Palma, petit port du nord du Mozambique tombé aux mains de groupes jihadistes après une attaque revendiquée lundi par l’EI, s’est transformé en ville fantôme tandis que des milliers de civils continuent à fuir par tous les moyens.
L’ONU, qui a condamné « fermement les attaques », se dit « profondément préoccupé par la situation toujours en évolution à Palma, où des attaques armées ont commencé le 24 mars, tuant des dizaines de personnes, dont certaines tentaient de fuir un hôtel où elles s’étaient réfugiées ».
Washington s’est de son côté dit « déterminé » à assister le gouvernement mozambicain contre les jihadistes. Le porte-parole du Pentagone, John Kirby, n’a pas précisé de quelle manière l’armée américaine pourrait aider les autorités à reprendre le contrôle de cette ville de 75.000 habitants.
Le groupe Etat islamique (EI) a affirmé contrôler la ville et revendiqué l’attaque survenue à seulement une dizaine de kilomètres d’un mégaprojet gazier de plusieurs milliards d’euros piloté par le groupe français Total.
Il précise aussi qu’elle a visé « des casernes militaires et des quartiers généraux du gouvernement », annonçant la mort de dizaines de militaires mozambicains « et de chrétiens, dont des ressortissants d’États croisés ».
Selon le gouvernement dimanche soir, l’attaque d’ampleur à Palma s’est traduite par des dizaines de morts et au moins une centaine de personnes sont toujours portées disparues.
Le signal du raid surprise mercredi, mené dans trois endroits de la ville, semble avoir été l’arrivée prévue d’un bateau rempli de nourriture, selon plusieurs sources. L’attaque a immédiatement suivi son accostage, ont raconté des témoins à l’AFP, qui ont fui depuis.
Selon eux, le chargement était destiné à alimenter les commerces de la ville mais aussi à distribuer de l’aide aux personnes déplacées, nombreuses à Palma, après avoir quitté leurs villages en raison, déjà, de violences jihadistes.
« Ça a commencé juste après l’arrivée du gros navire », confie à l’AFP un homme qui a quitté Palma à pied pour se réfugier 180 km plus loin dans les terres. « Ils voulaient la bouffe. Ils ont attaqué la ville et apporté des camions pour décharger la nourriture qui venait d’arriver ».
Les groupes armés ont foncé vers les banques, pour les piller, et les postes de police, ont raconté ces témoins.
Selon plusieurs experts, ils pourraient avoir été une grosse centaine. Des témoins racontent que plusieurs d’entre eux se sont infiltrés incognito en ville quelques jours avant l’attaque, se logeant chez l’habitant.
Depuis, plusieurs habitants de Palma, interrogés via messagerie, décrivent une ville fantôme largement abandonnée.
– « Fort Apache assiégé » –
Lundi, humanitaires et agences onusiennes se concertaient pour aider les milliers de civils qui ont pris la route de l’exode.
Entre 6.000 et 10.000 personnes se trouvaient dans le périmètre du site gazier, selon une source participant aux opérations d’évacuation. Ils sont arrivés par vagues, frappant à la porte du site ultra-sécurisé de milliers d’hectares, « sorte de Fort Apache assiégé » selon une source sécuritaire.
Total affirme dans un communiqué fournir « une aide humanitaire et logistique » à ce « nombre important de civils ».
Le géant énergétique, qui espérait une reprise rapide des travaux du construction du site censé être opérationnel en 2024, a renoncé samedi.
Après le transfert de 1.400 travailleurs et civils à Pemba, port situé à quelque 200 km au sud, pirogues et bateaux à voile traditionnels, chargés de réfugiés, continuent à affluer, selon des témoins et ONG.
Les militaires, persuadés que des jihadistes se cachent parmi les réfugiés, ont bloqué l’accès à la plage, selon un photographe de l’AFP sur place.
Les groupes armés, qui terrorisent cette région frontalière avec la Tanzanie depuis 2017, sont montés en puissance depuis un an, multipliant les attaques sanglantes.
Contrôlant le port stratégique de Mocimboa da Praia depuis août 2020, ils poursuivent avec la prise de Palma leur « stratégie littorale », comme le souligne un expert sécuritaire français à l’AFP: complexifier le soutien logistique de la base gazière, désormais « uniquement accessible et ravitaillable par voie maritime depuis Pemba ».
La sécurité sur les routes de la région est déjà compromise depuis de nombreux mois.
Source: Sunu Afrik