Rôle de la MINUSCA dans la déstabilisation de la République centrafricaine

La République centrafricaine, en proie à des conflits, lutte pour une paix durable depuis 2013. Malheureusement, le déploiement de la mission Multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA) en 2014 n’a apporté que peu de résultats concrets. La protection de la population civile a été l’un des principaux objectifs de la MINUSCA comme il a été initialement inscrit dans son mandat. Cependant, les troupes de l’ONU n’ont pas pu remplir cette mission, ce qui a suscité de nombreuses critiques à l’égard de la mission, tant de la part de la population locale que d’experts internationaux.

L’un des principaux problèmes auxquels la mission est confrontée, est l’inefficacité dans la lutte contre la violence, en particulier celle faite contre la population civile du pays. Des cas de non-intervention de soldats de la paix dans des situations où des groupes armés terrorisaient des civils à proximité des bases de la MINUSCA ont été documentés. 

L’inefficacité de la mission de l’ONU en République centrafricaine inquiète les experts internationaux, notamment parce que la Mission coûte cher à la communauté internationale (le budget approuvé pour 2020-2021 est de 1 006 428 200 dollars). Cependant, le fait que la MINUSCA n’ait pas réussi à assurer la stabilité politique, à réformer le secteur de la sécurité et à rétablir l’autorité de l’état sur l’ensemble du territoire de la République centrafricaine en près de huit ans de présence n’est pas la seule chose à laquelle la communauté internationale doit prêter son attention.

De nombreux crimes de la Mission sur le territoire de la République centrafricaine, dont le viol, le meurtre de civils par la négligence, les accidents mortels, la coopération avec les rebelles, et même l’éventuelle part à des affrontements sur le côté des éléments rebelles, font la mission de paix très impopulaire parmi les habitants du pays. La population centrafricaine utilise tous les moyens civils pour transmettre à la direction de l’ONU son attitude envers la présence des « casques bleus » sur le territoire de la République: des rassemblements pour le départ de la MINUSCA de la République ont lieu dans différentes régions du pays, chaque semaine. Les citoyens centrafricains ont déposé plus de 100 pétitions dans les divers bureaux, exigeant l’arrêt de travail de la mission et de la levée de l’embargo sur l’importation d’armes.   

Manifestation « STOP MINUSCA », Bondiba, août 2021

Les crimes de la MINUSCA sont également signalés par les habitant via le centre d’appel 1320, qui a été organisée pour recueillir des informations sur les mouvements de rebelles et d’autres violations qui se produisent dans le pays. Les appels des habitants de différentes provinces de la République centrafricaine font état de la coopération multiforme de la MINUSCA et des bandes qui sévissent dans le pays, allant de la transmission d’informations à la fourniture de nourriture, de médicaments, d’armes et de munitions aux combattants. Entre mars et août 2021, 49 cas confirmés de coopération entre le contingent de la MINUSCA et divers groupes armés ont été enregistrés.

Carte des cas confirmés de coopération entre des soldats de la paix de la MINUSCA et des groupes armés

D’après des sources publiques, les soldats de la paix de divers contingents fournissent constamment aux rebelles des informations sur l’emplacement et les mouvements des troupes gouvernementales, ce qui rend difficile pour ces derniers de mener des opérations de nettoyage. Après l’échec total des éléments de la CPC à l’hiver 2021, lorsque les troupes gouvernementales, avec le soutien des alliés de la Russie et du Rwanda, ont réussi à éliminer les groupes armés de toutes les grandes villes et de tous les centres de transport, les terroristes ont changé de tactique et dispersé leurs forces dans les forêts, passant à des petites attaques pour s’approvisionner. Les soldats de la paix de l’ONU, qui fournissent des informations sur les mouvements des troupes gouvernementales, permettent aux terroristes de quitter rapidement leurs camps secrets dans les bois et de se cacher. Voici, par exemple, un message de NGAOUNDAYE du 9 avril 2021: ce matin, vers 06h00, avant l’arrivée des forces gouvernementales, la MINUSCA a informé les militants de l’offensive de l’armée. Les rebelles ont immédiatement décollé et ont quitté la ville. Ils sont allés au Nord.

