En République démocratique du Congo, les gouverneurs militaires désignés dans le cadre de l’état de siège ne sont toujours pas arrivés dans les provinces qu’ils doivent administrer. Depuis jeudi, l’état de siège est en vigueur au Nord-Kivu et en Ituri. L’objectif est de mettre fin aux massacres dans ces deux provinces. Human Rights Watch s’inquiète des profils choisis pour mener ces opérations. Pendant que le chargé de mission du président parle de « présomption d’innocence ».
Les gouverneurs du Nord-Kivu et de l’Ituri, les généraux Luboya Nkashama et Constant Ndima, se seraient rendus coupables d’exactions par leur position de commandement. « Selon un rapport de l’ONU, le lieutenant-général Ndima aurait lui commandé les hommes de la rébellion du MLC (Mouvement de libération du Congo) qui en 2002 ont conduit une opération en Ituri particulièrement violente dénommée “Effacer le tableau” », confieThomas Fessy, chercheur à Human Rights watch.
« Et selon les enquêteurs, il portait lui-même ce surnom qui venait en fait d’une unité spéciale de la rébellion, comprenant les combattants d’un autre groupe armé, le RCDN (Rassemblement des Congolais démocrates nationalistes). De son côté, le lieutenant-général Ludoya, ancien chef des renseignements militaires de la rébellion RCD Goma, pourrait être responsable de par son poste de commandement de meurtres, viols et autres exactions commises par ces forces », poursuit le chercheur.
« Impunité généralisée…»
Thomas Fessy estime que ces nominations rappellent « l’impunité généralisée pour les exactions commises tant par des groupes rebelles que par des forces armes. Et cette impunité continue d’alimenter les conflits aujourd’hui. L’Est du Congo souffre de cycles de violences depuis des décennies et les forces armées en sont un acteur majeur à tant de niveaux dans des provinces hautement militarisées. Donc, leur donner plus de latitude sans que ce soit intégré dans une approche globale de justice pour les crimes graves, d’assainissement des corps armés et d’un mécanisme de démobilisation des ex-combattants soulève des inquiétudes quant à la protection des civils et des droits humains ».
Pour le chargé de mission du président et point focal en matière de justice internationale, le professeur Taylor Lubanga, la situation n’est pas aussi simple que ça. Il faut plus que des allégations et la détermination du chef de l’État à lutter contre l’impunité reste inébranlable. « Il n’existe pas d’immunité qui provienne de la simple nomination. Une personne nommée à un degré quelconque de responsabilité, dont les éléments de preuves, dont les charges réunies sont présentées par l’autorité compétente, sera poursuivie. »
« ll faut que les victimes se présentent »
Alors pourquoi ne pas lancer une instruction en parallèle de cela sur « Effacer le tableau » pour savoir quelle est la responsabilité du général Ndima ?
« Je pense qu’il y a toute une procédure pour cela, répond Taylor Lubanga. Il faut que les victimes se présentent, si elles existent, la société civile, les ONG doivent pouvoir collaborer et se mettre à la disposition des autorités concernées qui interviennent dans les castings ou dans les propositions aux nomination de tel officier militaire pour permettre justement que cela soit fait. Mais si les informations ne sont pas livrées à temps ou si les éléments arrivés ne sont pas tout aussi cohérents. Mais au jour d’aujourd’hui, on ne peut pas reprocher à l’État que ce sont des personnes qui bénéficient de la présomption d’innocence ».
Source: Rfi