Mali: mort en détention de l’ancien Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga

Soumeylou Boubèye Maïga est mort ce lundi 21 mars, aux environs de midi, dans une clinique de Bamako. Son décès a été confirmé à RFI par des proches et des membres de sa famille.

L’ancien Premier ministre malien avait, pendant quatre mois, à partir de l’été 2021, été détenu à la maison centrale d’arrêt de Bamako. Il avait été transféré en décembre dernier dans la clinique de Bamako, où il est décédé lundi.

Il avait été incarcéré après avoir été inculpé notamment de « faux, usage de faux et favoritisme », dans le cadre d’une enquête sur l’achat d’équipements militaires et sur l’acquisition d’un avion présidentiel, en 2014, alors qu’il était ministre de la Défense.

L’achat de cet avion avait été épinglé par le Bureau vérificateur général (BVG), autorité malienne indépendante, qui avait dénoncé des pratiques de surfacturation, de détournement de fonds publics, de fraude, de trafic d’influence et de favoritisme.

Une cellule surpeuplée, sans fenêtre

En détention, son état de santé s’était profondément dégradé du fait des conditions de vie. Il avait été hospitalisé il y a environ trois mois, mais son évacuation sanitaire, en dépit des recommandations médicales, n’a jamais été permise par les autorités de transition.

Très vite, son état de santé se dégrade : en trois mois, celui que l’on surnomme « le Tigre » perd plus de vingt kilos et contracte une pathologie grave. Ses proches dénoncent ses conditions de détention dans une cellule surpeuplée, sans fenêtre, avec des conditions d’hygiène jugées indignes et humiliantes par sa famille, relate David Baché, du service Afrique de RFI.

Mi-décembre, l’ancien Premier ministre est donc transféré d’urgence dans une clinique de Bamako. Les médecins recommandent son évacuation sanitaire, afin de permettre sa prise en charge dans un établissement disposant de moyens techniques adaptés.

Les autorités maliennes de transition exigent une contre-expertise médicale, qui aboutit à la même recommandation.

« Les autorités de la transition ont une part très importante pour non assistance à personne en danger et pour négligence aggravée. »

« Veut-on la mort programmée de Soumeylou Boubeye Maïga ?»

Au début du mois de mars, devant l’absence de réaction des autorités, Mme Maïga Binta Yatassaye écrit une lettre ouverte au président de transition, le colonel Assimi Goïta, pour lui demander de permettre l’évacuation sanitaire de son mari. Prenant le peuple à témoin, elle promet qu’il ne cherchera pas à échapper à la justice de son pays. « Quelle société serait-on en train de bâtir en dehors du respect des droits fondamentaux de ses citoyens ? (…) Veut-on la mort par abandon et négligence programmée de Soumeylou Boubeye Maïga ? », interrogeait alors sa femme.

Les recommandations médicales successives, et les démarches réitérées de sa famille auprès des différentes autorités compétentes sont simplement restées sans réponse. Soumeylou Boubeye Maïga attendait d’être jugé. Mais la date de son procès n’avait toujours pas été fixée et sa femme s’était publiquement engagée au retour de son mari dans le pays pour faire face à la Justice. Ce qui avait d’ailleurs été accordé, en son temps, à l’ancien Président IBK.

De très nombreuses sources politiques et de la société civile estiment que Soumeylou Boubeye Maïga était un homme gênant, du fait de son important réseau, diplomatique et militaire, constitué lorsqu’il était à la tête des services de renseignements, ministre des Affaires étrangères ou de la Défense. Certains allaient jusqu’à voir en lui un éventuel futur candidat à la présidence, pas du goût de la junte au pouvoir ; d’autres affirment qu’il connaissait peut-être trop de secrets… Dernière hypothèse, l’une n’excluant pas les autres : l’humilier et le laisser mourir est un signal fort adressé à tous ceux qui auraient besoin de l’entendre.

Ancien journaliste et Premier ministre

L’ancien journaliste sportif, décédé à l’âge de 67 ans, a été le Premier ministre d’Ibrahim Boubacar Keïta entre 2017 et 2019. Il avait été contraint à la démission après le massacre de quelque 160 civils peuls, en avril 2019, à Ogossagou par de présumés chasseurs dogons et après une série de manifestations dénonçant la mauvaise gestion du pays.

Auparavant, il avait été le ministre de la Défense d’IBK, de 2013 à 2014. Autre poste ministériel occupé : celui des Affaires étrangères sous la présidence d’Amadou Toumani Touré de 2011 jusqu’au coup d’État qui l’avait reversé en mars 2012. À cette période, il avait été arrêté avec d’autres officiels. Dans les années 1990, il avait surtout été chef des renseignements.

Dans un communiqué, le gouvernement malien salue « la mémoire d’un grand serviteur de l’Etat » et présente ses condoléances « à la famille de l’illustre disparu. »

rfi