Après les Kényans et les Burundais, les soldats ougandais de la force régionale est-africaine chargée de superviser le retrait des rebelles du M23 ont commencé à arriver vendredi dans l’est de la RD Congo, où la situation demeure explosive.
Ce nouveau contingent déployé sous la bannière de la Communauté des Etats d’Afrique de l’Est (EAC) est entré en RDC par le poste-frontière de Bunagana, un important carrefour commercial dont la rébellion s’était emparée en juin dernier.
“Les Ougandais viennent d’arriver chez nous à Bunagana, ils viennent de passer avec des chars, des véhicules. Ils sont très nombreux”, a déclaré par téléphone à l’AFP une habitante de la ville, située à environ 70 km au nord-est de Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu.
Le commandant kényan de la force de l’EAC, le général Jeff Nyagah, a précisé à Goma que ce contingent ougandais comptait 1.000 hommes. “Ils sont entrés ce matin”, a-t-il déclaré, ajoutant qu’ils devraient atteindre à terme un effectif de 2.000 hommes. La mission des soldats ougandais n’est pas pour l’instant de “combattre” le M23, a souligné jeudi le président ougandais Yoweri Museveni, mais d’occuper, en tant que “force neutre”, des “positions remises par le M23 à la force de l’EAC”.
Ce déploiement, initialement prévu mercredi, puis jeudi et de nouveau reporté après des discussions entre l’EAC et le M23, intervient alors que le 30 mars aurait dû marquer la fin du retrait “de tous les groupes armés” de l’est de la RDC, selon un calendrier adopté mi-février à Addis Abeba par des chefs d’Etat de l’EAC. Une échéance qui n’a pas été respectée.
“Le retrait du M23 va être séquentiel”, a déclaré le général Nyagah, alors que, selon des témoins, les rebelles sont encore dans Bunagana. “Le M23 est encore ici”, a affirmé un autre habitant. “Nous attendons qu’il se retire, c’est alors que nous pourrons dire qu’il y a une évolution”, a-t-il ajouté.
Humiliation
Le M23, rébellion majoritairement tutsi qui s’est emparée depuis un an de vastes pans de territoire du Nord-Kivu, avec le soutien du Rwanda selon des experts de l’ONU, a annoncé son retrait de certaines localités, mais ces annonces ont été qualifiées de “diversion” par l’armée congolaise. Un cessez-le-feu aurait par ailleurs dû entrer en vigueur le 7 mars mais, encore une fois, n’a pas non plus été respecté.
Il n’y a pas eu récemment de combats d’ampleur entre l’armée congolaise (les FARDC) et les rebelles, mais des affrontements sont régulièrement signalés, impliquant le plus souvent des groupes armés s’érigeant en “patriotes” face au M23. Les soldats ougandais doivent se déployer dans plusieurs localités du territoire de Rutshuru.
Dans le même territoire sont positionnés depuis fin 2022 des soldats kényans de la force de l’EAC, qui se sont vite vu reprocher par la population de ne pas contraindre les rebelles à se retirer mais plutôt de cohabiter avec eux. A leur arrivée, les Congolais avaient compris que leur mandat devait être “offensif”, ce qui n’a pas été le cas.
Des troupes burundaises de l’EAC sont, de leur côté, déployées dans le territoire voisin de Masisi. Un contingent sud-soudanais est également prévu mais n’est pas encore arrivé. D’autres soldats ougandais sont déjà présents dans l’est de la RDC, depuis fin 2021, mais pas dans le cadre de l’EAC. Ils mènent plus au nord des opérations avec l’armée congolaise contre des rebelles d’origine ougandaise, les ADF (Forces démocratiques alliées).
La création de la force de l’EAC avait été décidée en juin dernier, en parallèle aux démarches diplomatiques et en plus de la force de l’ONU (Monusco), avec l’objectif de ramener la paix dans l’Est congolais, en proie aux violences armées depuis près de 30 ans.
Selon l’ONU, ces violences ont encore fait plus de 1.300 morts ces six derniers mois. La semaine dernière, un ancien chef rebelle, Jean-Pierre Bemba, a été nommé ministre de la Défense de RDC. “La tâche est immense”, a-t-il déclaré en prenant ses fonctions, aussi immense que “notre humiliation en tant que nation”.
Il s’est notamment assigné comme mission “la montée en puissance des FARDC” qui, par manque d’organisation, de moyens, de professionnalisme, selon des experts, se sont montrées incapables jusqu’à présent de stopper l’avancée rebelle.
VOA Afrique