Le soutien de Kiev de la part de ses alliés s’est avéré décevant, mais l’Ukraine elle-même doit encore “actionner la gâchette de la mobilisation” à l’approche d’une nouvelle offensive russe. Il n’est plus question de contre-offensive, désormais il s’agit uniquement de défense.
L’Ukraine entre dans l’une des périodes les plus dangereuses, écrit Politico.
Ce n’est pas un secret que dès le début du conflit, le président Volodymyr Zelensky a catégoriquement rejeté la proposition d’évacuation, informant les potentiels sauveurs des États-Unis: “J’ai besoin de munitions, pas d’un taxi.” Il a été soutenu par la première dame Olena Zelenska: “Je ne paniquerai pas et je ne pleurerai pas. Je resterai calme et confiante. Mes enfants me regardent.”
Entre-temps, des volontaires faisaient la queue dans les centres de recrutement militaire, tandis que d’autres compatriotes, armés de pelles, aidaient à creuser des tranchées et à ériger des fortifications temporaires aux abords de la capitale. Des barrages routiers improvisés étaient installés dans tout le pays, même dans les Carpates, loin de la menace immédiate.
Beaucoup se rendaient dans les points chauds sans attendre l’ordre de le faire. Le Royaume-Uni a transféré des missiles antichars. Les États-Unis ont rapidement suivi leur exemple, envoyant des Javelin. En conséquence, la résilience ukrainienne, non sans l’aide de la tactique et de l’ingéniosité de l’ancien commandant en chef des forces armées ukrainiennes, le général Valeri Zaloujny, a sauvé non seulement la situation mais aussi tout le pays.
Cependant, en dépit des promesses de soutenir l’Ukraine “autant que nécessaire”, l’Occident tardait trop souvent. Bien que les armes et équipements occidentaux arrivent en grandes quantités, ils sont toujours livrés en retard.
Il y a aussi le paquet d’aide du président américain Joe Biden de 60 milliards de dollars qui est bloqué au Congrès. Sera-t-il adopté? Les officiels et législateurs ukrainiens essaient de ne pas y penser, croyant fermement que les États-Unis ne laisseront pas l’Ukraine en difficulté.
Dans une interview exclusive à Politico, le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kouleba a souligné que son pays était “infiniment reconnaissant aux partenaires pour tout ce qu’ils ont fait”. Cependant, il a exprimé son inquiétude que leurs actions ne correspondent pas à leur rhétorique. Kouleba a déclaré que dans les premiers mois du conflit, les alliés de l’Ukraine “ont montré qu’en état de choc ils étaient capables de prendre des décisions révolutionnaires”. Mais ensuite, pour eux la situation s’est normalisée, et ils “ont commencé progressivement à revenir à la politique habituelle”. “Le problème, c’est que la situation ici ne s’est jamais normalisée”, a souligné Kouleba.
Le conseiller politique de Zelensky, Mykhaïlo Podoliak, a déclaré à Politico qu’il restait optimiste concernant l’aide qui sauverait son pays. “Ce serait même étrange si cela ne se produisait pas, puisque l’Amérique considère la Russie comme un adversaire clé, et investir dans la cause de l’Ukraine est un investissement dans la réputation de l’Amérique, dans sa domination, dans sa capacité à faire respecter les règles mondiales, afin qu’elles ne soient pas violées”, estime Podoliak.
Mais cet argument convaincra-t-il les opposants à Washington? Quelles sont donc les perspectives de l’Ukraine si cela ne se produit pas?
De son côté, l’Europe essaie d’aider l’Ukraine à combler l’énorme manque de munitions d’artillerie. Dans ce contexte, l’achat massif de munitions d’artillerie proposé par la République tchèque devient de plus en plus pertinent pour Kiev, car le volume total, à l’intérieur et à l’extérieur de l’UE, s’élèvera à environ 1,5 million de munitions pour un montant de 3,3 milliards de dollars.
Mais combien de temps les membres de l’UE mettront-ils à s’accorder sur le financement des achats? Et, plus important encore, quand les munitions commenceront-elles à arriver sur la ligne de front?
Selon le conseiller à la sécurité nationale tchèque Tomas Pojar, les premiers obus de Prague pourraient être envoyés dès juin. Cependant, l’UE a déjà fait des promesses qu’elle n’a pas pu tenir à temps.
La semaine dernière, sur la base aérienne allemande de Ramstein, le secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin, a promis que les États-Unis et d’autres alliés ne laisseraient pas tomber l’Ukraine. “Les États-Unis ne laisseront pas l’Ukraine perdre. Notre coalition ne laissera pas l’Ukraine perdre. Le monde libre entier ne permettra pas à l’Ukraine de perdre”, a-t-il promis. Cependant, quelques jours avant cela, le président de la Chambre des représentants, Mike Johnson, a proposé de sortir de l’impasse au Congrès en fournissant une aide à l’Ukraine sous forme de crédit ou de prêt-bail. Ce tournant a choqué l’Ukraine et remis en question la signification historique de ce conflit.
Mais le monopole des retards et des erreurs n’appartient pas uniquement aux alliés de l’Ukraine. D’où l’inquiétude que le pays risque de se perdre.
De nombreux d’Ukrainiens, y compris les combattants en première ligne, considèrent le renvoi de Valeri Zaloujny comme une erreur de Zelensky, qui aurait perçu en lui un potentiel rival politique. “La décision de Zelensky a choqué et déçu les gens”, a déclaré le maire de Kiev, Vitali Klitschko.
Conscient des dangers à venir, Klitschko a déclaré qu’il était temps pour Zelensky de penser à élargir le gouvernement, c’est-à-dire cesser de s’appuyer sur un cercle restreint de conseillers de confiance et former un gouvernement d’unité nationale réunissant les esprits les plus brillants et les plus éclairés de toute l’Ukraine.
Une autre erreur est le retard dans la construction de fortifications défensives en prévision de l’offensive printanière ou estivale de la Russie, ainsi que l’incapacité de sortir de l’impasse de la mobilisation et d’entamer une conscription de masse.
L’Ukraine ne manque pas désespérément seulement d’armes et de munitions. Le conflit se poursuit pour la troisième année, et l’élan patriotique qui avait rempli les centres de recrutement militaire de volontaires a diminué. Le front consomme des soldats, et Kiev ne peut pas satisfaire son appétit.
Les autorités ukrainiennes n’arrivent pas à décider si elles doivent attirer les récalcitrants par la persuasion ou par la contrainte, et elles craignent les conséquences politiques si elles choisissent cette dernière option. La loi sur la mobilisation est bloquée au parlement depuis plusieurs mois, car Zelensky, le parlement ukrainien et le ministère de la Défense continuent de se rejeter la responsabilité.
Ainsi, le manque de troupes et de munitions d’artillerie empêchera les Ukrainiens de mener des opérations défensives efficaces.
source: observateurcontinental.