Yvonne Idamange, qui avait accusé le président Paul Kagame et son gouvernement d’avoir mis en place une dictature, a été jugée coupable d’« incitation à la violence ».
Jeudi 30 septembre, un tribunal rwandais a condamné à quinze ans de prison une youtubeuse critique du pouvoir du président Paul Kagame. Yvonne Idamange, 42 ans et mère de quatre enfants, n’était pas présente au tribunal de Kigali à la lecture du verdict la déclarant coupable de six chefs, notamment « incitation à la violence et à l’insurrection », « dénigrement des mémoriaux du génocide », « propagation de rumeurs » et « agression ».
Il lui était reproché d’avoir, sur sa chaîne YouTube, accusé le président Kagame et son gouvernement d’avoir mis en place une dictature, d’instrumentaliser le génocide de 1994 sans venir suffisamment en aide aux survivants et d’avoir transformé les mémoriaux du génocide en attractions touristiques. Elle était également accusée d’avoir frappé et blessé un policier lors de son arrestation.
Yvonne Idamange, dont la chaîne YouTube rassemble 18 900 abonnés et dont les vidéos sont vues en moyenne 100 000 fois, se présente comme une survivante du génocide qui a fait, selon l’ONU, plus de 800 000 morts en 1994 au Rwanda, principalement au sein de la minorité tutsi.
« Le feu les brûlera »
Outre une peine de quinze ans de prison, elle a été condamnée à une amende d’un montant équivalent à 2 000 dollars (environ 1 725 euros). L’accusation avait requis trente ans de prison et l’équivalent de 6 000 dollars d’amende. Yvonne Idamange boycottait les audiences depuis que la cour – qu’elle accusait de parti pris – avait rejeté sa demande de faire diffuser son procès en ligne.
Le Rwanda, dirigé d’une main de fer par Paul Kagame depuis la fin du génocide de 1994, est régulièrement critiqué pour ses attaques contre la liberté d’expression et sa répression de l’opposition. Human Rights Watch (HRW) s’était inquiété en mars des arrestations ou poursuites croissantes visant ceux critiquant les autorités rwandaises sur Internet.
Selon l’ONG, au moins huit personnes commentant en ligne les affaires publiques – notamment l’impact des mesures anti-Covid-19 sur les plus pauvres – ont été menacées, arrêtées ou poursuivies en 2020. Elle a rappelé des menaces proférées en 2019 par Paul Kagame à l’encontre de ceux le critiquant en ligne : « Ceux que vous entendez parler sur Internet, ils sont soit en Amérique, en Afrique du Sud ou en France. Et pensent être en sécurité. Ils sont loin, mais ils sont près du feu. Le jour où ils se rapprocheront, le feu les brûlera. »
Source: Le Monde