Mathurin de Chacus, le président de la Fédération béninoise de football (FBF), ne décolérait pas, mardi 27 avril en fin de journée, après avoir pris connaissance de la décision de la commission d’appel de la Confédération africaine de football (CAF). Celle-ci a confirmé que le match entre la Sierra Leone et le Bénin, qui n’avait pas pu se jouer fin mars en raison d’un imbroglio autour de tests au Covid-19, serait reporté au mois de juin. L’enjeu de cette rencontre ? La qualification pour la phase finale de la Coupe d’Afrique des nations (CAN), en 2022 au Cameroun – la Sierra Leone doit gagner tandis que le Bénin n’a besoin que d’un match nul.
« Cette décision est une honte, un véritable scandale », peste Mathurin de Chacus, qui n’a toujours pas digéré l’incident du 30 mars. Ce jour-là, à quelques heures du coup d’envoi du match censé se dérouler au National Stadium de Freetown, les Béninois avaient été informés que cinq de leurs joueurs avaient été testés positifs au Covid-19 la veille à leur hôtel. Mais au lieu de fournir un document officiel émis par un laboratoire, les Sierra-Léonais avaient produit une simple feuille blanche où étaient inscrits les noms des cinq joueurs, avant d’exiger leur mise à l’isolement – une requête rejetée par les Béninois.
Un ministre « intimidé »
La situation s’était envenimée, alors que les joueurs et le staff technique des Ecureuils étaient restés bloqués plusieurs heures dans leur bus. « Un policier sierra-léonais a même intimidé Mathurin de Chacus et Oswald Homeky, le ministre des sports, en sortant une arme », se souvient l’ancien international Jean-Marc Adjovi-Boco, présent à Freetown en tant que conseiller du ministre béninois. Le match n’avait finalement pas eu lieu et la commission d’organisation de la CAN avait décidé de le reporter en juin.
Mais le Bénin, dénonçant des manœuvres frauduleuses, s’était empressé de constituer un dossier pour la CAF. « Nous avons des vidéos sur la façon dont les tests ont été effectués à Freetown, dans des conditions d’hygiène discutables. Toute la délégation béninoise, soit 77 personnes, avait été testée à Cotonou soixante-douze heures avant le match. Il y a également eu des tests au retour de Freetown, effectués à Cotonou, tous négatifs. Et les cinq joueurs supposés positifs ont été de nouveau testés en France, avec toujours le même résultat », poursuit Jean-Marc Adjovi-Boco, précisant que la FBF a demandé à plusieurs reprises à la fédération sierra-léonaise de lui adresser les documents officiels – sans succès.
Les Béninois avaient demandé la disqualification de leur adversaire pour triche manifeste, alors que la Sierra Leone exigeait une victoire par forfait puisque le Bénin ne s’était pas présenté sur le terrain.
Un mauvais signal
Les Ecureuils soulignent que la décision de la commission d’appel de la CAF de faire jouer ce match au mois de juin est un mauvais signal envoyé au football africain.
« Cela signifie que même si vous essayez de frauder et que vous vous faites prendre, vous ne risquez rien. Avec une telle décision, on encourage les tricheurs et on donne une très mauvaise image de l’Afrique », intervient le milieu de terrain Jodel Dossou (Clermont Foot), l’un des cinq joueurs concernés par l’affaire des tests : « Moi, j’avais été testé positif le 3 mars à Clermont, mis à l’isolement puis testé négatif. J’ai donc développé des anticorps et je ne pouvais pas être de nouveau infecté dix jours plus tard. C’est absolument scandaleux. Il est hors de question que je remette les pieds en Sierra Leone, un pays qui me déclare malade alors que je ne le suis pas et qui envoie ses militaires à notre hôtel à 2 heures du matin pour essayer de nous placer à l’isolement. »
La CAF n’a pas précisé si le match aurait lieu à Freetown ou sur un terrain neutre. Le président de la FBF envisage de faire appel de cette décision devant le Tribunal arbitral du sport (TAS) sans tarder, comme il l’a confirmé au Monde Afrique. Contacté, le Congolais Veron Mosengo-Omba, secrétaire général de la CAF, a rappelé que « les différentes commissions de l’instance sont souveraines dans leurs décisions ». Une façon d’exonérer l’exécutif d’une procédure qui risque de faire une mauvaise publicité à la CAF au moment où le Sud-Africain Patrice Motsepe vient d’en prendre la tête.
Source: Le Monde