Nouvelle journée de manifestation hier à Khartoum et dans plusieurs autres grandes villes du pays. Malgré la répression meurtrière, le fer de lance de la révolte contre les militaires depuis le putsch du 25 octobre dernier, l’Association des professionnels soudanais, avait appelé à de nouveaux rassemblements pour réclamer un pouvoir civil.
D’après le quotidien Sudan Tribune, « les forces de sécurité ont utilisé des gaz lacrymogènes pour disperser la foule mais ont tiré aussi à balles réelles sur les manifestants, malgré les promesses du pouvoir militaire de mettre fin à l’usage excessif de la force. (…) Des blessés ont été signalés, mais la coalition des groupes médicaux pro-démocratie n’a pas encore publié de bilan. »
« Les hommes en uniforme continuent de tirer sur les manifestants, déplore Le Monde Afrique. Depuis le coup d’Etat, on a compté 54 morts et des centaines de blessés. Désormais, les forces de sécurité empêchent aussi les ambulances de circuler pour secourir les victimes. »
Pression accrue sur les militaires
Malgré la répression, « cette mobilisation populaire, qui n’a pas faibli en deux mois, pourrait avoir raison du régime putschiste » : c’est ce qu’estime Le Point Afrique.
« ‘Les généraux ont été clairement mal conseillés, affirme une analyste interrogée par le site. Ils pensent qu’en redoublant d’efforts, ils peuvent écraser les manifestants. Mais plus ils les répriment, plus ces derniers renforcent leur détermination et le cycle se poursuit’. L’obstination du chef à la fois de l’armée et du Conseil souverain de transition, le général Abdel Fatah Al-Burhane, semble accélérer, dans le même temps, l’organisation de l’opposition. »
Et finalement, constate encore Le Point Afrique, « le retrait dimanche du Premier ministre Abdallah Hamdok importe peu à la société civile, qui continue à la fois de manifester (donc) et de s’organiser pour obliger les militaires à se retirer. »
Pour cette autre spécialiste du Soudan interrogée par Le Point Afrique, il sera « difficile, dans ce contexte, de nommer un autre civil pour remplacer le Premier ministre démissionnaire. Aucun candidat proposé par les militaires n’aura la légitimité populaire pour cette fonction. Par conséquent, la démission de Hamdok pourrait augmenter les chances d’accroître la pression sur les militaires pour qu’ils mènent de véritables négociations avec les différents groupes d’opposition dirigés par des civils. Elle pourrait également pousser la communauté internationale, en particulier l’Union africaine et les principaux donateurs, à s’engager davantage dans la recherche d’une solution politique à la crise politique soudanaise. »
L’armée engluée dans un cercle vicieux ?
« Quelle peut être la marge de manœuvre de la junte ? », s’interroge le quotidien Le Pays au Burkina. « Céder ou ne pas céder face aux manifestations ? Céder, c’est quitter le pouvoir. Et vu le nombre de morts et de blessés déjà enregistrés, c’est prendre le risque de se retrouver dans la même situation qu’Omar El-Béchir, qui est actuellement confronté à la Justice. Ne pas céder, c’est prendre le risque de voir s’amplifier les manifestations avec leurs lots de morts et de blessés quasi quotidiens et à terme, aboutir toujours à la même situation qu’Omar El-Béchir. La junte est donc engluée dans un cercle vicieux et le Soudan avec. En dernière instance, tout déprendra de la détermination du peuple soudanais. »
Que fait la communauté internationale ?
En attendant, déplore WakatSéra , « chaque journée de fronde contre les généraux est ponctuée par des morts (…). Et ce, dans le plus grand silence, la junte ayant pris l’option lâche de couper internet, et donc les réseaux sociaux, et de faire taire les organes de presse. Les sanctions prises ou annoncées, ciblées ou non, de la communauté internationale – l’Union africaine, les Etats-Unis et l’Union européenne en tête -, n’ont comme effet sur les généraux que celui de l’eau qui coule sur le dos d’un canard. »
Alors, s’exclame WakatSéra, « la communauté internationale a intérêt à agir avec plus de promptitude, et surtout d’efficacité, contre les +généraux tueurs+, afin que le peuple soudanais puisse récupérer sa révolution confisquée et jouir des fruits de la souveraineté pour laquelle elle se bat sans faiblir. Sinon, plus tard sera trop tard. »