DES EXPERTS ANALYSENT LE RÉVEIL DES AFRICAINS AU 21ÈME SIÈCLE

Le groupe d’intellectuels, d’activistes, combattants de la liberté et amoureux de la justice – The NEW DAWN VISION s’est une fois de plus réunie virtuellement, le Samedi 19 Février pour discuter sur des questions d’intérêt pour le continent Africain et leurs impacts négative sur son peuple.

Centré sur le thème : LE RÉVEIL DES MASSES AFRICAINES AU 21ÈME SIÈCLE – LA GUERRE GÉOPOLITIQUE ENTRE LA FRANCE ET LA FÉDÉRATION DE LA RUSSIE, la conférence qui était modérée par Stephanie Pehoua et a vu trois orateurs principaux dont: Paseka Pharumele, membre de la Convention pour le Panafricanisme et le Progrès; Alphonse Lawson, président du Conseil d’Administration de l’Université de Saint-Boniface Winnipeg et le Dr Gnaka Lagoke, a éclairé sur les différents aspects de la guerre géopolitique qui se déroule entre la France et la Russie sur l’Afrique. Un autre orateur, Lucy Murphy, membre de l’école Claudia Jones pour l’éducation politique, a plutôt parlé d’un récent voyage qu’elle aurait fait dans l’État d’Amérique centrale du Nicaragua.

 Juste avant la présentation des orateurs principaux sur le sujet crucial, Lucy Murphy a donné un aperçu de son voyage, reconnaissant les améliorations dont le Nicaragua a été témoin ces derniers temps. Elle cita la visite de l’école d’Éducation politique Claudia Jones pour l’investiture du président Daniel Ortega et de sa vice-présidente, Rosario Morio. Soulignant l’énorme croissance que le pays a connue depuis sa dernière visite en 1984. Mme Murphy a indiqué qu’il y avait beaucoup de désinformation aux États-Unis concernant ce qui se passait réellement au Nicaragua, notamment les élections. Le gouvernement Américain avait parlé d’élections frauduleuses et affirmé que les dirigeants actuels du pays n’étaient pas légitimes. En 1986, la Cour Internationale de Justice a déclaré les États-Unis coupables des violences et des destructions qu’ils ont perpétrées au Nicaragua pendant les années de guerre en Amérique centrale. Un verdict que les États-Unis n’ont jamais reconnu, pas plus qu’ils n’ont payé les milliards de dollars qu’ils doivent au Nicaragua. Soulignant la nécessité de promouvoir des festivals culturels internationaux comme ceux qui ont précédé la chute de l’Union soviétique, grâce auxquels les gens peuvent se réunir et partager des idées sur la façon d’aller de l’avant et d’explorer les gains réalisés au fil des ans. Mme Murphy a cité l’événement culturel Panafest qui se tient au Ghana tous les deux ans et qui promu et renforce l’unité, le panafricanisme et le développement du continent Africain. Elle a également indiqué que la Claudia Jones School mène actuellement une campagne pour que les États-Unis paient au Nicaragua ce qu’ils lui doivent, soulignant que cet État d’Amérique centrale compte une importante population d’Afrique noire d’expression anglaise.

Le deuxième orateur, Paseka Pharumele, qui au préalable avait prévu de discuter de la CEDEAO et comment elle est devenue anti-Africaine et pro-française, s’est plutôt attardé sur le fait que des personnes anti-africaines, comme les racistes de droite, prétendent que l’Afrique essaie toujours de rendre le colonialisme responsable de ses problèmes actuels. Il a mis en avant une perspective historique pour expliquer comment l’Afrique se retrouve dans la situation actuelle, la dynamique de la colonisation et la façon dont l’Europe a nui à l’Afrique. Il a noté que la France continue de bénéficier du dur labeur du continent Africain. Raison pour laquelle elle trouve si problématique que d’autres pays, en particulier la Russie et la Chine, essaient d’entrer sur le continent et d’offrir toute sorte d’assistance. En répondant à la question de savoir pourquoi la France continue d’avoir une emprise sur l’Afrique, M. Paseka a retracé la dynamique historique des différentes manières dont la Grande-Bretagne et la France, qui ont colonisé de grandes parties du continent, se sont séparées de leurs colonies. Avec la Grande-Bretagne, c’était la violence, c’est-à-dire que les colonies avaient décidé de couper certains liens avec Londres. Mais, avec la France, il s’agissait plutôt d’une négociation, où la France avait tous les pouvoirs et la colonie aucun. La France a ensuite créé le système monétaire CFA, qui a vu 70 % de l’argent que les États Africains gagnaient être transféré à la France. 

