L’homme qui conduit l’offensive militaire de la rébellion tigréenne contre l’armée fédérale et ses alliés depuis novembre 2020 s’appelle Tsadkan Gebretensae, et, selon de nombreux observateurs, est l’homme-clé des succès militaires de ces derniers mois. Mais au-delà d’un « militaire d’exception », celui qui était chef d’état-major de l’armée éthiopienne lorsque le parti tigréen était au pouvoir à Addis-Abeba, est aussi un haut diplômé « calme et réfléchi ».
C’est lui, déjà, qui commandait l’armée du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF) lorsqu’elle est entrée dans Addis-Abeba, déclaré ville ouverte, pour chasser le dictateur Mengistu, en mai 1991. C’est lui aussi qui commandait l’armée éthiopienne au cours de la guerre contre l’Érythrée, entre 1998 et 2000. Le très populaire général Tsadkan Gebretensae est aujourd’hui un petit homme chauve et rond, âgé de 68 ans, mais qui fait la guerre depuis 50 ans
Né dans les montagnes de Chercher, sur les hauts-plateaux du Tigré, il a abandonné ses études de biologie très jeune, en 1976, pour se joindre à la rébellion insurgée contre la junte militaire du Derg qui venait de renverser l’empereur Haïlé Sélassié, en compagnie de son ami de lycée Meles Zenawi. Puis, il a gravi les échelons jusqu’à prendre la tête des 100 000 maquisards du TPLF et sa brigade mécanisée, que rien n’a pu arrêter, finalement.
Devenu chef d’état-major de l’armée après la prise du pouvoir par le TPLF, en 1991, il l’a purgée, réorganisée et commandée dans les tranchées contre l’Érythrée, au cours de la guerre dévastatrice que les anciens alliés du temps du maquis se sont livrés. Il l’a aussi envoyée faire des opérations coups de poing en Somalie et en Soudan, jusqu’à son limogeage en 2001 par son ancien camarade devenu Premier ministre : les deux hommes ont rompu, après que le général Tsadkan insistait pour marcher sur Asmara, la capitale érythréenne, ce que Meles refusait.
Arrivée d’Abiy Ahmed saluée… avant de déchanter
C’est alors qu’il a fait sa « traversée du désert », ostracisé par ses anciens camarades, se faisant employer par le gouvernement britannique, l’ONU ou le Soudan du Sud comme consultant pour les affaires militaires. Lorsque le Premier ministre Abiy Ahmed a été appelé au pouvoir en 2018, il a salué une bonne nouvelle, avant de déchanter un an plus tard estimant que le nouveau chef du gouvernement n’était « pas sérieux » dans sa volonté de négociation avec les Tigréens.
En novembre 2020, lorsque la guerre est devenue inéluctable, il a donc mis ses réserves de côté envers ses anciens compagnons du TPLF pour prendre le maquis une fois de plus. Et prendre finalement la tête des forces rebelles du Tigré, également appelées « Forces de défense du Tigré » qui s’approchent aujourd’hui de la capitale Addis-Abeba, après un an de combats d’une férocité inouïe.
« L’un des meilleurs stratèges en Afrique » avec plusieurs diplômes d’universités prestigieuses
Mais ce « militaire d’exception », comme le décrivent ceux qui le connaissent, n’es pas seulement « l’un des meilleurs stratèges de sa génération en Afrique » selon le chercheur Alex de Waal, de la World Peace Foundation. Il est aussi un homme d’affaires, fondateur et propriétaire d’une célèbre brasserie et d’une ferme d’horticulture dans sa région natale.
Il est également titulaire de plusieurs diplômes d’universités prestigieuses, en droit international et en droit des affaires. L’un de ses anciens professeurs parle d’ailleurs du prototype du haut gradé : un homme « calme, réfléchi, à l’écoute, presque timide, ouvert d’esprit, mais fait d’acier à l’intérieur ».
Source: Rfi