La tension liée à la présidentielle au Niger, dont la victoire est revendiquée par le pouvoir et l’opposition, persistait jeudi à Niamey où le domicile du correspondant de Radio France Internationale (RFI) a été vandalisé et incendié.
Cette attaque est survenue quatre jours après le second tour de l’élection présidentielle remportée par le candidat du pouvoir Mohamed Bazoum, mais contestée par son adversaire de l’opposition Mahamane Ousmane.
Deux personnes sont mortes lors des troubles qui ont suivi l’annonce mardi par la Commission électorale nationale indépendante (Céni) des résultats de la présidentielle donnant vainqueur Mohamed Bazoum.
Condamnant ces violences, Paris a appelé l’ensemble des parties au « dialogue » et « à recourir aux voies légales pour régler tout différend ».
Dans un communiqué commun, la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) et l’ONU « condamnent fermement les actes de violence » et « appellent toutes les parties prenantes à la retenue ».
Lors d’une rencontre à Niamey avec les diplomates étrangers et les représentants des organisations internationales, le Premier ministre nigérien Brigi Rafini leur a demandé d’aider son pays au dialogue avec l’opposition « pour un Niger uni et sans fractures ».
Le domicile à Niamey de Moussa Kaka, le correspondant de RFI, a été vandalisé et en partie incendié jeudi matin. « Ils ont tout cassé, ils ont mis le feu », a-t-il dit à l’AFP.
Correspondant de longue date de RFI au Niger, Moussa Kaka a passé près d’un an en prison – du 20 septembre 2007 au 23 juillet 2008 – accusé « de mettre en danger la sécurité de l’Etat » par ses liens supposés avec la rébellion touareg du Nord du pays.
La direction de RFI a estimé que son correspondant « a été visé en tant que journaliste » et « condamne cet acte liberticide et continuera de défendre la liberté d’informer ».
L’attaque du domicile du journaliste s’est produite dans un contexte politique tendu lié aux résultats du second tour de l’élection présidentielle de dimanche qui devait consacrer la première passation de pouvoir entre deux présidents élus dans un pays habitué aux coups d’Etat.
La Céni a proclamé la victoire d’un très proche du président sortant Mahamadou Issoufou, Mohamed Bazoum, avec 55,7% des voix face à un ancien chef de l’Etat, Mahamane Ousmane, qui a contesté ces résultats et s’est proclamé vainqueur avec 50,3%.
Depuis, des troubles ont eu lieu à Niamey et d’autres villes du pays, des manifestants descendant dans les rues et s’en prenant aux forces de l’ordre qui ont répliqué à coups de gaz lacrymogènes.
– Nombreuses arrestations –
« Le bilan est de deux morts », a déclaré jeudi à la presse Alkache Alhada, ministre de l’Intérieur, annonçant également 468 arrestations depuis mardi, « y compris certains hommes politiques ».
L’une des personnes décédées a été victime d’une crise d’épilepsie pendant une manifestation.
L’autre a été tuée par balle et était le garde du corps d’un candidat du premier tour du 27 décembre, Seïni Oumarou, qui avait appelé à voter au second tour pour Mohamed Bazoum.
Il y a également eu « des dégâts, destructions d’infrastructures, de biens publics et privés », selon M. Alhada. Outre celle de Moussa Kaka, plusieurs résidences d’autres personnalités ont également été incendiées.
Le ministre a accusé le principal opposant Amadou Hama – qui n’a pas pu se présenter à la présidentielle à cause d’une condamnation en justice – d’être à l’origine de ces troubles.
« Le principal responsable (Amadou Hama) est recherché et comme d’habitude, il est en fuite, mais on le trouvera », a affirmé le ministre en détaillant les chefs d’accusation contre lui: « appel au meurtre, à la violence, propos racistes inacceptables, xénophobie ».
M. Hama, qui soutenait Ousmane, a durant la campagne attaqué les origines arabes de M. Bazoum en des propos parfois très véhéments pouvant être passibles, selon plusieurs sources proches du pouvoir, de poursuites pénales.
M. Alkache a accusé M. Amadou de vouloir « arriver au pouvoir » en « mettant le feu » au Niger.
Parmi les personnes arrêtées figure également l’ancien chef d’état-major des armées Moumouni Boureima, proche de Amadou Hama, accusé d’être un des « meneurs » des troubles qui ont émaillé l’annonce des résultats.
Le Niger, pays pauvre de la bande sahelo-saharienne, est confronté à de nombreux défis, dont des attaques jihadistes régulières de groupes liés à l’Etat islamique dans l’Ouest et de Boko Haram, originaire du Nigeria, à l’Est.
Le second tour de la présidentielle a été endeuillé dimanche par la mort de huit agents électoraux, dont sept dans l’explosion de leur véhicule qui a sauté sur une mine placée peu avant son passage dans la région de Tillabéri (Ouest).
Un autre est mort et neuf ont été blessés dans l’attaque de leur voiture par des membres de Boko Haram dans la région de Diffa (Sud-Est).
Source: Sunu Afrik