Centrafrique: premier bilan de la journée de vote, le dépouillement continue

© REUTERS / Antonie Rolland Les électeurs font la queue pour voter lors des élections présidentielles et législatives dans un bureau de vote à Petevo, 8e arrondissement de Bangui, en République centrafricaine, le 27 décembre 2020.

Au lendemain d’une journée de vote marquée par des perturbations de groupes armés à l’intérieur du pays et alors que le dépouillement continue, une première cartographie des sous-préfectures où le vote a bien eu lieu se dessine. Trente-six sous-préfectures ont pu voter normalement, à Bangui, et dans le nord-est du pays notamment. 

Le ministre de l’Administration du territoire, Augustin Yangana Yahote, a fait le décompte ce lundi 28 décembre au matin : 36 sous-préfectures ont pu voter normalement, 6 partiellement et 29 sous-préfectures n’ont pas pu voter du tout. Ce scrutin est donc une réussite dans un contexte sécuritaire très délicat, selon lui.

 « La crise est encore présente en République centrafricaine. On ne pouvait s’attendre à un vote de 100 % mais toujours est-il que la majorité des localités ont voté. Même si quelque part il y a eu des résistances, nous pensons que la démocratie a pris le dessus ».

Les électeurs des localités du nord-est du pays ont pu voter sans difficultés. D’autres régions ont été plus impactées comme à Bouar, ou à Bossangoa.

Des sous-préfectures qui n’ont pas pu voter

Comment expliquer que certaines sous-préfectures n’aient pas du tout pu voter ? Car le pays est occupé aux deux tiers par des groupes armés, et il y a deux semaines environ ils ont décidé de s’unir dans une coalition avec comme objectif clair d’empêcher l’élection. Ils réclament l’ouverture de concertations après l’échec selon eux de l’accord de paix signé en 2019.

Cette coalition a usé de différents moyens selon les localités: des tirs nourris au petit matin pour effrayer la population, des menaces sur les agents électoraux, ailleurs ils ont tout simplement volé ou détruit le matériel électoral.

Parmi les zones les plus touchées, Bossangoa, le fief de l’ancien président Bozizé qui a désormais officialisé son soutien à la rébellion, mais aussi Bouar. Pas un seul habitant n’y a glissé son bulletin dans l’urne alors que c’est en théorie la ville la plus forte militairement du pays.

Malgré tout, la Minusca voit dans ce scrutin, une victoire pour « le peuple centrafricain ». Il est vrai que dimanche beaucoup disaient aller voter pour dire leur volonté d’avancer sur le chemin de la démocratie et de refuser une répétition du scénario de 2013 avec une nouvelle prise de pouvoir par la force.

La remontée des résultats

Il faut faire remonter jusqu’à Bangui l’ensemble des plis de procès-verbaux des élections dispersés dans un territoire grand comme la Belgique et la France. C’est un véritable défi, car de nombreuses routes ne sont pas praticables ou dangereuses à cause des affrontements et incursions armés.

C’est aussi un défi parce que rien n’indique que la rébellion ne va pas maintenant chercher à détruire ces résultats. Dimanche soir, aux environs de Carnot, où le vote s’était tenu tant bien que mal, des urnes ont été saccagées.

La Minusca se dit consciente du risque et est en état d’alerte. Car cela voudrait dire in fine que les résultats disponibles pourraient être encore plus faible que le nombre de votes réellement exprimés.

Quid des électeurs qui n’ont pas pu voter ?

Pour ces zones qui n’ont pas pu aller aux urnes, c’est la Cour constitutionnelle qui tranchera. Elle va recevoir les procès-verbaux et va devoir les analyser, et analyser aussi les recours qui seront sans doute nombreux pour ensuite statuer.

La possibilité d’élections partielles est évoquée, autrement dit réorganiser le vote dans les endroits où ça n’a pas pu avoir lieu dimanche, notamment pour les législatives, puisque si on n’a pas pu voter il n’y aura pas de députés élus.

Mais rien n’est certain pour le moment, c’est seulement au moment de la proclamation des résultats définitifs qu’on le saura, soit le 19 janvier pour les présidentielles et le 28 janvier pour les législatives.

Le ministre de l’Administration du territoire a fait valoir ce lundi que la loi ne prévoit aucun seuil minimum de participation pour valider une élection.

La légitimité du scrutin remise en cause 

Dans ce contexte, cette élection peut-elle être crédible et légitime ? Certains en doutent. Avant même qu’il ait lieu d’ailleurs l’opposition questionnait la légitimité de ce scrutin alors que la campagne n’avait  pas pu se tenir normalement. Malgré tout, les autorités parlent d’une réussite. 

« Ceux qui voulaient une transition ont échoué », se félicite la ministre de la Défense. « Dans un pays en crise, il y a toujours des gens qui ne votent pas », indique  aussi le ministre de l’Intérieur.   Ce n’est pas la première fois qu’on assiste à ce scénario. En 2015-2016 déjà la Cour avait alors décidé d’annuler les législatives, mais pas la présidentielle alors qu’un grand nombre de bureaux de vote n’avaient pas été comptabilisés.

Seulement, la différence c’est qu’à l’époque il y avait un consensus au sein de la classe politique pour essayer de tourner la page de la guerre civile. Aujourd’hui, cette classe politique est très polarisée entre le président Touadéra et ses partisans et ceux qui veulent le voir quitter le pouvoir à tout prix.

Le dépouillement se poursuit

À Bangui, la capitale qui rassemble environ 250 000 électeurs sur 1, 8 million, le vote a eu lieu malgré les craintes qui entouraient cette journée. Plus tôt dans la semaine, des rumeurs avaient provoqué un mouvement de panique incontrôlé jusque dans le centre-ville, faisant craindre pour cette journée de vote, même dans la capitale.

Finalement les Banguissois étaient au rendez-vous, et de longues files d’attentes se formaient devant les bureaux de votes, selon les journalistes de RFI. Des dysfonctionnements et problèmes logistiques ont été relevés, mais la détermination des Banguissois était bien là, même si le taux de participation n’est pas encore connu.

Ce lundi, Bangui est donc dans l’attente des rapports d’observateurs. Pas de bilan du nombre de votants en tout, en fin de journée, car des dépouillements sont encore en cours et les procès-verbaux en train d’être d’acheminés.

« Il y en a qui viendront par la route, pour ceux qui sont à côté, mais d’autres par avion. La Minusca a mobilisé les avions pour aider dans le transfert des résultats de l’intérieur du pays vers la capitale », assure Mathias Morouba, président de l’Autorité nationale des élections.

 

  Source: Rfi