La junte militaire au Burkina Faso est à son tour confrontée à la violence jihadiste après une série d’attaques, les plus meurtrières depuis sa prise de pouvoir en janvier, un fléau que le gouvernement précédent n’était pas parvenu à enrayer.
Vingt-trois civils et treize gendarmes sont morts dans quatre attaques en quelques jours dans la région de Dori, l’une des principales villes du nord-est du pays.
C’est le plus lourd bilan depuis l’arrivée à la tête du Burkina du lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba qui avait renversé le 24 janvier dernier, le président Roch Marc Christian Kaboré, accusé par une grande partie de la population d’être inefficace face aux attaques.
Dans le sillage du Mali et du Niger, le Burkina Faso est pris depuis 2015 dans une spirale de violences attribuées à des mouvements jihadistes, affiliés à Al-Qaïda et au groupe Etat islamique, qui ont fait plus de 2.000 morts dans le pays et contraint au moins 1,7 million de personnes à fuir leurs foyers.
Dans ses prises de parole publiques, M. Damiba a répété que la lutte contre le terrorisme était une priorité du gouvernement de transition qui doit gérer le pays pour les trois prochaines années, avant des élections.
Mais un mois après sa prestation de serment, des voix s’élèvent pour dénoncer le manque d’annonces concrètes jusqu’à présent.
“Les Burkinabè attendent toujours la feuille de route des nouvelles autorités. Le constat général qui se dégage (…) est que tout tourne au ralenti“, pointe le journal l’Economiste du Faso dans un édito qui reconnaît toutefois “des chamboulements” dans la hiérarchie militaire, avec par exemple la nomination d’un nouveau chef d’Etat-major.
Selon certains experts, il y a urgence à agir, les groupes armés multipliant les avancées dans le nord-est notamment dans la région de Dori.
“La stratégie des terroristes consiste à isoler des villes importantes en coupant les voies d’accès et de communication. Dori par exemple est isolée et les populations risquent de rejoindre les groupes armés pour pouvoir survivre“, estime Mahamoudou Sawadogo, chercheur et expert des questions de sécurité au Sahel.
“Si on continue de traîner, l’aviation ne nous sera plus utile parce que les terroristes sont au sein de la population. Il faut entraîner les hommes, aller au contact, au corps à corps“, ajoute-t-il.
“Compte à rebours”
Depuis sa prise de pouvoir, M. Damiba a remodelé les structures de la lutte anti-jihadiste et s’est rendu en février sur le terrain, à la rencontre des militaires dans le nord du pays.
Il a également nommé un nouveau gouvernement dans lequel le ministre de la Défense du précédent gouvernement, Barthélémy Simporé, a été reconduit dans ses fonctions.
Et dans un décret paru jeudi, il a ordonné la mobilisation de militaires partis à la retraite ces trois dernières années.
“La junte a assuré pouvoir réduire considérablement les attaques terroristes dans le pays en deux ans. Mais on peine à voir les grandes actions qui peuvent laisser espérer que nos forces de défense prennent le dessus sur l’ennemi. On attend toujours de grandes opérations“, affirme l’analyste politique Drissa Traoré.
“Il n’y a pas d’état de grâce, le compte à rebours est enclenché. Ces dernières attaques qui ont fait plusieurs dizaines de morts en quelques jours sonnent comme un rappel qu’il doit aller vite dans le déroulement de ces actions“, poursuit-il.
L’armée burkinabè fera t-elle appel à d’autres pays, voisins ou occidentaux, pour l’aider dans sa lutte antijihadiste?
M. Damiba n’a pas encore officiellement pris position sur l’engagement militaire français et européen dans le Sahel, mais depuis qu’il est au pouvoir, la force française Barkhane a pu mener des opérations au Burkina.
Source : voaafrique