À Khartoum, un nouveau rassemblement pour demander le départ des militaires et le retour d’un gouvernement civil s’est soldé par des violences sanglantes dans le centre-ville, les forces de sécurité tirant à balles réelles sur les manifestants. Au moins sept personnes ont été tuées.
Ce lundi a été l’une des journées les plus sanglantes dans la répression des manifestations contre le coup d’État militaire. Au moins sept personnes sont mortes, selon le chiffre avancé par l’association des docteurs soudanais qui fait état également de très nombreux blessés.
Pour la quatorzième fois depuis la prise du pouvoir par les militaires en octobre dernier, des milliers de manifestants ont bravé l’important déploiement sécuritaire pour descendre dans les rues de Khartoum et tenter de s’approcher du palais présidentiel, pour dire « non » aux militaires et exiger un retour à un gouvernement civil.
Trois cortèges devaient se diriger vers le palais présidentiel où siègent les autorités de transition aux mains du général Burhane. Deux d’entre eux ont été bloqués : celui venant d’Omdurman (la ville jumelle de Khartoum) et celui venant de Barhi, un quartier au nord du centre, les ponts étant fermés. Le cortège venant du sud a, lui, atteint le centre-ville, mais a été arrêté par un imposant déploiement des forces de sécurité.
Tout l’après-midi, les violences ont continué aux abords du palais présidentiel, mais aussi dans les banlieues comme à Omdourman où des manifestants ont brûlé des pneus et dressé des barricades pour couper des routes. En fin de journée, un des organisateurs de la marche nous disait que les manifestants avaient érigé des barricades dans le centre-ville, qu’il y avait eu beaucoup de passages à tabac, d’arrestations de manifestants et que de nombreuses personnes avaient été blessés par des grenades lacrymogènes tirées directement sur les manifestants.
« La répression est beaucoup plus violente que les autres fois. Les forces de sécurité ont tiré à balles réelles et lancé des grenades lacrymogènes. Il y avait un très gros déploiement des forces de sécurité dans le centre… vraiment beaucoup de militaires ! Ils ont fermé les ponts pendant la nuit. Et on a vu de nombreux véhicules, des milices, des Forces de soutien rapide qui se sont joints aux militaires. Il y a aussi beaucoup de blessés. Certains ont été atteints par des tirs à balles réelles mais d’autres ont été touchés à la tête par des grenades lacrymogènes… car ils ne jetaient pas ces grenades pour disperser mais pour tuer les manifestants… parce qu’ils savent qu’il n’y a plus de télévisions internationales présentes. L’autre jour, ils ont fermé les bureaux d’Al Jazeera. Quand nous avons commencé à marcher, nous avons bien vu qu’il n’y avait pas beaucoup de télévisions pour filmer ce qu’il se passe. Et je pense qu’ils ont également été plus violents parce que les militaires savent que des discussions sont en cours entre les Forces pour la liberté et le changement et les Comités de résistance qui organisent la mobilisation. Ils ne veulent pas qu’on discute et qu’on s’unisse », a expliqué l’un des organisateurs de cette marche qui a souhaité rester anonyme.
La diplomatie américaine a annoncé ce lundi soir l’envoi de deux émissaires à Khartoum pour demander aux forces de sécurité soudanaises de « mettre fin à la violence » contre les manifestants. « Nous sommes préoccupés par les informations faisant état d’une escalade de la violence contre les manifestants au Soudan », a tweeté le porte-parole du département d’État Ned Price.