Mohammed Bazoum et Mahamane Ousmane sont qualifiés pour le second tour de la présidentielle au Niger, selon des résultats globaux provisoires annoncés ce samedi matin par la Commission électorale. Le deuxième tour est annoncé pour le 20 février prochain.
Le candidat du PNDS (Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme), Mohamed Bazoum, arrive en tête, avec un peu plus de 39% des suffrages, soit 1 879 000 voix et en seconde position figure Mahamane Ousmane, candidat du RDR-Tchanji (Renouveau Démocratique et Républicain), avec 16,99%. Il y a, entre les deux premiers candidats, un écart d’un million de voix.
En troisième place arrive Seini Oumarou qui a été Haut Représentant du président pendant le second mandat de Mahamadou Issoufou. Seini Oumarou, candidat du MNSD, parti de l’ancien président Mamadou Tandja, obtient quant à lui, 8,95% des voix. À la dernière présidentielle, en 2016, il était déjà arrivé à la troisième place, mais avec un score d’un peu plus de 12%.
Un nombre élevé de candidats – une trentaine – se présentaient cette année comme l’ancien ministre de l’Agriculture Albadé Abouba, du MPR Jamhuriya qui arrive quatrième, avec 7% des voix, suivi d’Ibrahim Yacouba, avec plus de 5%.
Les autres candidats recueillent tous moins de 5% des suffrages exprimés. Salou Djibo, qui a été à la tête du Niger suite au coup d’État contre Mamadou Tandja, affiche un score d’un peu moins de 3%.
Bazoum et Ousmane qualifiés, des fraudes dénoncées
Il y aura donc un second tour, qui doit se tenir le 21 février prochain, entre deux hommes politiques bien connus des Nigériens.
D’un côté, Mohamed Bazoum, âgé de 60 ans, candidat du parti au pouvoir, le PNDS, dont il est l’un des fondateurs, et proche du président actuel, Mahamadou Issoufou. Il a été ministre des Affaires étrangères, puis de l’Intérieur. Il a également été plusieurs fois élu député de Tesker (Sud-Est).
Même si Mohamed Bazoum réalise un score inférieur à celui de Mahamadou Issoufou au premier tour en 2016 (environ 39% contre 48,43%), Idrissa Waziri, porte-parole du PNDS, se veut serein en vue du second tour. Pour lui, l’écart entre Issoufou et Bazoum vient d’un émiettement des voix dû à un grand nombre de candidats : « Certains candidats, avec nous dans le cadre de l’alliance tissée au lendemain des élections de 2016, ont préféré sortir pour prendre un peu la température du suffrage universel. Cela a créé un peu de dispersion de voix », a-t-il expliqué à Magali Lagrange, envoyée spéciale à Niamey pour RFI.
« Nous avons déjà, avec nos alliés, plus de la majorité des parlementaires. Nous sommes encore majoritaires au Parlement. Nous sommes stables. »
Face à Mohamed Bazoum, il y a donc Mahamane Ousmane, candidat du RDR-Tchanji, a déjà exercé la fonction présidentielle puisqu’il a été élu en 1993, avant d’être renversé par un coup d’État en 1996. Mahamane Ousmane était déjà candidat en 2016. Il avait terminé en quatrième position. Cette fois, il a bénéficié du soutien du Moden Fa Lumana Africa. Quelques jours avant le scrutin, le parti a donné une consigne de vote à ses militants en sa faveur, puisque la candidature de Hama Amadou avait été invalidée par la Cour constitutionnelle.
Barké Moustapha, le directeur de campagne du Moden Fa Lumana Africa, n’est toutefois pas satisfait du résultat de Mahamane Ousmane et des législatives (80 sièges pour ne PNDS, 19 pour le Moden Fa Lumana Africa). « L’ampleur de la fraude a pesé. Nous avons dressé le top 20 des endroits où il y a eu des fautes. (…) Nous allons, en début de semaine, introduire des recours en annulation », prévient-il au micro de Magali Lagrange.
Ibrahim Yacouba, arrivé en cinquième position au premier tour, dénonce lui aussi des fraudes et des électeurs fictifs qui auraient voté massivement pour Mohamed Bazoum. « Nous comptons déposer des recours devant la Cour constitutionnelle, en espérant qu’elle dira le droit et rétablira la vérité des urnes en annulant les voix fictives qui ont été intégrées dans la comptabilité de la Céni », a-t-il déclaré à Victor Mauriat.
« Le Niger a besoin d’un président qui sera élu honnêtement, pas d’un président élu sous n’importes quelle conditions et en usant de moyens malhonnêtes et illégitimes. »
L’heure est maintenant aux discussions entre les différents partis politiques, pour former ou confirmer des alliances, avant le second tour de la présidentielle. Plusieurs partis ont indiqué qu’il était encore trop tôt pour se prononcer sur cette question. Le MNSD, arrivé troisième comme en 2016 mais avec cette fois un score moins élevé, sera peut-être au coeur des tracations à venir. En attendant, Doro Adamou Sékou, de la cellule communication de la direction de campagne du MNSD, juge ce score en baisse comme « tout à fait normal », compte-tenu des « dissidences au sein du parti ».
Résultats annoncés des législatives
Enfin on votait aussi pour les législatives, dimanche dernier. Les Nigériens ont ainsi élu 166 députés de l’Assemblée nationale, en un tour et à la proportionnelle.
Comme pour la présidentielle, c’est le PNDS qui arrive en tête. Il obtient 80 sièges, suivi du Moden Fa Lumana Africa, avec 19 sièges pour le parti de Hama Amadou. Le MNSD et le MPR Jamhuriya obtiennent 13 sièges chacun.
Les cinq députés qui représentent la diaspora n’ont pas été élus dans le cadre de ce scrutin. La Céni précise que des législatives partielles seront organisées ultérieurement.
Pas de coup KO
Joint par RFI, le journaliste et essayiste nigérien Seidick Abba explique pourquoi l’arrivée en tête du PNDS, parti au pouvoir, lors de ce premier tour de la présidentielle et des législatives n’est pas vraiment une surprise.
« En réalité, pour qui connaît bien la sociologie politique du Niger, ce n’est pas une surprise parce que depuis février 1993, il y a toujours eu un second tour lors des élections présidentielles organisées au Niger. Donc, ce n’est pas une surprise. C’est le coup KO qui aurait été une surprise », souligne-t-il.
« Ceux qui étaient considérés au départ comme les vrais favoris du scrutin ont confirmé leur statut parce qu’il y a eu un émiettement de voix. À la différence de l’élection de 2016 où il n’y avait que quinze candidats, aujourd’hui on s’est retrouvé avec trente candidats. Cet émiettement de voix a profité aux candidats qui ont un appareil politique important, une vraie assise politique », ajoute Seidick Abba.
Source: Rfi