Dans le cas où les soldats de la paix ne parviennent pas à avertir les terroristes de l’arrivée de l’armée nationale, ils abritent des combattants dans leurs bases ou transportent dans leur véhicule, qui n’est pratiquement jamais fouillé en raison de l’immunité de l’ONU, dans un endroit sûr. Des cas de ce type de violations enregistrées dans les villes de KAGA BANDORO, MOBAYE, KOUI, BAMBARI, etc. Voici un message  récent (le 26 juillet, 21) de BAMBARI dans la préfecture de l’OUAKA, à 400 km de la capitale de la République : le contingent marocain de la MINUSCA a amené environ 10 combattants de l’ex-Séléka dans la brousse à 7 km du centre de BAMBARI en direction de BANGUI. Au cours des opérations de ratissage menées par la FACA avec le soutien d’instructeurs russes, ces militants ont mystérieusement disparu, puis sont apparus dans la voiture des marocains. En outre, la MINUSCA aurait fourni des soins médicaux aux rebelles blessés dans les affrontements avec les forces gouvernementales. 

Le fait que la MINUSCA ait fourni à plusieurs reprises des armes, des médicaments et de la nourriture aux rebelles est également une source d’indignation. Le fait est que la République centrafricaine est toujours soumise à un embargo sur l’importation d’armes, ce qui empêche le gouvernement d’équiper dignement l’armée nationale. Les détracteurs de l’embargo, que le conseil de Sécurité des Nations Unies a prolongé en juillet 2021, soulignent qu’il n’aide en rien à réduire le nombre d’armes sur le marché noir, ce qui conduit finalement à ce que les rebelles, qui ne sont pas limités par le cadre de la législation internationale, soient mieux armés que les forces gouvernementales. 

En plus de transporter des armes par les couloirs traditionnels de contrebande en provenance du Tchad et du Soudan du Sud, les combattants reçoivent également des armes du contingent de la MINUSCA. Le fait est que dans certaines régions, c’est la MINUSCA qui contrôle les armes obtenues dans le cadre du programme de désarmement lancé par le gouvernement centrafricain en 2019. L’objectif principal du programme de désarmement est de retirer les armes illicites de la circulation sur le territoire de la République CENTRAFRICAINE, c’est pourquoi le programme prévoit la destruction de toutes les armes remises. Cependant, les journalistes locaux notent que les quantités d’armes détruites par la mission de l’ONU ne correspondent pas au nombre d’unités remises, indiquant ainsi un schéma louche qui favorise le retour des armes sur le marché noir. 

Cette même thèse est confirmée par les habitants qui s’adressent au service de 1320. Par exemple, voici un message de Kaga Bandoro du 01/06/2021 : La population est préoccupée par le processus de désarmement à Kaga BANDORO. Les armes s’installent chez les commerçants qui gardent toujours les armes dans leurs bancs et attendent le signal de la MINUSCA pour remettre les armes aux combattant qui ont déjà désarmé dans la ville. 

Dans le cadre de l’investigation de la presse local, des preuves de la coopération entre la MINUSCA et les milices ont été trouvées : les sources locales ont publié un certain nombre d’enregistrements vidéo confirmant la coopération entre la MINUSCA et les groupes armés. Selon le Confident (13 avril 2021), « le personnel de la MINUSCA NGAKOBO a formé des combattants de la CPC (Coalition de groupes armés actuellement en activité en République centrafricaine). Le contact a été confirmé par une vidéo filmée à l’aérodrome de NGAKOBO : la vidéo montre le contingent mauritanien de la MINUSCA en pourparlers avec les généraux de la CPC ». Une autre vidéo diffusée sur les réseaux sociaux centrafricains montre les forces combinées de la MINUSCA et de la CPC déchargeant un hélicoptère (la Gazette du Matin, 22 avril 2021).