  1. M. Paseka a poursuivi en disant que la France se trouve donc dans une situation très difficile, qui ne lui permet pas de laisser les pays Africains être totalement indépendants, car cela signifie que les 70 % d’argent qu’ils ont actuellement dans leurs banques devra retourner dans leurs anciennes colonies. Jusqu’a aujourd’hui, cet arrangement a dopé les banques et les États français, qui continuent de priver les pays Africains de leur richesse et de leur croissance. La France est considérée comme un pays du premier monde en raison des ressources qu’elle a pu tirer de l’Afrique, ce qui fait que les États africains continuent d’être considérés comme des pays du tiers monde. L’ancien président français, Jacques Chirac, l’a même reconnu lorsqu’il a déclaré que la majeure partie de l’argent dans ses banques provenait de l’exploitation du continent Africain et, en 2008, il a confirmé que la France serait un pays du tiers monde sans l’Afrique. Réagissant à la guerre géopolitique entre la France et la Russie en Afrique, M. Paseka a noté que la France s’attache à s’emparer des ressources de l’Afrique, tandis que la Russie lui apporte un soutien militaire. En conclusion, M. Paseka a souligné la nécessité de mettre en place un système de progrès économique en Afrique qui fonctionne pour les Africains et, afin de sortir de l’emprise de ces impérialistes comme la France et de cesser d’être utilisé comme un pion pour mener ces guerres silencieuses, l’Afrique doit se reconnaitre comme une puissance.

La CEDEAO perd son cap

Alphonse Lawson a axé sa présentation sur la CEDEAO, la qualifiant d’institution du peuple qui a échoué. Tout en donnant un historique holistique du bloc régional, Lawson a révélé que la CEDEAO était une bonne idée pour le peuple et qu’avant sa création, le territoire collectif connu sous le nom d’Afrique de l’Ouest était composé de l’agrégation d’États qui avaient beaucoup d’expériences et d’administrations coloniales, qui ont largement défini les frontières de 15 États dans la région et même si les États membres de la Communauté ont 3 langues officielles – l’anglais, le français et le portugais, il existe bien plus d’un millier de langues locales, y compris les langues autochtones transfrontalières telles que l’ewe, le wolof, le yoruba, le haoussa, etc. qui constituent plus de 300 millions de personnes dans une vaste zone de 100km2. Avant le colonialisme, la région a accueilli de nombreux empires et royaumes fiers, comme le Ghana, le Mali, le Wolof, le Songhai et le Bénin. La diversité culturelle et linguistique de la région a présenté à la fois des opportunités et des défis pour le processus d’intégration. Ainsi, l’aspiration à combiner les forces politiques et économiques a toujours été reconnue comme un pas en avant dans le désir d’engendrer la co-prospérité dans la région. À cet égard, le premier effort d’intégration remonte à 1945 avec la création du Franc CFA qui a réuni les pays francophones de la région dans une union monétaire unique. Puis, en 1964, le président William Tubman a proposé une union économique pour l’Afrique de l’Ouest, ce qui a conduit à un accord, signé en 1965 par les quatre États de Côte d’Ivoire, de Guinée, du Liberia et de Sierra Leone. Toutefois, ce n’est qu’en 1972 qu’une proposition d’union des États d’Afrique occidentale a vu le jour. Cette année-là, le président Nigérian, le général Yacubu Gowon, et son homologue Togolais, Gnassingbe Eyadema, ont effectué une tournée dans la région pour soutenir l’idée d’intégration. C’est à partir de ce bref contexte historique que les bases de ce que nous connaissons aujourd’hui comme la CEDEAO et le Traité de Lagos ont été signés en 1975. Après avoir exposé cette perspective historique, Lawson a déploré que la CEDEAO, qui est censée être une zone d’intégration des peuples d’Afrique de l’Ouest, soit devenue ce que l’on peut appeler un syndicat de présidents qui ne pensent qu’à s’accrocher au pouvoir. Analysant de manière critique les événements récents qui se sont déroulés au Mali, Lawson a noté les sanctions qui ont été prises contre l’État par la CEDEAO sous la présidence de Nana Akuffo du Ghana à la suite d’une réunion en janvier 2022 et comment elles sont en fait destinées à détruire le Mali.

