A défaut de se mobiliser massivement, les Centrafricains ont pu voter dimanche dans le calme et la sécurité pour le second tour des législatives, deux mois et demi après un premier tour et une présidentielle sous la menace des rebelles, en retrait depuis.
Un nouveau premier tour était d’ailleurs organisé dans la majorité des circonscriptions dimanche, en dehors de Bangui, là où les bureaux n’avaient pas pu ouvrir le 27 décembre, dans le deuxième pays le moins développé du monde selon l’ONU et en guerre civile depuis huit ans.
« Il n’y a pas une grande affluence » toutefois, regrettait dimanche soir auprès de l’AFP Ali Ousman, un responsable du réseau Arc-en-ciel, qui regroupe les observateurs du scrutin de 15 organisations de la société civile.
Un journaliste de l’AFP a pu lui aussi constater dans quelques bureaux de vote de Bangui que les gens n’avaient pas voté en grand nombre dimanche. « Chez nous, les législatives ne suscitent pas un grand enthousiasme, c’est la présidentielle qui compte », commente Ali Ousman.
Au lycée Barthélemy Boganda, Godefroy Mokoamanede, directeur d’un bureau d’études, sort en se désolant: « quand les gens votent une première fois, ils ne voient plus l’utilité de voter une seconde fois ». « Je dois faire mon travail de citoyen, malgré l’insécurité. Il ne faut pas que le pays recule », assène Michel, un cultivateur.
Le 27 décembre, les scrutins avaient été considérablement perturbés par l’offensive annoncée sur Bangui d’une coalition des plus importants groupes armés qui occupaient depuis plusieurs années plus des deux tiers du territoire et avaient juré d’empêcher la réélection du président Faustin Archange Touadéra.
-Légitimité contestée-
Ce dernier a été réélu, mais avec 53,1% des voix de moins d’un tiers des 1,2 millions d’inscrits. La légalité de la présidentielle comme la légitimité de la réélection de M. Touadéra sont, depuis, fortement contestées par l’opposition.
L’enjeu dimanche était faible, le pouvoir de M. Touadéra devrait sans difficultés conserver sa majorité à l’Assemblée nationale, mais tout le monde avait les yeux rivés sur d’éventuelles violences dans les campagnes où les rebelles se sont repliés et menacent toujours, jurant de renverser M. Touadéra.
« Globalement ça s’est bien passé, il n’y a pas eu d’incident majeur », a assuré l’AFP dimanche soir le lieutenant-colonel Abdoul Aziz Fall, porte-parole des Casques bleus de l’ONU déployés depuis 2014 en Centrafrique. « Tous les centres où il n’y avait pas pu avoir de premier tour ont pu voter aujourd’hui », a-t-il ajouté.
Le scrutin perturbé fin décembre a paradoxalement permis au régime Touadéra de se renforcer en reprenant militairement du terrain depuis. Mais les rebelles ont été repoussés uniquement grâce à l’engagement dans les combats de centaines de paramilitaires russes et de soldats rwandais, envoyés par Moscou et Kigali à la rescousse de M. Touadéra et d’une armée centrafricaine peu formée et mal équipée. On ignore combien de temps ils resteront dans le pays.
-Crimes contre l’Humanité-
Beaucoup de localités ont été libérées sans combat, les rebelles s’étant repliés ou enfuis à l’approche des forces pro-gouvernementales.
« Cela n’affaiblit pas fondamentalement les groupes armés », prévient cependant Roland Marchal, chercheur au Centre de Recherches internationales de Sciences Po à Paris.
Cent-quarante sièges sont à pourvoir mais, au premier tour, 22 députés ont été élus et seulement 49 circonscriptions sont en ballottage pour le second dimanche. Dans les 69 autres, le premier tour réorganisé dimanche sera suivi d’un second à une date qui n’a pas encore été fixée.
Des milliers de personnes ont été tuées depuis le début de la guerre civile, en 2013, quand une coalition à dominante musulmane, la Séléka, a renversé le président François Bozizé, accusé aujourd’hui par Bangui d’être à la tête des rebelles, ce qu’il nie.
Puis entre 2013 et 2015, de violents affrontements entre la Séléka et des milices chrétiennes et animistes appelées anti-balaka ont fait rage, les deux camps se retrouvant accusés par l’ONU de crimes de guerre et contre l’humanité.
Le Conseil de sécurité de l’ONU a décidé vendredi d’augmenter progressivement de près de 3.000 Casques bleus les effectifs de la Minusca, sa force de paix en Centrafrique, déjà forte de 12.500 hommes.
Source: la Minute Info