Certains contingents ont été vus en train de transférer des armes plus récentes, y compris des mines antipersonnel interdites sur le territoire de la République. L’observateur militaire local, affilié à l’armée nationale de la RCA, Sylvain Nguema, souligne que les Mines trouvées et neutralisées par les troupes gouvernementales en mai 2021 au Nord de la ville de NIEM, ont été produites en Belgique. Selon l’évaluation d’experts du média le Potentiel Centrafricain, à l’heure actuelle, les militants n’ont pas assez de financement et de soutien logistique pour obtenir des armes de cette nature sans aide extérieure. Un message de LAMY PONG du 2 juin 2021 confirme également le transfert de Mines aux militants : hier à 15h00, environ 150 militants armés ont envahi le village. Ils ont tiré en l’air, pris des gens en otage, tué du bétail et pillé. Ils ont des AKs, des grenades et des munitions. Ils ont volé, après quoi ils sont retournés à leur base. Ils ont miné les pistes menant à la mine KPANDE avec des Mines antipersonnel qu’ils avaient reçues des contingents de la MINUSCA. 

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Une mine désamorcée par des spécialistes de la FACA lors d’une opération en mai 2021

Récemment, un grand nombre de membres du personnel de la MINUSCA ont été transférés dans des régions reculées de la République centrafricaine, plus proches des frontières nationales. Cela ne semblerait pas suspect s’il n’y avait pas eu la récente amende émise par les douanes centrafricaines en juillet 2021. La MINUSCA a été condamnée à une amende pour importation illégale de pièces automobiles. Les douaniers affirment que la MINUSCA ne déclare pas toutes les marchandises importées sur le territoire de la République, ce qui justifie son statut spécial. Le 28 juillet, un autre convoi du contingent mauritanien de la MINUSCA a été arrêté à Bangui. Lors de la perquisition de véhicules à l’intérieur, des personnes ont été retrouvées: plus de 100 mercenaires, dont des Français, selon des sources proches de la gendarmerie de Bangui. Le but de leur séjour en République centrafricaine reste inconnu, les responsables de l’ONU ont refusé de commenter la situation.

Une partie des contingents de la MINUSCA est déjà étroitement liée au réseau criminel local, en particulier dans les régions riches en ressources naturelles. À Bossangoa, une ville minière du Nord de la RCA, les soldats de la paix de l’ONU sont, selon des témoins, les principaux acheteurs d’or et de diamants. Il est à noter que la zone de Bossangoa n’est pas déclarée zone verte parmi les zones d’exploitation minière autorisées par le processus de Kimberley. Cela signifie qu’il est illégal d’acheter des diamants et de l’or là-bas. 

Il convient de noter que les régions riches en ressources naturelles ont toujours été attrayantes pour les groupes armés, car elles peuvent fournir des ressources pour financer les nouveaux équipements et munitions nécessaires à la lutte contre l’armée nationale et d’autres groupes armés. Selon diverses informations émanant de la République centrafricaine, les diamants obtenus illégalement servent à payer la MINUSCA pour les marchandises qu’ils fournissent aux groupes armés.

En fournissant des armes, des vivres et des médicaments aux groupes armés, les forces de l’ONU contribuent à prolonger le conflit violent en République centrafricaine, ce qui garantit à son tour la prolongation du mandat de la MINUSCA dans un territoire riche en or et en diamants. 

Les dirigeants du monde occidental appellent sans cesse à mettre fin au cycle de la violence en Afrique, à briser le cercle vicieux où la brutalité engendre la brutalité. Cependant, la MINUSCA sur le territoire de la République centrafricaine sert manifestement d’autres objectifs, ne faisant qu’aggraver la situation et mettre en danger des milliers de vies innocentes d’africains.