Le Soudan est en passe de réformer son industrie de la Défense. C’est du moins ce qu’espère le Premier ministre Abdallah Hamdok, qui a annoncé que le gouvernement va reprendre la main sur un groupe d’entreprises détenues par l’armée.
La Société de l’Industrie militaire, l’une des plus grosses firmes du secteur de la Défense, va être séparée en deux entités, une militaire et une civile sur laquelle le ministère de l’Economie et des Finances va reprendre la main via un partenariat public-privé.
Ce n’est pas la première fois que Abdallah Hamdok affiche sa volonté de mettre fin à la mainmise des hauts gradés de l’armée et des services de sécurité sur l’économie du pays. Un sujet très sensible alors que, depuis la chute d’Omar el-Béchir, le pays est dirigé par un exécutif à deux têtes : l’une civile et l’autre militaire.
Sous le régime d’Omar el-Béchir, généraux et cadres des services de sécurité se sont taillé la part du lion dans de nombreux secteurs de l’économie soudanaise : mines d’or, gomme arabique, exportation de viande, pétrole, farine ou télécommunications, la liste est longue.
Depuis la chute du régime militaro-islamiste en avril 2019, peu de choses ont changé, finalement. Les généraux, qui ont pris les rênes de la transition, ont certes purgé certains proches d’el-Béchir de ces entreprises, mais n’ont pas hésité à placer à leurs têtes des soutiens loyaux.
Pour Kholood Khair du think-tank Insight Strategy Partners à Khartoum, la reprise en main de cette entreprise par le gouvernement n’est qu’une première étape. « Cette annonce est le résultat d’un fin calcul de la part des militaires. Le vent est en train de tourner en termes de soutien international en faveur du gouvernement civil. L’armée se rend compte qu’il vaut mieux qu’elle se défausse de certaines possessions maintenant afin de garder la mainmise sur d’autres secteurs. Il faut garder à l’esprit que les militaires contrôlent toujours une grande partie de l’économie soudanaise. Ils jouent un rôle important dans l’économie informelle qui est de loin plus importante que le marché officiel. Donc, on est encore loin d’un transfert aux civils, mais c’est premier pas symbolique ».
Depuis des mois, de nombreux activistes ou membres de la société civile demandent une restructuration de l’industrie de la Défense. Plusieurs voix se sont élevées contre la mainmise de l’armée sur des pans de l’économie. Les Forces de liberté et de changement, mais aussi l’Association des professionnels soudanais, fer de lance de la contestation anti-Béchir, ont également critiqué la prépondérance du secteur de la Défense dans le budget annuel de l’État (40%).
Les revenus des mines d’or notamment et les taxes sur les entreprises détenues par l’armée et l’appareil sécuritaire ne sont pas pris en compte dans le budget national. Jusqu’à présent, ces sociétés appartenant aux généraux ne payent pas d’impôts sur les bénéfices et opèrent dans une totale opacité, alors que le Soudan est toujours plongé dans le marasme économique.
Source: Rfi