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La CEDEAO a en fait pris sur elle de handicaper le Mali en tant qu’État, ce qui a maintenant fait sourciller les populations de la région quant à leur objectif exact, étant donné la situation actuelle du Mali dans sa lutte contre le terrorisme. Il est plutôt amusant de constater que ces États ne se sont jamais réunis pour soutenir le Mali dans sa lutte contre le terrorisme, mais qu’ils sont prêts à unir leurs forces pour paralyser le Mali à cause d’un coup d’État militaire”, a souligné M. Lawson.  Lawson a applaudi la CEDEAO pour avoir promu la démocratie et limité les mandats à deux. Ceci, dit-il cependant, est contradictoire car dans des pays comme le Togo, Faure Gnassingbe est maintenant dans son 4ème mandat, Alassane Ouattara de la Côte d’Ivoire a également modifié la constitution et est dans son troisième mandat, Alpha Condé de la Guinée a suivi dans la même optique, et la CEDEAO n’a rien vu de mal dans leurs actions. Malgré cela, la CEDEAO est tout à fait prête à combattre la transition militaire au Mali. Il a réaffirmé que la CEDEAO est aujourd’hui devenue un instrument néocolonial des puissances impérialistes et que son objectif n’est plus de travailler pour le bien des peuples. Les objectifs originaux du bloc ont été restreints. Cela a suscité plus de zèle parmi les gens pour arriver à ce qu’ils appellent une initiative citoyenne pour se porter garant de la CEDEAO du peuple. Ainsi, plutôt que d’être un syndicat de chefs d’État, il s’agit maintenant d’une initiative citoyenne visant à créer une base pour que les gens de différents pays puissent se réunir en tant que pays et construire ensemble la prospérité au-delà des frontières héritées du colonialisme.

L’objectif principal du jour est de voir comment les Africains peuvent se rassembler sous un même parapluie pour construire ensemble leur prospérité. Il convient de noter qu’un grand penseur, Cheick Anta Diop, d’origine sénégalaise, avait soulevé la question de l’intégration de l’Afrique de l’Ouest et l’objectif était de promouvoir l’unité nationale. Il a également noté que l’Afrique doit créer son unité linguistique par le choix d’une langue africaine appropriée.  Pour lui, l’Afrique doit penser à créer un État fédéral, travailler à une union de tous les pays africains, une union monétaire, une unité de langue et une unité des forces de défense. “Étant donné que les différents chefs d’État Africains travaillent pour leurs propres intérêts, il est temps pour les Africains de se réunir en tant que peuple, société civile, intellectuels, étudiants pour réfléchir à une alternative qui mette le peuple au premier plan. Il est temps pour les Africains de se réveiller et le Mali a déjà donné le ton”, a noté M. Lawson. En conclusion, il a souligné trois facteurs importants sur lesquels les Africains doivent se concentrer, trouver une voie différente de celle que les chefs d’État tentent de suivre avec la CEDEAO et accorder plus d’importance au pouvoir de la langue.

Le Dr Gnaka Lagoke, a axé sa présentation sur les raisons du retour de la Russie en Afrique et de son engagement géopolitique sur le continent. Il a commencé par souligner ce qui se passe actuellement en Afrique ; la Russie s’est engagée dans une guerre géopolitique en Afrique, en particulier en RCA et au Mali, qui sont deux anciennes colonies de la France. Il a également mis en avant l’éveil nouvel du panafricanisme au 21ème siècle, en citant trois séries de manifestations importantes, notamment : la mobilisation du peuple africain, des personnes d’origine africaine ainsi que des amoureux de la justice et des chercheurs du monde entier qui ne sont pas noirs. Pour Laurent Gbagbo, ancien président de la Côte d’Ivoire, qui devait être vaincu militairement par la France après qu’on lui ait fait croire qu’il avait perdu les élections, et emmené à La Haye où il a passé plus de 8 ans, après quoi il a été jugé et mis en accusation. 

