« Il y a bien des écoles françaises autorisées en Afrique », crient en cœur les défenseurs d’une école panafricaine interdite d’ouverture en Guadeloupe après un avis défavorable décerné par Alexandre Rochatte, le préfet de ce territoire français d’outre-mer. Ces derniers ne comprennent pas pourquoi Paris s’oppose à l’ouverture d’une école panafricaine alors qu’il entretient un réseau d’écoles sur le continent. Un avis que ne partage pas Martial Eko’ola, un expert en sciences de l’éducation.
Ce doctorant explique qu’il n’y a pas de réciprocité entre les écoles françaises en Afrique et le projet d’une école panafricaine en Guadeloupe. Pour lui, la France a ouvert ces établissements scolaires pour permettre aux enfants français, qui ont suivi leurs parents sur le continent, de bénéficier des mêmes enseignements que ceux dispenser sur l’Hexagone. Il relève ensuite que ce n’est pas le cas de l’École panafricaine de Guadeloupe. « Cette école est un système dans un système. C’est pourquoi ça pose problème. Il faut respecter l’État central », fait savoir Martial Eko’ola.
Ce qui n’est pas loin des arguments avancés par le préfet de la Guadeloupe. « Je n’ai rien contre cette école. J’ai juste un problème avec les prises de parole des gens qui ont lancé cette école sur la société française, la République française et la cohésion sociale. Je voudrais être sûr que cette école ne sera pas un endroit où on va diffuser tous ces messages, qui sont un sujet potentiel de trouble à l’ordre public », a expliqué Alexandre Rochatte.
Cet argument est très loin de convaincre Marie-Josée Tirolien, la promotrice de l’École panafricaine de Guadeloupe, ainsi que tous les défenseurs de ce projet. C’est le cas de William Bayiha, qui est vent debout contre la décision du préfet de Guadeloupe. Ce journaliste camerounais ne partage pas les explications de Martial Eko’ola sur les écoles françaises en Afrique. Car il croit que la véritable raison de l’existence de ces écoles est ailleurs.
Atmosphère coloniale
« L’élite occidentale et l’élite africaine souffrent d’un complexe de supériorité. Cette catégorie de personnes considère que l’infrastructure et le programme scolaire proposés par les États africains sont vétustes et inadaptés pour leurs progénitures qui devraient participer plus tard de la classe moyenne en Europe ou en Amérique du nord et constituer l’élite de demain en Afrique ».
« Je pense que les initiatives d’écoles afro-centrées qui commencent à naître en Amérique, aux Antilles et aux États-Unis, doivent aussi prendre pied en Afrique même. Car l’école africaine semble être l’un des lieux de triomphe de la colonialité, c’est-à-dire de la survivance d’une atmosphère coloniale sur le continent même. Il faudrait dès lors décoloniser l’école en proposant des contenus pertinents qui permettent de décoder et de s’insérer correctement dans les contextes africains », poursuit William Bayiha.
Autant d’arguments partagés par Marie-Josée Tirolien et tous ceux qui défendent son projet. C’est pour les faire valoir qu’elle a saisi le tribunal administratif de Basse-Terre, chef-lieu de la Guadeloupe. Les avocats de Marie-Josée Tirolien ont indiqué aux magistrats que « l’association de l’École panafricaine de Guadeloupe demande au tribunal d’annuler la décision en date du 2 août 2021 du préfet ».
Après une audience le 12 janvier dernier, le tribunal administratif a finalement rejeté la requête de cette association. Les avocats de Marie-Josée Tirolien et de son association ont promis de faire appel à la Cour d’appel de Bordeaux, compétente en la matière.
En rappel, l’École panafricaine de Guadeloupe est née d’une initiative menée par Marie-Josée Tirolien, une proche parente de Guy Tirolien, l’un des poètes les plus célèbres de la Guadeloupe. Elle avait pris l’initiative de rassembler des enfants tous les mercredis soirs après l’école pour leur enseigner l’histoire de leur continent d’origine. C’est après le succès de cette initiative, qu’elle a l’idée de créer toute une école.
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