Ethiopie : Human Rights Watch dénonce des « crimes de guerre » contre des réfugiés érythréens

TIKSA NEGERI / REUTERS Des réfugiés érythréens manifestent devant les bureaux du HCR à Addis-Abeba, le 29 juillet 2021.

L’ONG fait état de meurtres, de viols et de pillages dans la région du Tigré, en proie à de violents combats depuis novembre 2020.

Les réfugiés érythréens ont été victimes d’exactions, notamment d’exécutions sommaires et de viols, durant le conflit qui fait rage dans le nord de l’Ethiopie, estime Human Rights Watch (HRW) dans un rapport publié jeudi 16 septembre. L’ONG y détaille le rôle des soldats érythréens ainsi que des combattants rebelles de la région éthiopienne du Tigré dans ces exactions à grande échelle, également marquées par des rapatriements forcés et d’importantes destructions dans deux camps de réfugiés.

« Les meurtres horribles, les viols et les pillages contre les réfugiés érythréens au Tigré sont clairement des crimes de guerre, affirme Laetitia Bader, directrice de HRW pour la Corne de l’Afrique. Durant de nombreuses années, le Tigré a été un refuge pour les réfugiés érythréens fuyant les persécutions [dans leur pays]. Mais aujourd’hui, ils ne s’y sentent plus en sécurité. »

Le nord de l’Ethiopie est ravagé par de violents combats depuis novembre 2020, lorsque le premier ministre Abiy Ahmed y a envoyé l’armée pour destituer les autorités régionales issues du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF), qu’il accuse d’avoir orchestré des attaques contre des camps militaires. L’Erythrée, ennemi juré du TPLF (qui dirigeait l’Ethiopie lors du sanglant conflit frontalier entre les deux pays, de 1998 à 2000), a soutenu militairement Addis-Abeba en envoyant des troupes dans cette région qui borde sa frontière sud.

Représailles et disparitions

Avant le début du conflit, 92 000 réfugiés érythréens se trouvaient au Tigré, dont 19 200 dans les camps de Hitsats et Shimelba, selon l’Agence éthiopienne pour les réfugiés et les rapatriés (ARRA). Les forces érythréennes et tigréennes se sont affrontées pour la première fois près de Hitsats environ deux semaines après le début de la guerre. HRW affirme avoir reçu des « informations crédibles » selon lesquelles les troupes érythréennes ont tué 31 personnes dans cette ville. Mais le véritable bilan est « probablement beaucoup plus élevé », ajoute l’ONG.

L’AFP a par ailleurs pu établir comment, une fois que les combats ont atteint le camp de Hitsats, des miliciens pro-TPLF ont ciblé des réfugiés dans le cadre de représailles, tuant neuf jeunes Erythréens devant une église. Lorsque les Erythréens ont pris le contrôle du camp, ils auraient transporté 17 réfugiés blessés en Erythrée pour y être soignés, selon le rapport de HRW. Mais la plupart de ces réfugiés sont toujours portés disparus, de même que 20 à 30 autres qui ont été détenus, notamment « des membres du comité des réfugiés et des membres présumés de l’opposition, dont deux femmes », indique l’organisation.

Après avoir repris le contrôle de la zone début décembre, les forces tigréennes ont commencé à voler, emprisonner, violer et attaquer les réfugiés avec des armes, dont une grenade, faisant potentiellement des dizaines de morts, selon HRW. Les forces érythréennes sont revenues le mois suivant et ont forcé ceux qui restaient dans les camps à partir. Des images satellites indiquent que le camp a été en grande partie détruit peu de temps après, selon HRW.

« Rapatriements forcés »

Des milliers de réfugiés qui se trouvaient à Hitsats et Shimelba manquent toujours à l’appel. Des centaines d’entre eux n’avaient d’autre choix que de retourner en Erythrée à travers ce que HRW qualifie de « rapatriements forcés ». Certains sont allés dans les camps de Mai Aini et Adi Harush, plus au sud. Mais ceux-ci sont passés en juillet sous le contrôle du TPLF, que l’ARRA accuse d’avoir déployé de l’artillerie lourde, de piller des véhicules et des entrepôts d’aide et d’empêcher les réfugiés de partir, ce qui équivaut à « une prise d’otages ». Le TPLF a rejeté ces affirmations, s’engageant à assurer la protection des réfugiés.

Les autorités éthiopiennes tentent d’accélérer la réinstallation de réfugiés du sud du Tigré vers un site de 90 hectares dans la région voisine de l’Amhara. Mais celle-ci a été à son tour gagnée par les combats en juillet. HRW demande à toutes les parties au conflit d’accorder aux réfugiés la liberté de mouvement et un accès sans entrave à l’aide.

 Source: le Monde