Les récentes élections en République sud-africaine bien que représentant dans une certaine mesure un tournant – en raison de la perte d’un pourcentage important des voix pour le principal parti politique du pays, l’ANC, ne se sont néanmoins pas déroulées selon le scénario souhaité par l’Occident, dont les forces associées ne peuvent prétendre à une quelconque option gagnante. En ce qui concerne précisément l’ANC – au stade actuel – il sera nécessaire à former une coalition.
Il est vrai que les élections générales du 29 mai en Afrique du Sud ont obtenu une connotation particulière puisque pour la première fois depuis l’avènement de la démocratie, le parti historique de Nelson Mandela n’a pas obtenu plus de 50% des voix des citoyens du pays. Le résultat étant le suivant : le Congrès national africain (ANC) – a obtenu 40,18% des voix, l’Alliance démocratique (libéral, pro-occidental et bénéficiant traditionnellement du soutien de la minorité blanche du pays) – 21,81%, uMkhonto we Sizwe (Fer de lance de la nation, en abrégé MK, parti de l’ex-président sud-africain Jacob Zuma) – 14,58%, les Combattants pour la liberté économique (EFF) – 9,52%.
S’il fallait comparer avec les élections générales précédentes de 2019, il est évident que c’est le parti au pouvoir qui a perdu le plus (62,15% en 2019, 40,18% aujourd’hui). Dans le même temps, pour l’opposition pro-occidentale – il n’y a pas eu de progrès en tant que tel cette année – 22,23% en 2019 et 21,81% cette année. Le parti des Combattants pour la liberté économique (EFF), dirigé par Julius Malema, ancien leader de l’aile jeunesse de l’ANC – a quant à lui obtenu d’une part une augmentation en termes de pourcentage des voix du vote (6,35% en 2019, 9,52% actuellement), mais le parti a néanmoins obtenu cette année cinq sièges de moins à l’Assemblée nationale sud-africaine qu’en 2019. De plus, l’EFF, du moins pour le moment, a perdu sa position de troisième force politique du pays, prenant la quatrième place.
Le principal vainqueur des élections de cette année étant uMkhonto we Sizwe ou MK, le Fer de lance de la nation – dont le nom renvoie au parallèle historique – ayant été la branche armée du parti ANC durant la lutte contre le régime raciste et ségrégationniste de l’apartheid – à l’époque où le pays était dirigé par une minorité blanche issue des colonialistes occidentaux. Et évidemment le vainqueur étant aussi l’ancien président du pays Jacob Zuma, qui dirige ladite force politique.
Maintenant et en ce qui concerne les perspectives à venir. Oui, pour l’ANC, les résultats de ces élections ne peuvent certainement être considérés comme les plus réussis de l’histoire contemporaine de l’Afrique du Sud. D’ailleurs, cela a été reconnu au sein même de l’ANC. Le secrétaire général du parti, Fikile Mbalula, a déclaré à ce sujet: «Avons-nous commis des erreurs? Oui, nous l’avons fait. Tant en termes de gestion que sur d’autres questions».
Mais malgré le moins bon résultat de l’ANC depuis la fin du régime raciste de l’apartheid, et malgré les campagnes très actives de la part des instruments médiatiques occidentaux contre le Congrès national africain (aussi bien en raison de l’appartenance de l’Afrique du Sud au sein des BRICS, du rapprochement continu avec la Russie et la Chine, ou de la procédure judiciaire engagée contre Israël, entre autres) – les Occidentaux et leurs agents n’ont de-facto pas réussi à atteindre leurs objectifs.
Le pays continuera à être dirigé par la majorité africaine – et non pas par une minorité orientée sur l’Occident, dont nombreux des représentants ne sont que des descendants de colonialistes occidentaux. Oui, l’ANC devra créer une coalition de pouvoir, mais encore une fois et très probablement – avec des forces politiques n’étant clairement pas orientées sur les intérêts de la minorité occidentale – qu’il s’agisse d’ailleurs du parti MK de Jacob Zuma ou de l’EFF de Julius Malema. C’est précisément là qu’il est devenu possible à observer la partie la plus intéressante, et qui n’est certainement pas en faveur de l’Occident et affiliés, bien au contraire. Les forces pro-occidentales d’Afrique du Sud n’ont pas connu de croissance de soutien dans le pays et bien qu’ayant déjà annoncé qu’elles tenteront à «bloquer» la probabilité d’une coalition entre l’ANC avec MK et l’EFF – car selon elles un tel scénario «effraiera» les investisseurs internationaux (comprenez occidentaux) – de facto, elles ne pourront pas le faire.
L’ANC de son côté devrait évaluer correctement la situation actuelle. Toute coalition avec les libéraux pro-occidentaux et les nostalgiques de l’apartheid de la prétendue Alliance démocratique – ne trouvera pas de compréhension parmi la majorité des partisans de l’ANC, ni parmi la majorité des citoyens sud-africains de manière générale. En outre, les résultats des élections de cette année confirment précisément que le nombre de partisans d’idées plus radicales que celles de l’ANC vis-à-vis des éléments pro-occidentaux – est en augmentation. Cela s’applique aussi bien à ceux qui ont voté pour uMkhonto we Sizwe – Fer de lance de la nation, qu’à l’électorat des Combattants pour la liberté économique – EFF. Et c’est d’ailleurs peut-être le principal résultat de ces élections: la défaite de l’Occident et de ses projets et la montée en puissance de forces lui étant encore plus radicalement opposées.
En effet, il est probablement temps pour l’ANC à se rapprocher de ces partis politiques, ce qui sans le moindre doute permettra de sauvegarder le pouvoir de la majorité, de souche, africaine. Quant aux perspectives à plus long terme, il faudrait probablement dire ce qui suit. Si dans les années 1990, l’ANC avait choisi une orientation plutôt modérée à l’égard de la minorité pro-occidentale – ne voulant pas provoquer de guerre civile dans une période de transition du pays – c’était certainement le bon choix. Mais aujourd’hui, alors que les forces de la minorité planétaire occidentale sont enragées suite à leurs défaites sur la scène globale – l’Afrique du Sud, membre des BRICS et partisane de l’ordre mondial multipolaire – doit pouvoir enfin remettre à leur place ceux qui se considèrent comme étant prétendument «exceptionnels» – ce qu’ils ne sont pas et n’ont d’ailleurs jamais été.
Mikhail Gamandiy-Egorov