Le président tunisien Kais Saied, qui n’avait pas été vu en public depuis le 22 mars, est réapparu dans une vidéo de ses services lundi en début de soirée et a démenti toute vacance du pouvoir.
Quelques heures auparavant, le chef du Front de salut national (FSN, principale coalition d’opposition) avait appelé le gouvernement à dévoiler les raisons de “l’absence” du président, assurant avoir été informé qu’il avait eu des “problèmes de santé”.
À propos de spéculations sur le fait qu’il aurait eu des problèmes de santé graves, M. Saied a évoqué lundi soir “un degré de folie jamais connu en Tunisie”. “Le président s’est absenté deux ou trois jours, il a attrapé froid et ça devient un problème, une vacance du pouvoir, un vide ? Ces gens ne méritent que mépris”, a-t-il dit, en recevant la cheffe du gouvernement Najla Bouden.
Plus tôt, le chef du FSN, Ahmed Néjib Chebbi, s’était exprimé devant la presse “demandant au gouvernement de s’adresser au peuple tunisien et de dire s’il y a des raisons de santé qui ont obligé le président à s’absenter”.
Il avait exhorté les autorités à préciser “la nature de ces raisons de santé”, soulignant qu’en cas de vacance de pouvoir provisoire c’était à la cheffe de gouvernement d’assurer l’intérim. M. Chebbi avait aussi prévenu du risque d’une “grande catastrophe” en cas de vacance permanente, comme dans le cas d’un décès ou d’une maladie grave, en raison d’un vide législatif.
“Mécanisme de transfert du pouvoir”
Aux termes d’une nouvelle Constitution promulguée à l’été 2022 par Kais Saied, c’est le président de la Cour constitutionnelle qui doit remplacer le chef de l’État jusqu’à la tenue d’une nouvelle élection présidentielle. Or la Cour Constitutionnelle n’a pas encore été mise en place.
“Cette affaire concerne tous les Tunisiens et il faut, en cas de vacance permanente, lancer des concertations sérieuses et ouvertes pour que le peuple tunisien et les forces civiles et politiques se mettent d’accord sur un mécanisme de transfert du pouvoir”, avait ajouté M. Chebbi.
Depuis la soirée du 22 mars, le président n’avait effectué aucune activité, rencontre ou déplacement en public, selon la page Facebook de la présidence – Unique canal de communication officiel – ce qui a déclenché des spéculations sur les réseaux sociaux concernant son état de santé. Dans la vidéo de la présidence, M. Saied a dénoncé sans les nommer des personnes qui “tentent de créer des crises”. La vacance du pouvoir “est dans leurs têtes, ces gens ont perdu la boussole, ils sont obsédés par le pouvoir”, a-t-il dit.
M. Saied, 65 ans, élu démocratiquement à la présidence en 2019, concentre tous les pouvoirs depuis le 25 juillet 2021. Malgré l’entrée en fonction d’un nouveau Parlement en mars – largement privé de ses prérogatives antérieures – le président continue de diriger le pays par décrets.
Début février, les tensions déjà fortes entre M. Saied et l’opposition ont grimpé d’un nouveau cran après l’arrestation de dirigeants du FSN et du parti d’inspiration islamiste Ennahdha, membre de cette coalition et bête noire de M. Saied depuis son coup de force.
M. Saied a qualifié la vingtaine de personnes arrêtées, parmi lesquelles figurent également des hommes d’affaires et le directeur de la radio privée la plus écoutée de Tunisie (radio Mosaïque), de “terroristes“, les accusant de “complot contre la sécurité de l’État“. Les ONG et les principaux partis d’opposition ont dénoncé une “dérive autoritaire“ en Tunisie, faisant vaciller la jeune démocratie issue de la première révolte du Printemps arabe en 2011.
VOA Afrique