La plate-forme propose un reportage brûlant d’actualité – tourné avant l’annonce du retrait des troupes par Emmanuel Macron – dans le sillage de Théo, un brigadier de 20 ans qui a perdu trois « frères » au Mali en décembre 2020.
Après de longs mois d’hésitation, Emmanuel Macron a annoncé, jeudi 10 juin, la fin de l’opération « Barkhane » pour laquelle 5 100 soldats français étaient déployés au Sahel depuis 2014. Parmi eux, Théo, un brigadier de 20 ans, personnage principal du documentaire 28 décembre disponible sur la plate-forme BrutX.
Le film s’ouvre sur une séquence dans laquelle le jeune soldat est troublé : il vient de perdre des amis, des « frères » d’armes. C’était le 28 décembre 2020 au Mali. Le brigadier-chef Tanerii Mauri et les chasseurs de 1re classe Quentin Pauchet et Dorian Issakhanian ont été tués par l’explosion d’une bombe artisanale au passage de leur véhicule. « Il faut que la population française sache que ce qu’on vit ici, c’est quand même dur, lâche Théo. On était très proches. Ils étaient comme des frères. »
Alors que le retrait partiel des troupes, qui devrait être compensé par plus de « soutien » et « d’appui » aux armées sahéliennes, a été officiellement confirmé, le documentaire apporte le témoignage de ces hommes qui ont combattu dans la zone dite « des trois frontières » entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger, un sanctuaire djihadiste. Si la France a connu des succès contre l’Etat islamique dans le grand Sahara (EIGS) et les organisations affiliées à Al-Qaida regroupées au sein du GSIM (Groupe de soutien de l’islam et des musulmans), elle n’est pas parvenue à enrayer une spirale de violence. « Nous ne pouvons pas sécuriser des régions qui retombent dans l’anomie parce que des Etats décident de ne pas prendre leurs responsabilités, a fait savoir M. Macron. C’est impossible, ou alors c’est un travail sans fin. »
Sincérité touchante
Le film tourné par Camille Courcy montre au plus près la vie des soldats français. La grande reporter, qui a notamment travaillé en Afghanistan, en Centrafrique et en Syrie, est dite « embedded » – « embarquée » avec l’armée. Dans son documentaire de vingt et une minutes, qui aurait pu s’affranchir d’effets sonores assez lourds et de certains ralentis, on voit Théo et ses compagnons d’armes évoquer des souvenirs de leur baccalauréat, se chambrer en faisant des exercices physiques, discuter en visio avec leur famille ou évoquer l’absence de relations amoureuses pendant quatre mois.
Ces séquences sont entrecoupées par des entretiens dans lesquels les questions sont posées franchement. « Etes-vous prêt à vous sacrifier pour l’armée ? » « Oui, certainement que je suis prêt, répond Théo avec une sincérité touchante. Mais en étant jeune, on a du mal à parler de la mort. » Lors d’une patrouille dans un village, les soldats interrogent un homme qui les filme avec son téléphone portable. « Avez-vous peur ? » « Non, mais c’est un gros stress, dit le soldat de 20 ans. Quelqu’un peut débouler et nous tirer dessus. »
Le brigadier n’a rien d’un va-t-en-guerre bourré de testostérone. Malgré la perte de ses trois amis (50 militaires sont « morts pour la France » au Sahel), il « arrive encore à vivre » et à se rappeler « les situations marrantes vécues avec eux ». Le drame du 28 décembre 2020 est survenu à un moment où la France réfléchissait déjà à une stratégie de sortie pour l’opération « Barkhane ». Alors on aimerait en savoir plus sur les idéaux de Théo, sa vision de l’Afrique et surtout la finalité de sa mission. Quel est le sens de cette guerre, selon lui ? Sait-il qu’aucun des attentats perpétrés en France n’a été commis par des terroristes venant du Sahel ? « Nous ne changeons pas d’objectif, a déclaré Florence Parly, ministre des armées. L’engagement militaire de la France restera très significatif. » Qu’en pense aujourd’hui Théo ?
Source: Le Monde