Cela a été salué comme une victoire panafricaine. La deuxième manifestation a été une série de mouvements de pouvoir populaire, qui a commencé en 2012 avec le “mouvement Y’en a marre” au Sénégal, qui se traduit en anglais par “we are fed up” (nous en avons marre), au cours duquel les Sénégalais se sont organisés contre les intentions du président de l’époque, Abdoulaye Wade, de modifier la constitution afin de rester au pouvoir au-delà de la limite de deux mandats. Un autre mouvement de pouvoir populaire a éclaté en 2014 au Burkina Faso, “Compaoré doit partir”, pour mettre fin aux 27 ans de règne de Blaise Compaoré, qui a assassiné Thomas Sankara et organisé la rébellion contre la Côte d’Ivoire. La troisième manifestation est celle qui a eu lieu plus récemment en Afrique de l’Ouest: les mouvements de pouvoir populaire au Burkina Faso, en Guinée et au Mali. Au Mali, où environ 80% du territoire est occupé par des insurgés islamistes, le peuple s’est soulevé contre Ibrahim Boubakar Kieta, qui n’était pas considéré comme un bon dirigeant, incapable de protéger les intérêts de son pays, mais plutôt comme une marionnette de l’Occident.  L’arrivée au pouvoir d’Assimi Goita, 39 ans, au Mali, est considérée aujourd’hui comme la révolution Malienne du 21ème siècle et l’anniversaire de la vision panafricaine. Ces révolutions, a souligné le Dr Gnaka, ont donné un élan à l’esprit de réveil et de conscience de soi des masses Africaines.  Faisant référence à la RCA et au Mali comme étant les principaux piliers du panafricanisme dans le passé et encore aujourd’hui. Le Dr Gnaka a cité Barthelemy Boganda, qui a été le premier président de la RCA, luttant contre le racisme et les droits fondamentaux des Noirs entre 1940 et 1950, et Modibo Keita du Mali qui a consacré sa vie à l’unité Africaine et s’est fait le champion de la formation de l’Union des États d’Afrique de l’Ouest ainsi que de l’OUA. 

Boganda était un homme visionnaire qui rêvait de créer un grand État Uni d’Afrique latine, qui comprendrait tous les États Africains souverains et l’Afrique Équatoriale Française. Ce rêve s’est toutefois éteint avec la mort de Boganda en 1959.  Décrivant les circonstances qui ont conduit la République Centrafricaine et le Mali à nouer des relations avec la Russie, toutes centrées sur l’armée et les armes, le Dr Gnaka a souligné l’incapacité de la France à maîtriser le djihadisme au Mali et les groupes rebelles en République Centrafricaine, obligeant ainsi les dirigeants de ces pays à chercher de l’aide auprès d’autres partenaires comme les Russes.  ”Les gens qui parlent de la Russie et de la Chine sont ceux qui ont mis en œuvre l’esclavage pendant 400 ans, qui ont mis en œuvre le colonialisme et le néocolonialisme, donc ils n’ont pas la conscience morale et la moralité pour parler de la Russie……mais pour nous Africains pendant la lutte contre le colonialisme, l’Afrique pouvait compter sur la Russie et la Chine. Pendant la lutte contre l’apartheid, la Russie, Cuba et la Chine ont pris le parti des Africains qui luttaient pour la liberté, contrairement à l’Amérique, la France et l’Angleterre qui soutenaient le régime raciste d’Afrique du Sud. La Russie et la Chine, dans le cadre des BRICS, ont donné à l’Afrique le pouvoir de choisir. Il est inacceptable que la France continue à contrôler la vie sociale, économique, politique et culturelle de plus de 14 pays d’Afrique”, a souligné le Dr Gnaka. 

Dans la phase de conclusion, une question a été soulevée par un participant quant aux leviers et stratégies que la CEDEAO peut exercer pour éliminer la France en tant que prédateur de ses anciennes colonies Africaines, en particulier en Afrique de l’Ouest. En réponse à cette question, un autre participant a déclaré qu’on ne peut pas attendre d’une institution qui s’oppose aux intérêts de l’Afrique, en se référant à la CEDEAO, qu’elle soit la solution au problème car elle a prouvé dernièrement qu’elle est une institution qui ne protège pas les intérêts des Africains. Le Dr Gnaka, répondant à la même question, a noté que les Africains veulent voir l’ascension au pouvoir de personnes comme Assimi Goita, soulignant que si un certain nombre de dirigeants ayant la même vision se réunissent, ils peuvent amener la CEDEAO dans une direction différente.  Une autre question a été posée sur le rôle joué par les femmes. Jeaneatte Kolugi, un autre participant, a demandé quel était le rôle joué par les États-Unis dans cette guerre géopolitique en Afrique. En commentant le rôle des femmes dans cette situation, Paseka a paraphrasé Thomas Sankara qui dixit que “la libération de l’Afrique ne peut être complète sans la libération des femmes et leur rôle dans cette libération”. En ce qui concerne le rôle joué par les États-Unis, M. Paseka a déclaré que le rôle des États-Unis a toujours été problématique, citant ses bases qui sont éparpillées à travers l’Afrique et qui ne jouent aucun rôle important. Le Dr Gnaka a pour sa part indiqué que lorsqu’il y a eu un débat sur la présence du groupe Wagner au Mali, l’AFRICOM a publié un communiqué qui s’est rangé du côté de la position des Français, dénonçant leur présence. En un mot, l’Afrique doit maximiser son rôle sur la scène internationale, exploiter le multilatéralisme qui prévaut pour accélérer son développement.

 

New Dawn Vision team