Guinée: les concertations annoncées par la junte suscitent attentes et interrogations

© REUTERS/Souleymane Camara Les habitants applaudissent les soldats de l'armée alors qu'ils célèbrent le soulèvement à Conakry, en Guinée, le 5 septembre 2021.

Une semaine après le coup d’État qui a renversé Alpha Condé, le Comité national de rassemblement et de développement (CNRD) va rencontrer « toutes les forces vives de la nation », selon son communiqué : partis politiques, organisations de la société civile, responsables religieux, représentations diplomatiques ou encore opérateurs miniers…Un programme marathon qui suscite des attentes, mais aussi des interrogations.

Ni courrier, ni invitation personnalisée… Les acteurs concernés ont été informés via le communiqué du CNRD, repris dans les médias. Ces concertations qualifiées d’« inclusives » sont une « une excellente chose » pour Ousmane Kaba, président du parti PADES et candidat à la dernière présidentielle.

« Conformément à ce que le chef de la junte a dit, il veut des concertations inclusives. Ce qui va dans le sens de l’apaisement dans notre pays », estime-t-il. Il y participera, donc, tout comme Cellou Dalein Diallo de l’UFDG, même si « ce ne sera pas le bon format pour aborder les questions de fond », affirme sa cheffe de cabinet, « cela sera une première prise de contact ».

De son côté, le RPG, le parti du président renversé Alpha Condé, doit se réunir ce lundi avant de prendre une décision sur une éventuelle participation.

« Nous sommes impatients d’en savoir plus sur la stratégie et la feuille de route du CNRD », affirme pour sa part Alseiny Sall de l’Organisation guinéenne pour la défense des droits de l’homme. Mais il exprime des doutes sur le dispositif :

Peut-être que ces concertations sont menées dans le souci de prendre en compte les préoccupations des uns et des autres pour l’élaboration de la feuille de route. C’est quelque chose que nous apprécions. Mais en même temps, je ne pense pas que le procédé va être vraiment efficace pour avoir des discussions sérieuses et concrètes, parce que quand on dit “partis politiques”, il y en a tellement en Guinée, quand on dit “organisations de la société civile”, c’est tellement vague, elles sont tellement nombreuses…
« Il aurait fallu faire une liste précise des participants et consacrer une journée entière à chaque composante », regrette un acteur économique. Le programme prévoit des créneaux de deux heures pour chaque catégorie d’acteurs, sur quatre jours. « Il sera impossible de respecter le timing », estime déjà un responsable du secteur minier.

Questions et incertitudes sur la transition

Nombre d’acteurs politiques, économiques et de la société civile espèrent que ces concertations leur permettront d’y voir plus clair sur une transition pour l’heure très incertaine. Car les questions sont nombreuses et il est encore difficile de savoir quelles sont les intentions du colonel Doumbouya, qui ne s’est pas exprimé en public depuis le coup d’Etat.

Le chef de la junte a promis un gouvernement d’union nationale. Quelle sera sa composition ? Qui sera à sa tête ? Aucune indication pour l’instant, même si plusieurs formations politiques ont déjà annoncé leur intérêt pour y participer. Quelle sera la place accordée aux militaires ? Et sur qui peut compter le nouvel homme fort ?

Pour l’heure, seul le colonel Amara Camara s’exprime au nom du CNRD via des communiqués. Et c’est le colonel Balla Samoura qui a accueilli la délégation de la Cédéao la semaine dernière. Mais « l’organigramme n’est pas clair » souligne un responsable de la société civile, pour qui « le choix des personnalités qui seront nommées sera déterminant pour la légitimité du CNRD ».

Quid, ensuite, du calendrier ? « Le dilemme, c’est que beaucoup espèrent une transition rapide, alors qu’il faudrait prendre le temps pour qu’elle soit solide, et préparer des élections libres et transparentes », affirme un observateur. Et puis autre question, cruciale : celle des moyens financiers, pour redresser la Guinée. « Réussir un coup d’Etat est une chose », conclut un analyste, « gouverner en est une autre », « le plus dur est à venir ».

 Source: Rfi