Les Centrafricains votent dimanche pour le second tour des législatives, mais aussi pour le premier dans une majorité de bureaux puisque moins d’un électeur sur trois avait eu accès aux urnes fin décembre en pleine offensive des rebelles dans ce pays en guerre civile depuis 8 ans.
Au lycée Barthélemy Boganda au petit matin, les électeurs étaient peu nombreux à l’ouverture des bureaux, rapporte un journaliste de l’AFP dans la capitale de ce vaste Etat d’Afrique centrale, le deuxième pays le moins développé du monde selon l’ONU.
« Contrairement au 27 décembre, il n’y a pas un véritable engouement. Quand les gens votent une première fois ils ne voient plus l’utilité de voter une seconde fois », se désole Godefroy Mokoamanede, directeur d’un bureau d’études en sortant du lycée.
Le 27 décembre, les premiers tours des élections présidentielle et législatives avaient été considérablement perturbés par l’annonce, une semaine plus tôt, de l’offensive sur Bangui d’une coalition des plus importants groupes armés qui occupaient depuis plusieurs années plus des deux tiers du territoire et avaient juré d’empêcher la réélection du président Faustin Archange Touadéra.
-Légitimité contestée-
Ce dernier a été réélu mais avec 53,1% des voix de moins d’un tiers des 1,2 millions d’inscrits, une grande majorité des bureaux de vote en dehors de Bangui n’ayant pu ouvrir et le vote ayant été invalidé pour des « irrégularités » dans quelques autres. La légalité de la présidentielle comme la légitimité de la réélection de M. Touadéra sont, depuis, fortement contestées par l’opposition.
L’enjeu dimanche est faible, le pouvoir de M. Touadéra devrait sans difficultés conserver sa majorité à l’Assemblée nationale, mais le scrutin pourrait être à nouveau perturbé par des violences dans les campagnes où les rebelles se sont repliés et menacent toujours, jurant de renverser M. Touadéra.
Ce scrutin perturbé a paradoxalement permis au régime Touadéra de se renforcer depuis fin décembre, en reprenant militairement du terrain. Mais les rebelles ont été repoussés uniquement grâce à l’engagement dans les combats de centaines de paramilitaires russes et de soldats rwandais, envoyés par Moscou et Kigali à la rescousse de M. Touadéra et d’une armée centrafricaine peu formée et mal équipée. Personne ne peut dire combien de temps ils resteront dans le pays.
Dans les premiers jours de leur offensive mi-décembre, les rebelles s’était emparés de la majorité des villes du nord et de l’ouest et avaient tenté, le 12 janvier, une incursion à Bangui vite repoussée grâce à l’intervention des Russes et des Rwandais.
Depuis plusieurs semaines, une contre-offensive a permis aux forces pro-gouvernementales de reprendre la plupart des villes aux mains des rebelles.
-Crimes contre l’Humanité-
Beaucoup de localités ont été libérées sans combat, les rebelles s’étant repliés ou enfuis à l’approche des forces pro-gouvernementales. « Cela n’affaiblit pas fondamentalement les groupes armés », juge Roland Marchal, chercheur au Centre de Recherches internationales de Sciences Po à Paris.
Cent-quarante sièges sont à pourvoir mais, au premier tour, 22 députés ont été élus et seulement 49 circonscriptions sont en ballottage pour le second dimanche. Dans les 69 autres, le premier tour réorganisé dimanche sera suivi d’un second à une date qui n’a pas encore été fixée.
Mais pour que la nouvelle Assemblée nationale soit légalement constituée, la Cour constitutionnelle a imposé qu’au moins 71 députés soient élus avant le 2 mai.
Des milliers de personnes ont été tuées depuis le début de la guerre civile, en 2013, quand une coalition à dominante musulmane, la Séléka, a renversé le président François Bozizé, accusé aujourd’hui par Bangui d’être à la tête des rebelles, ce qu’il nie.
Puis entre 2013 et 2015, de terribles affrontements entre la Séléka et des milices chrétiennes et animistes appelées anti-balaka ont fait rage, les deux camps accusés par l’ONU de crimes de guerre et contre l’humanité.
Le Conseil de sécurité de l’ONU a décidé vendredi d’augmenter progressivement de près de 3.000 Casques bleus les effectifs de la Minusca, sa force de paix en Centrafrique, déjà forte de 12.500 hommes.
Source: Sunu Afrik