Le préfet de Dakar invoque des « menaces de troubles à l’ordre public » par les partisans d’Ousmane Sonko, notamment, dont la candidature aux législatives a été invalidée.
Les autorités sénégalaises ont interdit, mercredi 15 juin, une manifestation prévue vendredi à Dakar contre le pouvoir, mais l’opposition a annoncé qu’elle passerait outre, dans un climat de tensions préélectorales grandissantes. « On maintient notre manifestation. Il n’y a aucune base légale fondant la décision du préfet », a réagi devant la presse l’un des chefs de l’opposition, Khalifa Sall.
Un arrêté du préfet de Dakar invoque les « menaces de troubles à l’ordre public » pour justifier l’interdiction. Il parle aussi de violation du Code électoral et de son article L.61, qui proscrit toute propagande « déguisée » dans les trente jours précédant l’ouverture de la campagne électorale. Cette ouverture est prévue le 10 juillet en vue des législatives du 31 juillet, qui doivent renouveler les 165 députés de l’Assemblée nationale, largement dominée par la coalition présidentielle.
La tension va croissant après l’invalidation par le Conseil constitutionnel d’une liste nationale de candidats de la coalition d’opposition Yewwi Askan Wi. Cette invalidation élimine de la course le chef de file de l’opposition Ousmane Sonko et un certain nombre d’adversaires du président Macky Sall. L’opposition dénonce un stratagème de la présidence pour écarter ses adversaires.
M. Sonko, troisième de la présidentielle de 2019 et candidat déclaré à celle de 2024, et d’autres leaders ont menacé d’empêcher la tenue des élections si Yewwi Askan Wi n’y participe pas. La mise en cause de M. Sonko par la justice dans une affaire de viols présumés avait contribué en mars 2021 à plusieurs jours d’émeutes qui avaient fait au moins une douzaine de morts.
Ambiance festive
L’opposition a déjà rassemblé des milliers de sympathisants la semaine passée lors d’une manifestation qui, elle, avait été autorisée. La manifestation s’était déroulée dans une ambiance festive.
Elle avait trouvé un prolongement inattendu deux jours après quand le gouvernement avait annoncé qu’elle avait donné lieu à l’arrestation de rebelles de Casamance, région du sud du Sénégal en proie depuis des années à un combat indépendantiste.
L’opposition avait là aussi dénoncé un stratagème du pouvoir pour discréditer la protestation.
Le procureur de Dakar, Amady Diouf, a donné mercredi soir une conférence de presse pour rapporter qu’Ousmane Kabiline Diatta, « haut responsable » du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC, indépendantiste), avait été arrêté dans le sud alors qu’il s’apprêtait à se rendre à la manifestation du 8 juin contre le pouvoir à Dakar.
Ousmane Kabiline Diatta, considéré comme le numéro deux d’une « aile dure » du MFDC et un « combattant aguerri » selon le magistrat, devait être rejoint par d’autres rebelles en route vers Dakar « avec l’idée (…) de profiter de toute opportunité pour s’adonner à des opérations de pillage et de destruction ». Ces autres personnes ont réussi à s’échapper, a-t-il dit.
Le procureur « veut justifier la décision du préfet d’interdire notre manifestation de vendredi », a accusé Khalifa Sall, pour l’opposition. « Aucun d’entre nous n’est dans un objectif insurrectionnel », a-t-il assuré.