Emmanuel Macron menace de retirer les militaires français si le Mali va dans le sens d’un islamisme radical. Dans une interview au JDD, le chef de l’État français réaffirme également son attachement au processus de transition après ce qu’il avait déjà qualifié de « coup d’État inacceptable ». Ces propos interviennent alors que les dirigeants ouest-africains se réunissent pour trancher l’épineuse question de leur réponse au second putsch des militaires maliens, menés par Assimi Goïta.
La mise en garde d’Emmanuel Macron est claire : « Je ne resterai pas aux côtés d’un pays où il n’y a plus la légitimité démocratique ni de transition », déclare-t-il dans les colonnes du Journal du Dimanche. Le président français affirme « avoir fait passer le message » à ses homologues de la région. Une manière de leur mettre la pression avant le sommet de la Cédéao prévu ce dimanche 30 mai dans l’après-midi.
Autre point fort de cette interview, la menace du retrait de la force Barkhane : « Au président malien Bah N’Daw, qui était très rigoureux sur l’étanchéité entre le pouvoir et les jihadistes, j’avais dit “l’islamisme radical au Mali avec nos soldats sur place ? Jamais de la vie !” Il y a aujourd’hui cette tentation au Mali. Mais si cela va dans ce sens, je me retirerais ». Ces propos d’Emmanuel Macron font notamment référence aux possibles futurs alliés d’Assimi Goïta dans la transition.
Les opérations extérieures, chasses gardées du président
C’est en chef des armées que le président français s’exprime là et il poursuit une tradition bien établie dans le pays. Les opérations militaires extérieures sont la chasse gardée du chef de l’État et de son gouvernement et le Parlement n’a pas son mot à dire ou presque. Seule obligation constitutionnelle depuis 2008, que les parlementaires soient consultés si une durée d’intervention excède quatre mois et cette consultation n’a lieu qu’une seule fois. Dans le cas des opérations au Mali, le Parlement n’a plus été consulté depuis avril 2013, quand la mission s’appelait encore Serval.
Ce mode de fonctionnement est critiqué du côté des législateurs : en 2018, le Sénat a proposé que les opérations militaires extérieures soient soumises à un vote du Parlement chaque année. Cette disposition est plutôt pensée pour écourter une opération qui se serait enlisée du point de vue des parlementaires, mais elle aurait aussi la possibilité d’empêcher l’exécutif de mettre fin abruptement à un engagement militaire jugé toujours stratégique par les députés et sénateurs.
Deux poids, deux mesures ?
Quant aux critiques sur le « deux poids, deux mesures » entre sa fermeté affichée au Mali et son soutien à la junte au Tchad, dirigée par le fils d’Idriss Déby, Emmanuel Macron précise : « J’ai été très clair en affirmant qu’une transition ne pouvait pas être une succession ».
Réactions à Bamako
Cette menace d’Emmanuel Macron de retirer les troupes françaises qui, rappelons-le, ont sauvé le Mali d’une déferlante jihadiste, en 2013, s’apparente à un coup de semonce aux putschistes maliens et à leur chef, Assimi Goîta.
Parmi les réactions à cet entretien du chef de l’État français figure celle de Tiéman Hubert Coulibaly, ancien ministre malien des Affaires étrangères qui dirige un regroupement de partis politiques : « Oui, je comprends bien Emmanuel Macron », dit-il avant d’ajouter que « la question est de sauver la démocratie malienne, de la remettre sur les rails et de continuer à travailler avec notre partenaire français ».
Ce point de vue est partagé par d’autres hommes politiques maliens. Le professeur Makan Moussa Sissoko, membre de l’Adéma, l’une des trois premières formations politique du pays, parle en son nom propre : « J’estime, en tant que citoyen que le risque islamiste est réel mais j’espère que la France restera à nos côtés », dit-il.
Pour un autre leader politique, Amadou Goïta, du PS, il est évident que le navire tangue. La transition doit être civile mais il ajoute : « Atttention ! Le Mali est une digue contre le terrorisme. Si cette digue saute, la France et l’Europe seront aussi en danger ».
Ajoutons encore cette autre réaction aux propose du président français, Emmanuel Macron, celle de Djiguiba Kéita, dit PPR, du Parti pour la renaissance nationale (Paréna) : « Hier comme aujourd’hui, la France n’a pas d’amis mais des intérêts. Et elle défend toujours ses intérêts. Ce qui est normal », a-t-il dit.
Source: Rfi