Journée cruciale, ce mercredi, pour la politique congolaise. C’est en effet le dernier jour de la session extraordinaire ouverte en janvier pour un mois afin de permettre l’élection d’un bureau définitif de l’Assemblée nationale, après l’éviction de celui de Jeanine Mabunda. Les conditions de ce processus, toutefois, sont estomaquantes. Du rarement vu.
L’élection est organisée par le « bureau d’âge » (le doyen de l’Assemblée, assisté par les deux plus jeunes députés, tous issus de la coalition kabiliste FCC) temporaire, qui est chargé des affaires courantes depuis le départ du bureau Mabunda, en décembre dernier. Cestte destitution avait signé la rupture de la coalition entre Joseph Kabila et Félix Tshisekedi, qui avait permis de donner au premier la majorité dans les assemblées législatives et au second le fauteuil présidentiel – le tout sans que soient jamais publiés les PV de résultats électoraux.
Je me valide moi tout seul
Le président temporaire de l’Assemblée nationale, Christophe Mboso, préside la commission qui valide ou non les candidatures aux sept postes à pourvoir. Le grand âge n’excluant pas l’ambition, M. Mboso est aussi candidat à devenir le président définitif de l’Assemblée nationale pour la nouvelle coalition tshisekediste, l’Union sacrée, aujourd’hui dominée par des transfuges kabilistes du FCC. Ceux-ci ont en effet cédé à la menace proférée par le président Tshisekedi d’une dissolution de l’Assemblée, qui les priverait de leurs émoluments et avantages alors qu’ils ont peu de chance de gagner une élection transparente.
Comme une élection est un exercice comportant des risques – celui de ne pas être élu – M. Mboso a aplani l’obstacle qu’il devait franchir: c’est lui qui décide qui pourra se mesurer à lui. Et sa décision est claire et nette: personne. Il est en effet le seul candidat qu’il ait admis pour le poste de président du bureau. La simple déontologie eut voulu qu’il laisse la charge d’admission des candidatures à, par exemple, le deuxième doyen en âge de l’Assemblée.
Règlement inconstitutionnel
Mboso a également admis une seule candidature pour les autres postes à pourvoir, à l’exception de celui de rapporteur adjoint, pour lequel deux noms ont été retenus. Les autres candidats ont été rejetés au motif qu’ils n’avaient pas été élus députés en tant qu’indépendants et que leur candidature n’était pas endossée par un parti ou un regroupement de partis – ce qui aurait été difficile puisque de nombreux partis ont une aile restée kabiliste et une autre ralliée à Tshisekedi.
Mboso dit s’appuyer, pour agir ainsi, sur le règlement d’ordre intérieur adopté par l’Assemblée nationale début 2019, quand elle était encore kabiliste. Pour empêcher ses ouailles de quitter ses rangs et affaiblir ainsi sa majorité si peu légitime, Joseph Kabila avait en effet fait adopter une règle selon laquelle chacun devait se déclarer « majorité » ou « opposition » en début de législature et ne pouvait changer de camp jusqu’aux élections suivantes. A la mi-janvier, la Cour constitutionnelle a déclaré cette règle inconstitutionnelle, souligné que le mandat des députés n’était pas impératif – et permis ainsi au président Tshisekedi de rallier à son Union sacrée plusieurs centaines de transfuges du FCC, désormais libres de changer de parti.
Or, font valoir les députés dont il a rejeté la candidature, M. Mboso, qui profite de cette liberté pour quitter les kabilistes et se rallier à l’Union sacrée, prétend appliquer le règlement d’ordre intérieur inconstitutionnel pour empêcher des candidats de se présenter sous une autre bannière que celle qu’ils brandissaient début 2019. La Constitution n’est pas à géométrie variable, font-ils valoir.
Requêtes retardatrices?
Candidat unique au poste de 1er vice-président du bureau, Marc Kabund-a-Kabund (UDPS, parti historique des Tshisekedi), espère quant à lui prendre sa revanche: la même Assemblée nationale l’avait destitué de ce poste en mai dernier pour avoir « nui à l’image » de l’institution, histoire de lui faire sentir que c’étaient les kabilistes qui commandaient la coalition avec les tshisekedistes. Il entend bien, désormais, à la tête de l’Union sacrée, mener ses collègues à la cravache.
Tout ce montage pourrait cependant être grippé par deux grains de sable. Une requête a été déposée devant le Conseil d’Etat pour suspendre l’élection à l’Assemblée nationale et une autre à la Cour constitutionnelle pour lui demander d’interpréter sa propre décision indiquant que le mandat des députés n’était pas impératif. Combien de temps les deux cours prendront-elles pour répondre? La session extraordinaire devant obligatoirement se clôturer le 3 février, l’élection du bureau définitif de l’Assemblée sera-t-elle renvoyée à la session ordinaire qui ouvre le 15 mars?