Une manifestation antigouvernementale prévue lundi au Soudan du Sud à l’appel d’une coalition de groupes de la société civile ne s’est finalement pas tenue, après le déploiement en masse des forces de sécurité dans les rues de la capitale Juba.
Membre de la Coalition du peuple pour l’action civile (PCCA), qui regroupe notamment militants, universitaires, avocats et d’anciens représentants du gouvernement, Wani Michael a déclaré à l’AFP que lui et quatre autre activistes avaient décidé de se cacher pour éviter les représailles des autorités qui avaient interdit cette manifestation.
Cette journée de contestation était prévue le même jour que la session inaugurale du Parlement dit « reconstitué », une des dispositions-clés de l’accord de paix qui a mis fin en 2018 à cinq ans d’une sanglante guerre civile ayant fait près de 400.000 morts et quatre millions de déplacés.
« C’était censé être non-violent mais le gouvernement a répondu par la violence. Il y a eu des déploiements massifs, pas avec des matraques. Ces gars portent des AK-47, des mitrailleuses et il y a des chars dans les rues », a déclaré Wani Michael.
« Vous ne pouvez pas faire descendre les gens dans la rue et qu’ils soient confrontés à cette force », a-t-il ajouté.
La PCCA entendait protester contre les dirigeants du plus jeune pays du monde, en proie à la violence, à la famine et à une profonde crise économique depuis son indépendance en 2011. Elle dénonce « un système politique en faillite qui est devenu dangereux et a soumis notre peuple à d’immenses souffrances ».
Les autorités, qui avaient déclaré cette manifestation « illégale », avaient visé ces dernières semaines des personnes en relation avec l’événement. Au moins huit militants ont été arrêtés et trois journalistes brièvement détenus, ont rapporté des groupes de défense des droits civiques.
– Magasin fermés, internet perturbé –
Dès lundi matin, les rues de Juba étaient étroitement quadrillées par des forces spéciales de sécurité, patrouillant à bord de véhicules équipés notamment de mitrailleuses.
De nombreux magasins sont restés fermés et des habitants ont indiqué à l’AFP préférer rester chez eux.
« On entend dire qu’il n’y a pas de travail aujourd’hui et en plus, on craint » la suite de la journée, expliquait lundi matin Emelda Susu, une marchande ambulante.
« Je me rendrai au marché quand je verrai que les choses sont normales, mais pour l’instant la vie (passe) en premier. J’ai peur, donc je fais attention », ajoutait Jimmy Bandu, un petit commerçant.
Le ministre de l’Information, Michael Makuei, a affirmé à l’AFP que « le gouvernement (avait) le contrôle total » de la situation.
Il a réfuté les informations faisant état d’une coupure d’internet par les autorités, après que des utilisateurs ont signalé des problèmes d’accès aux deux principaux réseaux, Zain et MTN. Selon le ministre, les éventuels problèmes de connexion étaient dus à des problèmes techniques.
– Organisation d’élections –
Lors de la séance inaugurale du Parlement, le président sud-soudanais Salva Kiir a appelé les nouveaux législateurs à placer « les besoins des citoyens au-dessus des considérations partisanes » et « à placer le peuple du Soudan du Sud au-dessus de tout intérêt de parti ».
« Nous devons toujours nous rappeler que notre mandat final (…) est d’organiser des élections démocratiques libres, justes et crédibles », a-t-il ajouté.
Initialement prévues en 2022, ces élections ont été reportées à 2023.
Le président a par ailleurs annoncé « mettre en pause » les pourparlers avec une coalition de groupes rebelles, l’Alliance de l’opposition du Soudan du Sud (SSOMA), menés à Rome sous l’égide de la Communauté de Sant’Egidio, association catholique proche du Vatican.
Il accuse notamment le Front national du salut (NAS), membre de la SSOMA, d’attaques meurtrières dans le Sud du pays.
En 2011, le Soudan du Sud avait fêté son indépendance du Soudan dans l’allégresse. Mais dix ans plus tard, le pays demeure dans une situation extrêmement fragile.
Selon l’accord de paix de 2018, Salva Kiir et Riek Machar, qui se sont affrontés durant la guerre civile, participent au pouvoir dans un gouvernement d’union nationale, le premier en tant que président et le deuxième en tant que vice-président.
Mais ce gouvernement est sous la menace constante des luttes de pouvoir, qui retardent la mise en application de l’accord de paix et alimentent la violence endémique et la crise économique qui minent le pays.
Source: La Minute Info