Probable retour de Blaise Compaoré au Burkina Faso: A quoi joue Damiba?

Suite à la persistante rumeur qui indique une arrivée de l’ancien président au pays dans les jours à venir, le Conseil des ministres du mercredi 6 juillet 2022 a finalement annoncé la tenue d'une rencontre importante » et « présentielle » entre d’anciens chefs d’Etat du Burkina Faso d’ici la fin de la semaine, dans le cadre du processus de réconciliation. Une des décisions importantes pour le MPSR. La venue de Blaise Compaoré, selon ce conseil, est « très probable et même attendue » par les autres anciens Chefs d’Etat.

Ancien Président du Burkina Faso

Alors que l’armée burkinabé doit assurer la transition pour la deuxième fois après la chute du régime du président Blaise Compaoré.
Ce dernier s’est réfugié en Côte d’Ivoire avec l’aide de la France depuis sa chute en octobre 2014.
« Mais en pareille situation, ce qu’il faut retenir est qu’ en 27 ans de pouvoir de Blaise, l’ex-putschiste s’est imposé comme un médiateur essentiel en Afrique et un allié des Occidentaux.
Le coup d’état de janvier 2022, avait dupé la population qui s’était donnée espoir que les militaires pourront juguler la crise sécuritaire. Le MPSR a préféré adopter d’autres itinéraires, celles des grands chantiers de la réconciliation là où les politiques ont échoué. L’initiative du chef de l’État de réconcilier les burkinabè est une alternative pour venir about de l’extrémisme injustifiée qui endeuillent les burkinabè. Et si les gens ont opté se parler franchement en face. Cela peut être un moment de choc pour créer un nouveau départ vers les résolutions des problèmes du pays. » martèle Yahya Daboné analyste politique et panafricaniste.

Mais l’ombre de Blaise plane sur l’avenir du Burkina Faso et il ne faut pas se cacher la face.

« Le pays peut espérer de cette venue une porte de sortie de crise. Les autorités de la transition pensent que la rencontre des anciens chefs d’État du pays peut poser les bases solides d’une réconciliation nationale. » ajoute Yahya Daboné

Pour trouver refuge en Côte d’Ivoire, Blaise Compaoré aura bénéficié de l’aide de la France, son amie de longue date. “Il a d’excellentes relations avec les chefs d’Etat français, car il a l’image d’un homme respectable. Il est le relais des positions et des intérêts français dans la région”. C’est ainsi, qu’au fil des années, le “beau Blaise”, comme il est surnommé, a su faire du Burkina Faso un pays incontournable dans la sous-région.

Une analyse parfaite nous amène à comprendre la personne de l’ancien locataire de kossyam. Il fera le poids de cette rencontre avec l’expérience de ses nombreuses médiations dans le passé.

Médiateur indispensable ?

“Blaise Compaoré est comme le kub Maggi en Afrique… Il était dans toutes les sauces” notamment la présence dans de nombreuses crises africaines depuis les années 1990. En effet, le Burkina Faso a été directement “impliqué dans sept crises ouest-africaines”, selon le rapport de l’International Crisis Group.
Compaoré était, en quelque sorte, le successeur de Houphouët Boigny, ancien président de la Côte d’Ivoire mort en 1993. Il était l’interlocuteur des Français en Afrique de l’Ouest. ” Il a su se rendre indispensable à ces deux partenaires (la France et les Etats-Unis, ), en vendant l’image d’un pays pauvre mais entreprenant, bien administré, capable de régler les crises de la région ou de faire libérer à l’aide de ses réseaux des Occidentaux détenus par les mouvements islamistes opérant dans l’espace sahaélo-saharien”, assure un rapport de 2013 de l’International Crisis Group.
« Je pense qu’ Alassane Ouattara, l’actuel président ivoirien, est “en train de reprendre le flambeau” de Compaoré avec les contestations sur le refus du franc CFA.
Même s’il ne possédait pas l’expérience ni le passé de Félix Houphouët Boigny, l’ex-président burkinabé a su se constituer un réseau auprès des différents protagonistes des guerres sur le continent. Ce qui lui a permis de devenir un acteur influent. “Dans le cas de la Côte d’Ivoire, il avait des relations particulières avec la rébellion qui faisait qu’il était écouté. Les rebelles lui étaient redevables et quand il y avait un blocage, il pouvait faire avancer les choses. Il a des atouts en main lorsqu’il s’engage dans une médiation.
Son rôle d’intermédiaire lui vaut d’être félicité lors de ses visites à Paris. Il devient également l’interlocuteur privilégié pour la plupart des internationaux : la France, la Grande-Bretagne, les Etats-Unis et toutes les grandes puissances occidentales. Elles pensaient toutes que le meilleur pompier dans la zone était Blaise Compaoré”. »

Blaise un Pompier pyromane ?

