Francine Ntoumi, biologiste moléculaire de formation, engagée dès le début de sa carrière dans la lutte contre le paludisme, présidente de la Fondation congolaise pour la recherche médicale, se bat au quotidien sur le terrain et à l’international pour le développement de la recherche scientifique en santé au Congo-Brazzaville et sur le continent africain. Elle est l’une des invitées de la matinale de RFI, ce lundi 8 mars, à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes qui met à l’honneur les femmes scientifiques.
En raison d’un contexte scolaire « balbutiant » à Brazzaville, les parents de Francine Ntoumi l’ont encouragé à venir étudier en France, où elle se retrouve à 15 ans, loin des siens, au Lycée Marie Curie de Sceaux, près de Paris.
Après son doctorat, passé à l’université Pierre et Marie Curie à Paris en 1992, la biologiste s’interroge : « Quelle est la maladie qui tue le plus en ce moment ? Qu’est-ce qui peut être utile au Congo ? Le paludisme… ». Pour son post-doctorat, Francine Ntoumi intègre alors une équipe de l’Institut Pasteur : «…je suis tombée dans le bain de la passion de la recherche pour des solutions ! » se souvient-t-elle.
Dans les années 1980, c’est la naissance de l’épidémiologie moléculaire, et la chercheuse expérimente à l’Institut Pasteur ces nouveaux outils pour étudier l’ADN des souches de paludisme en circulation au Sénégal et mieux comprendre les interactions hôte-parasite. Cet engagement la mènera à être la première africaine responsable du secrétariat de l’Initiative Multilatérale sur le paludisme de 2007 à 2010.
L’autonomie financière, motrice de l’indépendance
Pour son premier poste, Francine Ntoumi travaille de 1995 à 2000 au Centre International de Recherche Médicale à Franceville au Gabon. Elle prend alors conscience de la faiblesse des moyens de la recherche au sud : « Pour pouvoir faire ce que l’on veut en recherche et poser les questions qu’on veut poser, il faut chercher de l’argent, et là j’ai appris l’autonomie ! ».
Arrivée 5 ans plus tard en poste dans son propre pays, la jeune chercheuse, enthousiaste, n’est pas bien accueillie. « Les hommes n’étaient pas habitués, je crois… » mais elle résiste : « J’ai dit, je suis une combattante, je crois que je peux être un tout petit peu utile chez moi, alors je reste… et je suis restée ».
Poursuivant l’idée de développer la recherche scientifique au Congo-Brazzaville, elle crée en 2008 la Fondation congolaise pour la recherche médicale, dont elle est présidente.
Développer la recherche africaine: un combat quotidien
La reconnaissance internationale arrive quand Francine Ntoumi publie son premier article dans le magazine Science en 2011 : « La fourmi qui a appris à devenir un éléphant », sur le renforcement des capacités pour la recherche en santé dans les pays du sud. En 2012, le prix Kwamé Nkrumah, de l’Union africaine, consacre la reconnaissance de la scientifique par le continent.
Ensuite, distinctions et publications se succèdent, mais les financements se font rares jusqu’en 2016 : Francine Ntoumi reçoit le prix Christophe Mérieux de l’Institut de France, pour ses recherches sur les maladies infectieuses en Afrique centrale, qui permettra la création du Centre de recherches sur les maladies infectieuses Christophe Mérieux, à Brazzaville.
Depuis l’arrivée du Covid, la biologie moléculaire ayant prouvé son utilité pour contrer les maladies infectieuses, la chercheuse a lancé la création d’une plateforme de séquençage transversale, pour tous les pathogènes (VIH, paludisme…).
Francine Ntoumi, professeure des universités de Tubingen en Allemagne et Marien-Gouabi à Brazzaville, impliquée dans les grands réseaux de santé publique en Afrique et combattante infatigable, conclue : « Si à la fin de ma carrière, la culture scientifique s’est développée, ce sera gagné, mon autre combat c’est pour la présence des femmes en sciences (…) oui, il y a encore beaucoup à faire ! ».
Source: Rfi