« Je n’exclus rien » : en Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo entretient le flou sur ses ambitions

SIA KAMBOU / AFP L’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo lors du congrès de lancement de son nouveau parti, le PPA-CI, à Abidjan, le 17 octobre 2021.

L’ancien chef de l’Etat, qui vient de lancer un nouveau parti d’opposition, affirme vouloir faire de la politique jusqu’à sa mort… tout en assurant préparer son départ.

L’ancien président Laurent Gbagbo souffle le chaud et le froid concernant son avenir politique en Côte d’Ivoire : désormais président d’un nouveau parti d’opposition, il a affirmé vouloir faire de la politique jusqu’à sa mort, tout en assurant préparer son départ.

« Gbagbo is back », se réjouissait mardi 19 octobre l’édito de La Voie originale, hebdomadaire proche de l’ancien chef de l’Etat. Dans une ambiance de meeting, le congrès de lancement du Parti des peuples africains-Côte d’Ivoire (PPA-CI) a en effet consacré ce week-end le retour de Laurent Gbagbo au premier plan de la scène politique ivoirienne. A 76 ans, le revoici président d’un parti politique d’opposition « de gauche » et aux ambitions « panafricanistes ».

De quoi pimenter la vie politique ivoirienne, largement dominée depuis dix ans par le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), du président Alassane Ouattara. « On va voir si leur ambition est celle d’être une opposition comme celle qu’on a connue dans le passé, avec un monitoring quotidien de l’action du gouvernement, un appel à des marches, des meetings, ou s’ils seront dans une posture d’opposition de salon », souligne l’analyste politique Sylvain N’Guessan.

« Il n’est plus maître de son destin »

A première vue, Laurent Gbagbo se prépare tout de même pour un nouveau combat politique, avec l’élection présidentielle de 2025 dans le viseur. Mais a-t-il vraiment toujours les cartes en main pour décider de son avenir politique ? Le projet de l’exécutif visant à abaisser à 75 ans l’âge limite pour se présenter à la présidentielle pourrait contrarier ses ambitions. « Il n’est plus maître de son destin, dans la mesure où si le parti au pouvoir, majoritaire à l’Assemblée nationale, décide de modifier la Constitution, c’en est fini de ses ambitions présidentielles. Il essaie de galvaniser ses militants tout en sachant que la suite ne dépend pas de lui », pointe Sylvain N’Guessan.

Et dimanche, il a savamment entretenu le flou sur ses ambitions personnelles. « Je ferai de la politique jusqu’à ma mort », a d’abord lancé celui qui est rentré mi-juin en Côte d’Ivoire après avoir été acquitté par la justice internationale de crimes contre l’humanité dans la crise post-électorale de 2010-2011. « Mon ambition aujourd’hui est de partir. A cet âge, après ce parcours-là, la sagesse c’est de se préparer à partir », a-t-il ensuite affirmé, assurant que le parti dont il vient de prendre la tête est une « structure pour préparer [son] retrait ». « Comment partir demain et ne pas causer de dommages à notre instrument de combat ? », s’est interrogé l’ancien président, qui promet de ne pas partir « brusquement ».

Mardi soir, sur France 24, Laurent Gbagbo est resté tout aussi évasif sur ses intentions. Interrogé sur sa candidature pour 2025, il a répondu : « Je n’en sais rien ! », ajoutant : « Il y a des moments où certaines charges s’imposent à vous. Je n’exclus rien. »

Après le congrès de ce week-end, où sa personne était au cœur de chaque intervention, difficile d’imaginer pour le moment le tout nouveau PPA-CI vivre sans Gbagbo. « Pour tout dire, le nouveau parti de Laurent Gbagbo n’est rien d’autre que son ancien Front populaire ivoirien (FPI) présenté dans une nouvelle enveloppe », tacle l’éditorialiste Venance Konan, proche du pouvoir, dans Fraternité Matin.

Reste à voir l’ampleur de la base militante qui le suivra après sa rupture avec le FPI, son parti historique, désormais aux mains de son ex-premier ministre Pascal Affi N’Guessan. « Nous avons tourné la page de ces tentatives d’unité, la rupture est faite et chacun fait son chemin », a commenté ce dernier, lundi, sur TV5.

 Source: Le Monde