Cemac : la disparité des textes sur la transparence financière et les banques accusés de plomber la BVMAC

A l’occasion de la « Journée de l’émetteur Guinée équatoriale 2022 », organisée le 28 juin à Malabo par la Commission de surveillance du marché financier (Cosumaf), dans le but de sensibiliser de nouveau les entreprises de la Cemac sur les avantages de la bourse, le commissaire aux comptes, Paul Essimi Ngono, a soutenu que la disparité des textes sur la transparence financière et l’appât du gain des banques plombent la BVMAC.

« Certes les différents États de la Cemac (Cameroun, Centrafrique, Congo, Gabon, Guinée équatoriale et Tchad) ont fait des efforts d’harmonisation sur le plan de la fiscalité d’entreprise, consommatrice de l’information comptable. Cependant il faut souligner que les divergences restent importantes en matière de communication financière auprès des différentes administrations fiscales de la sous-région », apprend-on de l’exposé.

Le document ajoute que la législation fiscale portant sur la transparence financière dans la sous-région n’est pas harmonisée pour les moyennes et grandes entreprises, alors que ce sont de potentielles émettrices. Sur un autre plan, le traitement de certaines opérations, notamment les dotations aux amortissements et provisions, présente encore des écarts importants d’un État à un autre. Ce qui crée des distorsions sur les résultats financiers entre les entités qui ne respectent pas souvent le principe d’autonomie du droit comptable par rapport au droit fiscal. Conséquence : les entreprises déterminent leur base d’imposition à partir des résultats comptables non harmonisés et non pertinents, les règles de procédures fiscales étant différentes d’un État à un autre et le système fiscal étant essentiellement déclaratif.

« Comme on peut le constater, l’actuel système de transparence financière dans la zone Cemac est disparate avec des niveaux d’exigence très différents. Ce système de transparence financière ouvre la voie à l’asymétrie d’information qu’entretiennent les entreprises de la zone », indique le commissaire aux comptes.

Cette asymétrie d’information financière, souligne la même source, est qualifiée à tort, de « théorie de trois bilans ou de quatre bilans », dans la mesure où il s’agit en fait d’une mauvaise pratique qu’aucune théorie n’a validée. Ensuite cette asymétrie d’information est une pratique de résistance fiscale pour ne pas dire une pratique de fraude fiscale qui permet aux entreprises de réaliser d’importantes « économies fiscales ». Enfin et surtout, cette asymétrie d’information financière permet aux entreprises de la zone d’obtenir facilement des financements auprès du système bancaire au-delà de leur capacité réelle de remboursement en manipulant les états financiers qu’elles communiquent aux différentes banques concurrentes.

Jeu trouble des banques

Selon le Dr Essimi Ngono, le système de financement de base constitué des banques et des microfinances accorde des financements sur la base d’une information financière non certifiée. En effet, révèle-t-il, les banques, plutôt que d’exiger la transmission des états certifiés par leur commissaire aux comptes, accordent des financements sur la base des informations comptables peu fiables. Ainsi, les crédits accordés dans ces conditions deviennent plus tard des créances en souffrance qui menacent la stabilité bancaire par la constitution d’importantes provisions pour créances douteuses.

« Les gains de cette asymétrie d’information financière produisent “un effet de rétention” des entreprises cibles pour le marché financier de l’Afrique centrale. Elles sont alors retenues dans le marché des financements bancaires, car ne trouvant pas d’intérêt à recourir au marché financier, puisqu’elles obtiennent des financements bancaires avec, de surcroît, “une prime fiscale”. Leur introduction à la bourse, avec un niveau de transparence financière élevé, entrainerait de manière mécanique la perte de ces avantages : ce qui constitue une véritable hypothèque au développement du marché financier en Afrique Centrale », affirme l’expert

Pour ce dernier, le système de transparence financière et comptable de la Cemac peut contribuer significativement au développement du marché financier s’il permet de produire une information pouvant guider les utilisateurs dans leurs différents choix économiques et financiers. « Un système de transparence financière intégrée aura pour conséquence de réduire de manière substantielle l’asymétrie d’information financière observée et par ricochet la rétention des entreprises dans le secteur bancaire. Il deviendra alors un levier du développement du marché financier ».

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