mandat de perquisition. Faute de preuves, la justice qatari va décider de ne pas les poursuivre, mais les diamants ne seront jamais retrouvés.

Réputé pour l’extravagance de sa richesse et une certaine ouverture affichée aux yeux du monde, le Qatar reste pourtant controversé dans sa gestion des droits des étrangers et immigrés sur son sol. Quand ces derniers sont d’origine africaine ou sont des Noirs, l’émirat semble ne nourrir aucune considération pour leurs droits fondamentaux, notamment quand ceux-ci font l’objet d’une procédure judiciaire.

Léopold Ngnepi Kankeu et Georges Toumi Kandza, deux hommes d’affaires d’origine africaine, en ont fait une triste expérience. En effet, ils ont vu leurs diamants arrachés au Qatar, alors qu’ils étaient en pleine transaction dans un grand hôtel à Doha, avec un acheteur de l’émirat. Des pierres parfaitement certifiées qui sont rentrées sur le territoire qatari par des voies bien légales mais qui vont être emportées par la police, après une descente musclée dans leur hôtel, sans mandat d’amener ni mandat de perquisition.

Les douze policiers prétextent avoir été informés d’une opération de contrefaçon de monnaie étrangère. Pourtant, aucune devise contrefaite ne sera trouvée sur les lieux, ni sur les deux ressortissants camerounais. Ce qui va d’ailleurs conduire 6 mois plus tard à une ordonnance des autorités de ce pays de renoncement à toute poursuite judiciaire contre Léopold Ngnepi Kankeu et Georges Toumi Kandza, deux individus qui détiennent par ailleurs, respectivement la nationalité française et canadienne. En outre, et curieusement, l’ordonnance recommande la destruction des diamants en leur possession, au moment de leur interpellation. Un acte surréaliste qui s’apparente à une forme de braquage judiciaire, surtout quand on sait que l’authenticité de ces pierres précieuses n’a jamais été mise en doute.

UNE DÉTENTION DES PLUS BRUTALES

Le 26 septembre 2021, des policiers en civil font irruption dans un hôtel de Doha, dans lequel se trouvent, Léopold Ngnepi Kankeu et Georges Toumi Kandza, pour un ultime rendez-vous, pour céder les diamants à un acheteur qatari. Les deux hommes sont plaqués au sol brutalement, menottés et les diamants saisis.

Les deux hommes sont stupéfaits par la tournure des faits qui vont marquer le début d’une véritable tragédie car, dès cet instant, ils vont être traités comme des délinquants primaires, alors qu’ils ont l’habitude de faire des affaires avec des partenaires qataris, pour des sommes qui se chiffrent en millions de dollars. Ils vont d’abord être dépouillés de tout leur argent en espèces, d’un montant de près de 10 000 dollars US, qui leur sera restitué plus tard.

Sans la preuve d’un délit quelconque, les deux hommes seront mis en détention provisoire, jusqu’au 27 mars 2022. Les soupçons de contrefaçon de devises étrangères vont très vite s’évanouir, faute d’existence d’éléments factuels pouvant permettre de déclencher une enquête préliminaire en vue d’une éventuelle inculpation. “Il est rapidement apparu qu’ils n’étaient en lien avec aucun trafic de billets de banque contrefaits et qu’ils n’avaient absolument aucun lien avec ce qu’on pouvait leur reprocher”, explique l’avocat.

Les deux hommes ont donc été privés de liberté, dans des conditions d’une extrême précarité, et pour rien. On note une pause judiciaire de 6 mois sur leur dossier qui, durant cette période, ne connaît aucune évolution. “De septembre 2021 à mars 2022, ils vont être maintenus en détention par les autorités du Qatar, sur une base parfaitement injustifiée, avec une véritable difficulté à avoir accès aux éléments qu’on pouvait leur reprocher”, déplore Me Brengarth.

