Le nouveau président du Niger, Mohamed Bazoum, a prêté serment vendredi à Niamey en pleine crise, deux jours après « une tentative de coup d’Etat » au moment où ce pays est frappé par les pires attaques djihadistes de ces dernières années, qu’il a qualifiées de « crimes de guerre ».
Plusieurs chefs d’Etat et de gouvernement d’Afrique de l’ouest et centrale, dont le Tchadien Idriss Déby qui vient d’envoyer 1.200 soldats au Niger pour combattre les jihadistes, ont assisté à la prestation de serment de Mohamed Bazoum dans le Centre international de conférence de Niamey pavoisé aux couleurs verte, blanche et orange du drapeau nigérien.
Partenaire privilégié dans la lutte contre le djihadisme dans les pays du Sahel, dont le Niger, la France était représentée par son ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian.
Le Niger est « confronté à l’existence de groupes terroristes dont la barbarie vient de dépasser toutes les bornes » et qui « se livrent à des massacres de civils innocents à grande échelle commettant à l’occasion de vrais crimes de guerre », a déclaré M. Bazoum dans son discours d’investiture.
Il a estimé que les chefs de ces groupes terroristes « relèvent d’autres pays, jamais aucun chef terroriste n’a fait cas de griefs contre notre Etat, encore moins formulé la moindre revendication en sa direction ».
Le Niger doit faire face dans sa partie est proche du Nigeria aux attaques du groupe jihadiste nigérian Boko Haram, et dans sa partie ouest proche du Mali à celles de groupes affiliés à l’Etat islamique (EI) et à Al-Qaïda.
Les attaques contre des civils se sont multipliées depuis le début de l’année au Niger: plus de 300 personnes ont été tuées dans trois séries d’attaques contre des villages et des campements de l’ouest du pays.
La dernière de ces attaques de grande ampleur a eu lieu le 21 mars dans la région de Tahoua, faisant 141 morts dans trois villages touareg et des campements alentour.
La région de Tahoua, vaste et désertique, se trouve à l’est de celle de Tillabéri, toutes deux proches de la frontière avec le Mali.
– « Impact direct » –
Concernant le combat contre les groupes jihadistes au Mali, dont l’EI au grand Sahara, M. Bazoum a jugé que celui-ci « sera très difficile aussi longtemps que l’Etat malien n’aura pas exercé la plénitude de sa souveraineté » sur les régions de Gao ou Menaka.
« La situation actuelle du Mali a un impact direct sur la sécurité intérieure de notre pays », a-t-il affirmé, ajoutant: « c’est pourquoi notre agenda diplomatique sera centré sur le Mali », en « étroite coordination » avec les partenaires régionaux et internationaux du Niger.
Dans l’est du pays comme dans l’ouest du pays, le chef de l’Etat a promis d’engager « les actions qu’il faut pour mettre rapidement fin aux souffrances des populations ».
Le passage de relais entre MM. Issoufou et Bazoum, très proches depuis plus de trente ans comme l’a rappelé le nouveau chef de l’Etat, a été le premier entre deux présidents démocratiquement élus. Saluant en son prédécesseur un « dirigeant exceptionnel », M. Bazoum a relevé qu’il avait « accepté de quitter le pouvoir de bonne grâce ».
Bazoum, 61 ans, a été élu à l’issue du second tour de la présidentielle du 21 février avec plus de 55% des voix face à un ancien président, Mahamane Ousmane, qui n’a pas reconnu sa défaite et a appelé à des « manifestations pacifiques ».
– « Implacable » envers la corruption –
Dans son discours, le nouveau président s’est déclaré « disposé à un dialogue constructif » avec son rival en vue de parvenir à « un climat politique apaisé ».
La cérémonie d’investiture s’est tenue peu après « une tentative de coup d’Etat », selon le gouvernement.
Dans la nuit de mardi à mercredi, des militaires en armes ont investi le quartier de la résidence et des bureaux de la présidence à Niamey, mais ont été repoussés par la Garde présidentielle après des échanges de tirs, notamment à l’arme lourde.
Cette tentative de putsch « est très révélatrice de l’état d’esprit de certains de nos compatriotes (…) prêts à compromettre l’avenir de notre pays », a estimé Mohamed Bazoum, espérant « la fin des tentations putschistes et insurrectionnelles ».
L’histoire du Niger, pays sahélien parmi les plus pauvres du monde, est jalonnée de coups d’Etat.
Depuis l’indépendance de cette ex-colonie française en 1960, il y en a eu quatre: le premier en avril 1974 contre le président Diori Hamani, le dernier en février 2010 qui a renversé le président Mahamadou Tandja. Sans compter les tentatives de putsch, nombreuses.
Au même titre que la sécurité, Mohamed Bazoum a placé dans son discours l’éducation, en particulier « la scolarisation des jeunes filles », au coeur de ses priorités et promis qu’il se montrerait « implacable » envers la corruption qui gangrène son pays.
Source: La Libre Afrique