De nombreux cadavres, mais aussi des survivants, ont été extirpés des décombres lundi, au lendemain de quatre terrifiantes explosions accidentelles ayant ravagé un camp militaire et des quartiers alentour à Bata, en Guinée équatoriale, faisant grimper le bilan provisoire de ce drame à 98 morts au moins et 615 blessés.
Trois enfants âgés de 3 et 4 ans ont notamment été extraits vivants des ruines d’habitations et transportés à l’hôpital, selon la TVGE, télévision d’Etat qui dépend du ministère de l’Information.
L’inamovible président Teodoro Obiang Nguema, qui dirige ce petit pays d’Afrique centrale d’une main de fer depuis près de 42 ans, a blâmé des fermiers voisins pour un écobuage mal maîtrisé et la « négligence » des militaires chargés de surveiller l’arsenal du camp de Nkoa Ntoma, dans la capitale économique du pays.
Les très puissantes déflagrations, espacées de longues minutes en plein après-midi, ont littéralement ravagé les édifices du camp abritant des militaires des forces spéciales et des gendarmes, ainsi que leurs familles, et éventré ou aplati d’innombrables maisons des quartiers environnants.
Dans la nuit de dimanche à lundi, des habitants de Bata ont assuré à l’AFP que des édifices continuaient de se consumer et que des détonations de faible puissance étaient encore perceptibles de temps à autre.
« Pour le moment, nous déplorons 98 morts et 615 blessés », a annoncé dans la soirée sur son compte Twitter le vice-président en charge de la Défense et de la Sécurité, Teodoro Nguema Obiang Mangue, fils du chef de l’Etat et surnommé Teodorin.
Toute la journée, les autorités sont restées muettes sur le bilan des nombreuses découvertes macabres que filmait la TVGE, jusqu’à l’annonce du vice-président, souvent présenté comme le dauphin du président Obiang, détenteur à 78 ans du record mondial de longévité au pouvoir pour un président en vie.
Le ministère de la Défense avait parlé, dimanche soir, de 20 morts et au moins 600 blessés et la TVGE avait annoncé dans la matinée la découverte de 10 nouveaux cadavres.
– « Entièrement brûlés » –
« Mon oncle, un officier du camp, vient de nous appeler pour dire qu’il avait retrouvé ce matin les corps de cinq membres de sa famille entièrement brûlés », témoigne pour l’AFP par téléphone un habitant de Bata qui a requis l’anonymat.
« Nous n’avons pas dormi de la nuit, des maisons ont continué de brûler toute la nuit et on entendait encore des petites détonations; les habitants des quartiers situés dans un rayon de 2 à 4 km du lieu des explosions n’ont pas pu rentrer », assure à l’AFP un autre habitant contacté par téléphone, Teodoro Nguema.
La TVGE a diffusé en boucle des images de secouristes ou simples civils extirpant des corps de ruines encore fumantes. Ici, des hommes transportent un cadavre dans un drap jaune au milieu d’un amas de morceaux de béton et de tôles, là un civil dépose le corps inanimé d’un enfant sur le plateau d’un pick-up…
La veille, la chaîne publique avait montré de nombreux enfants, femmes, hommes et vieillards fuyant, parfois portés ou claudiquant, dans un paysage de désolation encore enveloppé d’épaisses volutes de fumée et de poussière après les terrifiantes déflagrations.
Dans un hôpital de Bata, de nombreux blessés, certains à même le sol et sous perfusion, ont reçu de premiers soins dans une ambiance de chaos.
– « Négligence » –
« La ville de Bata a été victime d’un accident provoqué par la négligence de l’unité chargée de garder les dépôts de dynamite, d’explosifs et de munitions qui ont pris feu à cause des brûlis allumés dans leurs champs par les fermiers qui ont finalement fait exploser successivement ces dépôts », avait détaillé dans un communiqué le chef de l’Etat.
Puis le ministère de la Défense avait expliqué que « les explosions (…) de munitions de gros calibre » avaient provoqué des « ondes de choc détruisant totalement de nombreuses maisons avoisinantes ».
La ville de Bata abrite environ 800.000 des quelque 1,4 million d’habitants de ce petit Etat riche de son pétrole et de son gaz mais où la grande majorité de la population vit sous le seuil de pauvreté.
Le président Obiang a ordonné une enquête et « lancé un appel à la communauté internationale à soutenir la Guinée équatoriale ».
Le vice-président Teodorin Obiang est apparu longuement dimanche et lundi, arpentant les décombres et visitant les blessés à l’hôpital, entouré d’une poignée de ses habituels gardes du corps israéliens.
La Guinée équatoriale est l’un des pays les plus fermés d’Afrique, voire du monde et le régime de Teodoro Obiang Nguema est régulièrement accusé d’atteintes aux droits humains par ses opposants et des organisations internationales.