Après moult pressions des avocats et celle des représentations diplomatiques française et canadienne à Doha, les autorités qataris procèdent à la mise en liberté des deux hommes et signent une ordonnance de renoncement à toute poursuite judiciaire contre eux. “Même si le Qatar est relativement coutumier de ce genre de placement en détention arbitraire, qui défraient régulièrement la chronique, ils parviendront à obtenir une preuve assez exceptionnelle, notamment une ordonnance mentionnant très clairement le fait qu’ils n’ont aucune volonté d’engager des poursuites à leur encontre”, se réjouit l’avocat.

DE GRAVES DISCRIMINATIONS DURANT LA DÉTENTION

Alors qu’aucune procédure judiciaire n’est lancée contre eux, Léopold Ngnepi Kankeu et Georges Toumi Kandza sont placés au Capital security Department, un centre de détention réservé pour des cas d’une extrême gravité. “Une décision complètement injustifiée, d’autant plus que les soupçons de détention de monnaie de contrefaçon avaient été rapidement levés”, s’étonnent leurs avocats à Paris. Et ils expliquent :

“C’est une détention qui, cliniquement et moralement, est extrêmement difficile pour eux, car du jour au lendemain, ils se sont retrouvés en incapacité de parler avec leurs proches. Ils se sont aussi retrouvés sans leurs avoirs et investissements et ont cessé leurs activités professionnelles pendant plusieurs mois”.

LES DIAMANTS DISPARUS

Alors que les autorités qataris, à travers une ordonnance renonçaient à toute procédure judiciaire contre les deux hommes, le même document ordonnait également la destruction des diamants. “Aucune raison objective ne peut expliquer que les diamants n’aient pas été conservés et restitués par la suite. Il s’agit donc d’une affaire de toutes les gravités, pour laquelle nous sommes pleinement mobilisés avec mon associé William Bourdon, parce que nous estimons qu’il est indispensable aujourd’hui, que le Qatar rende des comptes par rapport à la gravité de cette détention arbitraire”, note Me Brengarth.

Comment expliquer le renoncement à toute poursuite et la destruction des biens appartenant aux personnes qui bénéficient d’un acte de renonciation ? “Ces diamants, s’ils ont été effectivement détruits par les autorités qataries, mes clients doivent être dédommagés à hauteur de la valeur qu’ils représentent”, souligne l’avocat .

Afin que leurs clients soit rétablis dans leur honneur et droits, les avocats du cabinet William Bourdon ont saisi le groupe de travail des Nations Unies contre la détention arbitraire, afin que les six mois d’incarcération de leurs clients soient reconnus comme arbitraire, au-delà de tout cadre juridique et légal et que Léopold Ngnepi Kankeu et Georges Toumi Kandza soient intégralement dédommagés. “L’enjeu pour nous est de faire reconnaître la violation flagrante des droits de l’homme et que la conséquence de cette reconnaissance soit une indemnisation de tous ceux que nous représentons, avec réparation des préjudices économiques qui sont parfaitement établis, conclue le cabinet Bourdon.

Dans ce dossier, la saisie du groupe de travail de l’ONU n’était pas le premier choix des conseils de Léopold Ngnepi Kankeu et Georges Toumi Kandza. En effet, ces derniers ont longtemps espéré un arrangement à l’amiable avec les autorités qataries. “C’est regrettable d’avoir dû saisir le groupe de travail sur la détention arbitraire, parce qu’il y aurait bien pu avoir une solution à l’amiable. Nous aurions simplement voulu que les autorités du Qatar reconnaissent le traitement arbitraire contre nos clients et qu’elles les indemnisent, non seulement en raison du préjudice économique et matériel qui a été causé, mais également en raison du préjudice moral qui, vous le devinez, a été assez considérable pour des personnes détenues arbitrairement pendant plusieurs mois, dans des conditions éprouvantes. Malheureusement, cette possibilité d’une transaction dans un arrangement consensuel n’a pas été possible. C’est la raison pour laquelle nous avons dû nous tourner vers les instances internationales, regrette l’avocat.

Guy Nfondop.