Médiateur ou pyromane ? Pour certains, l’ancien chef de l’Etat burkinabé a joué sur les deux tableaux. En effet, si sa participation en tant qu’intermédiaire dans plusieurs crises africaines s’est avérée effective, certains spécialistes des conflits en Afrique assurent que Blaise Compaoré aurait contribué à provoquer ces mêmes crises.
Quand Charles Taylor, qui a été chef de guerre puis président du Liberia, avait sa maison à Ouagadougou. (…) Or, Blaise Compaoré s’est servi des hommes de Taylor pour mater la rébellion dans son propre pays ( drame de Koudougou en 1987) et il a entraîné les troupes de Taylor pour aller à la conquête du pouvoir au Libéria”.

Selon toujours Yahya Daboné, « Pour appuyer j’insiste sur le rôle ambigu tenu par Blaise Compaoré dans la crise ivoirienne de 2002. Au début des années 2000, “les combattants du MPCI (Mouvement patriotique de Côte d’Ivoire, ndlr), principal mouvement rebelle ivoirien rebaptisé par la suite Forces nouvelles, ont été entraînés et équipés par le Burkina Faso”. Ayant compris cela, le président ivoirien Laurent Gbagbo “s’est dit qu’il fallait que le pyromane l’aide à éteindre le feu”. Il a donc sollicité Blaise Compaoré pour qu’il négocie avec les rebelles ivoiriens, menés par Guillaume Soro. Il a peut-être contribué à résoudre des problèmes internes à la Côte d’Ivoire, mais après avoir déstabilisé ce pays. Un constat que partagé. Blaise Compaoré est à l’origine de “très nombreuses guerres qu’il y a eu dans la région : Sierra Léone, Liberia, Côte d’Ivoire. Il doit être jugé dans son pays”.
En 2001, plusieurs rapports de l’ONU mettent en cause l’ancien chef de l’Etat burkinabé dans des affaires de trafic d’armes et de diamants. Le rapport de l’Instance de surveillance des sanctions contre l’Angola désigne le Burkina comme un “pays d’opération essentiel” pour l’Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola (Unita), qui a combattu contre le régime politique en place, de 1975 à 1991. »

Cette facette d’un Blaise Compaoré, “homme de guerre”, tranche avec l’image du “sage” perçue par ses homologues occidentaux. Mais à l’intérieur de son propre pays, l’ex-président burkinabé est connu pour ses nombreux faux pas.

« Assassin de Sankara »

Aujourd’hui, l’héritage Sankara est encore bien présent dans le pays. On voit passer beaucoup de motos avec des autocollants de Thomas Sankara. Dans les articles de journaux, il est rare d’en voir un qui parle de Compaoré sans mentionner l’assassin de Sankara.Ce sont surtout les jeunes qui le perçoivent encore comme l’assassin.

« Son image est plutôt positive sur le plan économique. Blaise est même “considéré comme l’homme qui a ramené la paix et la démocratie dans le pays. Mais les Burkinabés lui avaient reprochés beaucoup de s’intéresser plus aux médiations extérieures qu’aux problèmes internes au pays. Blaise fut celui qui a traîné beaucoup de casseroles à l’intérieur de son pays. Il y a l’assassinat de l’universitaire Clément Ouedraogo qui n’a jamais été élucidé, l’assassinat de Norbert Zongo et la mort de Sankara, qui reste la plus emblématique. Blaise a été l’auteur de crimes politiques et l’allié des dictateurs. Il y a une ambiguïté du personnage et cela montre son intelligence politique. »

Dossiers judiciaires et condamnation

Les avocats de la famille Sankara ont demandé à la justice ” d’arrêter et de déférer Blaise Compaore” une fois au pays. Les avocats de la partie civile demandent avec insistance les autorités judiciaires à prendre toute leurs responsabilités, notamment faire arrêter et déférer Monsieur Blaise Compaoré à la justice du Burkina Faso afin que force reste à la loi.
L’ancien président du Burkina Faso, Blaise Compaoré, a été condamné le 06 avril 2022 par contumace, à la prison à perpétuité pour sa participation à l’assassinat de son prédécesseur, Thomas Sankara, tué avec douze de ses compagnons lors d’un coup d’Etat, en 1987. A suivre.